Nietzsche lecteur d'Épicure
Auteur / Autrice : | Florian Tomasi |
Direction : | Christine Noël-Lemaitre |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Philosophie |
Date : | Inscription en doctorat le 01/09/2019 |
Etablissement(s) : | Aix-Marseille |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Cognition, Langage et Education (Aix-en-Provence ; 2000-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Institut d'Histoire de la Philosophie. |
Mots clés
Mots clés libres
Résumé
Nietzsche n'est rien sans les Grecs. L'exégèse nietzschéenne n'a pas manqué de souligner régulièrement ce point et d'insister sur le rapport de Nietzsche aux philosophes grecs et à l'Antiquité comme étant une clef d'entrée essentielle dans sa philosophie.Ce projet de thèse vise à expliciter les liens qu'a entretenu Nietzsche avec le matérialisme antique et notamment avec un auteur en particulier : Epicure. Extrêmement rares sont les études consacrées en histoire de la philosophie au rapport spécifique de Nietzsche à Epicure. Pourtant, à l'exception de Socrate et hormis Platon, le philosophe allemand ne se réfère à aucun autre penseur de l'Antiquité avec autant insistance. La référence à Epicure traverse l'ensemble des écrits de Nietzsche depuis son premier ouvrage, La Naissance de la tragédie (1872) jusqu'à l'Antéchrist (1896). Toutefois, la relation de Nietzsche à Épicure pose problème. Objet d'admiration, voire de vénération dans un premier temps, les rapports intellectuels entretenus avec le fondateur de l'école du jardin se dégradent dans ses écrits tardifs, et Epicure passe du statut de modèle de sagesse à une figure de la décadence de la vitalité de l'esprit. Ainsi, si, en 1882, Nietzsche pouvait écrire dans le Gai savoir, qu'il pouvait être fier d'avoir une lecture d'Épicure « peut-être différente de celle de tout le monde », qui lui procurait une joie semblable à un « bonheur d'après-midi »; en 1888, en revanche, on peut lire dans L'Antéchrist qu'« Épicure est un décadent typique », Nietzsche faisant ainsi du philosophe antique un des premiers instigateurs de la morale chrétienne. À ce titre, certains spécialistes de l'épicurisme, comme Norman Wentworth DeWitt ou Wolfgang Schmid en viennent même à penser comme possible l'existence de relations entre les pratiques spirituelles et corporelles des épicuriens et certaines pratiques sotériologiques des premiers chrétiens. Si l'on considère le corpus des uvres philosophiques de Nietzsche dans son intégralité, l'on peut remarquer qu'à partir de 1878, dans Humain, trop humain I, Épicure traverse tous les travaux du philosophe allemand. Il lui consacre de nombreux aphorismes empreints d'admiration à l'égard de la force de la pensée épicurienne. Mais à partir de 1887, dans le cinquième livre du Gai savoir, qu'il ajoute à son ouvrage à l'occasion de sa seconde édition, sa relation à la philosophie d'Épicure se détériore et même est aux antipodes de ce qu'elle avait pu être ; et elle se maintien en l'état jusqu'à ce que Nietzsche sombre dans la folie en 1899. Les rares études traitant de ce sujet présentent ce changement d'attitude comme le résultat de la versatilité de Nietzsche. Le philosophe allemand a en effet l'habitude de passer de l'admiration à la désaffection voire à la détestation en tout cas au désamour au fil de ses rencontres intellectuelles. Si elle n'est pas une preuve de la versatilité de Nietzsche, son rapport énigmatique à Épicure est souvent interprété comme une forme d'inconséquence de la part du philosophe allemand, ou du moins comme la marque d'une évolution de sa pensée .Cette thèse ambitionne d'aller à l'encontre de ces interprétations classiques, en montrant que loin d'être une preuve d'inconséquence, cette bivalence s'inscrit dans la philosophie même de Nietzsche, qui soutient un perspectivisme. En effet, comme nous l'avons déjà dit, Nietzsche aborde les penseurs qu'il étudie selon trois points de vue : celui du philologue, celui de l'historien de la philosophie, et celui du philosophe stricto sensu. Le projet de cette thèse est donc non seulement d'identifier l'éventuelle évolution de ces trois positions dans la compréhension nietzschéenne de la pensée d'Épicure à travers ses écrits, mais d'en montrer l'articulation.