L'eugénisme: religion scientifique ou science religieuse. Le cas états-unien, 1900-1939.

Eugenics: scientific religion or religious science. The American example, 1900-1939 »

• Auteur / Autrice : Rachid Kamal el idrissi
• Direction : Cécile Coquet-mokoko
• Type : Projet de thèse
• Discipline(s) : Sciences Sociales
• Date : Inscription en doctorat le 15/12/2022
• Etablissement(s) : université Paris-Saclay
• Ecole(s) doctorale(s) : Sciences Sociales et Humanités
• Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre d'Histoire Culturelle des Sociétés Contemporaines
• Partenaire(s) de recherche : Référent : Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines

Mots clés

Mots clés libres

Eugénisme

Hérédité

Grands Réveils

Dysgénisme

Stérilisations

Eugenics

Heredity

Great Awakenings

Dysgenics

Stérilisations

Résumé

Cette thèse a pour but d'étudier le processus de religionisation de l'eugénisme dans les Etats-Unis de la première moitié du XXème siècle, où la frénésie génétique fait quasi office de prédestination biologique, et les conséquences afférentes à cette malédiction scientifique. Interpréter les problèmes sociaux à travers le prisme de la biologie n'est pas une idée neuve en Amérique du début du XXème siècle, qui voit la révolution de la génétique s'imprégner de la redécouverte des lois de Mendel et d'une relecture du darwinisme. L'eugénisme est alors la promesse d'une direction autonome de l'évolution humaine. Si le darwinisme confère au plus fort le droit de survivre, les eugénistes considèrent que la science moderne permet d'accélérer et de contrôler ce processus. Le mouvement eugéniste étatsunien tient ses racines de la Grande Bretagne de la fin du XIXème siècle. Galton y invente le terme eugenics à partir du grec, qui signifie bien né. Dans son essai, Essays in Eugenics, Galton fait de cette science une religion interventionniste. Et il est important d'agir, car il y a urgence. Le mouvement eugéniste étatsunien part tout d'abord d'une bonne intention: pallier le taux de mortalité infantile inquiétant en ce début de XXème siècle, qui confine à la théorie du race suicide, concept qu'il s'agit d'expliquer aux plus grandes masses, non-familières du langage scientifique ésotérique. L'héréditarisme étant accessible qu'à une infime poignée de scientifiques, ce dogme eugéniste trouvera son pouvoir de socialisation dans son esthétisation, autre composante majeure de la religiosité de cette science. Il s'agit de « voir ce que l'on n'a pas appris à connaître » (Claude Bernard). Les aberrations génétiques des inaptes (malades mentaux, minorités ethniques etc...), voués aux gémonies, sont montrées et expliquées de la manière la plus simpliste possible : leurs tares visibles ne sont que la punition divine de leurs lignées corrompues, rappelant en cela la physiognomonie médiévale. Ce dysgénisme est très présent au cinéma (The Black Stork, Dracula, Frankenstein etc...). Cependant, ce désastre génétique est vulnérable à condition d'y mettre du sien. Ainsi apparaissent les foires eugénistes, véritables croisades, mettant la famille étatsunienne au centre du projet eugéniste. Les familles nombreuses aux enfants bien portants y sont exaltées dans un spectacle de sublimation et d'idéalisation de l'espèce dont la figure privilégiée est esthétique. Ces foires, connues sous l'appellation Better Babies Contest et Fitter Family Contest, offrent une feuille de route puissante et subtile vers la perfection humaine, quasi divine, la recherche d'une eschatologie optimiste : ces foires montrent un futur radieux, avec un nouveau rôle assigné aux femmes, rôle à la fois biblique (clé de voûte de la famille traditionnelle) et scientifique (injonction qui leur est faite de procréer en qualité et quantité). Ces oxymores physiques (dysgénisme/eugénisme) rappellent que le résultat doit faire oublier le processus. Le taux de mortalité infantile n'est pas une fatalité, et une rationalisation de la reproduction permettra de pallier et de corriger le passé d'errance et de favoriser une prophétie mise en scène. C'est dans ce contexte biologico-religieux que Albert Edward WIGGAM publie son bestseller The New Decalogue of Science, véritables Dix Commandements de l'eugénisme, hissé au rang de religion. Cette thèse entend étudier et expliquer les mécanismes de religiosité de la science eugéniste ou de scientifisation de la religion eugéniste ayant conduit au succès de ce mouvement dans la première moitié du XXème siècle étatsunien.

This thesis aims to study the process of religiosity of eugenics in the United States of the first half of the 20th century, when genetic frenzy is construed as a biological predestination, and the consequences related to this scientific curse. Interpreting social problems through the prism of biology is not a new idea in America at the beginning of the 20th century, which witnessed the genetics revolution imbued with the rediscovery of Mendel's laws and a rereading of Darwinism. Eugenics is then the promise of an autonomous direction of human evolution. If Darwinism confers on the fittest the right to survive, eugenicists see in modern science the way to accelerate and control this process. The US eugenics movement has its roots in late 19th century Britain. Galton coined the term eugenics from the Greek, which means well-born. In his essay, Essays in Eugenics, Galton turns this science into an interventionist religion. And it is important to act, because there is an emergency. The US eugenics movement started with good intentions: to make for the worrying infant mortality rate at the beginning of the 20th century, which gave birth on the theory of race suicide, a concept that needs to be explained to the most large masses, reluctant to esoteric scientific language. Hereditarism being accessible only to a tiny handful of scientists, this eugenic dogma will find its power of socialization in its aestheticization, another major component of the religiosity of this science. It is about “seeing what we have not learned to know” (Claude Bernard). The genetic aberrations of the unfit(mentally ill, ethnic minorities, etc.), doomed to shame, are shown and explained in the most simplistic way possible: their visible flaws are only the divine punishment of their corrupt lineages, recalling in this medieval physiognomy. This dysgenism is very present in the cinema (The Black Stork, Dracula, Frankenstein etc...). However, this genetic disaster is vulnerable if you put your mind to it. Thus appear the eugenics fairs, veritable crusades, putting the American family at the center of the eugenics project. Large families with healthy children are exalted in a spectacle of sublimation and idealization of the species whose privileged figure is aesthetic. These fairs, known as the Better Babies Contest and the Fitter Family Contest, offer a powerful and subtle roadmap towards human, almost divine perfection, the search for an optimistic eschatology: these fairs show a bright future, with a new role assigned to women, a role that is both biblical (keystone of the traditional family) and scientific (injunction made to them to procreate in quality and quantity). These physical oxymorons (dysgenics/eugenics) remind us that the result must make us forget the process. The infant mortality rate is not inevitable, and a rationalization of reproduction will make it possible to palliate and correct the past of wandering and to favor a staged prophecy. It is in this biologico-religious context that Albert Edward WIGGAM publishes his bestseller The New Decalogue of Science, veritable Ten Commandments of eugenics, hoisted to the rank of religion. This thesis aims to study and explain the mechanisms of religiosity of eugenic science or of the scientificization of eugenic religion that led to the success of this movement in the first half of the 20th century in the United States.