Le verre libertin. Poésie bachique et irréligion (VIIIe s. arabe - XIIe/XIIIe s. latin - XVIIe s. français)

To drink and to sin. Bacchic poetry and irreligion (8th c. Arabic - 12th/13th c. Latin - 17th c. French poetry)

• Auteur / Autrice : Aurélien Roche
• Direction : Emilie Picherot
• Type : Projet de thèse
• Discipline(s) : Littératures comparées
• Date : Inscription en doctorat le 01/09/2023
• Etablissement(s) : Université de Lille (2022-....)
• Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences de l'homme et de la société
• Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Analyses Littéraires et Histoire de la Langue

Mots clés

Mots clés libres

Libertinage

Poésie du vin

Chanson à boire

Zandaqa

Goliards

Hétérodoxie

Libertinism

Wine poetry

Drinking song

Zandaqa

Goliards

Heterodoxy

Résumé

L'expression poétique de l'irréligion, que le concept soit compris au sens fort d'un athéisme radical ou plus faible de la transgression épisodique d'une morale religieuse, caractérise la production de certaines communautés lettrées généralement qualifiées de "libertines" par la recherche contemporaine, qui applique à d'autres corpus une catégorie endogène à la littérature française de l'âge classique (fin XVIe - début XVIIIe s.). C'est, par exemple, le cas des zindīq-s arabes du VIIIe siècle, des Goliards, clercs latins de la fin du XIIe et du début du XIIIe siècle, ou des « poètes satyriques » du premier XVIIe siècle français. Si chacune de ces communautés a déjà fait l'objet de divers travaux en histoire des idées, en philosophie ou en littérature, il n'existe pas à ce jour d'étude générale et comparée de la poésie dite libertine. En prenant pourtant un léger recul, nous remarquons qu'un phénomène proche se dégage de ces corpus : au moment où une pensée, définie par son écart par rapport à une norme religieuse, trouve une place inédite dans un champ littéraire, semble se singulariser un genre original taillé pour l'exprimer, la poésie du vin, qui se décline respectivement en "khamriyya", "carmina potatorum", et "chansons à boire" ou "airs bachiques". Notre travail de recherche tentera, à partir d'une analyse stylistique de chacun des corpus, d'interroger le rôle symbolique de ce genre poétique, et de réfléchir aux mécanismes contextuels, à la fois historiques, religieux, philosophiques et littéraires, pouvant expliquer son émergence dans des cercles de penseurs qualifiés d'irréligieux par leurs adversaires. Ce projet d'anthropologie poétique s'inscrira dans le champ d'études du comparatisme thématique, renouvelé depuis vingt ans par certains apports méthodologiques issus du comparatisme ethnographique.

The poetic expression of irreligion — whether the word stands for a radical form of atheism or the ephemeral transgression of a religious norm — characterizes the production of several communities of writers usually described as "libertines" by modern academics, borrowing the word from 17th century unorthodox French writers. Among these communities, some remarkable examples are the 8th century Arab zindīq-s, the Goliards, wandering scholars of Western Europe writing their latin verses between the end of the 12th and the beginning of the 13th century, and the French "poètes satyriques" living during the first half of the 17th century. Although each one of these communities has already been widely studied in several academic fields (intellectual history, philosophy, literature), no thorough comparison between their literary productions has ever been completed. However, gaining some perspective, we can observe a quasi similar phenomenon emerging from these corpora : the spread of an irreligious discourse through literary circles coincides with the rise of an original poetic genre perfectly fitted to express it — the wine poetry (regardless of whether you call it "khamriyya", "carmina potatorum" or "chanson à boire"). This work aims to question the symbolic role of this poetic genre and to reflect upon contextual mechanisms — historical, religious, philosophical and literary — that may explain the reasons of its unprecedented use in the written production of thinkers qualified by their opponents as profoundly irreligious. This project on the verge of literary and anthropological studies will find its place in the academic field of thematic comparative literature, renewed for about twenty years by methodological contributions from anthropology.