La garantie contre les changements de doctrine de l'Administration fiscale dans la jurisprudence du Conseil d'Etat
Auteur / Autrice : | Laure Beltrando |
Direction : | Olivier Négrin |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | En droit spécialité Droit public |
Date : | Inscription en doctorat le 06/09/2021 |
Etablissement(s) : | Aix-Marseille |
Ecole(s) doctorale(s) : | École Doctorale Sciences Juridiques et Politiques (Aix-en-Provence) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : CEFF - Centre d'Etudes Fiscales et Financières |
Résumé
En France, la garantie contre les changements de doctrine a été introduite par une loi du 28 décembre 1959, aujourd'hui codifiée à l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales (LPF). Le principe de cette garantie est le suivant : les contribuables ont un droit à être traités conformément aux interprétations de la loi fiscale données par l'Administration fiscale à la date de l'imposition et sur la foi desquelles ils ont aménagé leur situation fiscale. Dans un arrêt de Plénière fiscale du 7 avril 1968, le Conseil d'Etat décida d'admettre le moyen tiré de l'article 100 de la loi de 1959, en lui donnant un champ d'application très large. Dans une note du 1er aout 1961, l'Administration fiscale avait en effet réduit la portée de la garantie aux seules décisions individuelles. Le Conseil d'Etat infirme cette analyse et étend le champ d'application de la garantie à toutes les positions prises par l'Administration dans un acte de portée générale, comme une instruction, une note ou une réponse ministérielle. La jurisprudence du Conseil d'Etat représente un grand progrès pour le contribuable car elle est directement à l'origine de la création du mécanisme de l'opposabilité de la doctrine administrative de portée générale. Mais le développement, par le Conseil d'Etat, de l'opposabilité de la doctrine administrative ne l'a pas empêché de dégager dans sa jurisprudence une conception fondamentale : le juge de l'impôt refuse de voir dans la doctrine administrative un quelconque phénomène normatif. L'étude de l'antinomie entre la sanction des abus de droit et l'opposabilité de la doctrine administrative, qui permet de l'illustrer, présente un grand intérêt en la matière. La volonté du Conseil d'Etat de ne pas reconnaitre un quelconque attribut de la règle de droit à la doctrine administrative a amené le juge à admettre qu'il n'est pas possible d'abuser de ce type de texte en donnant ainsi l'illusion que la garantie contre les changements de doctrine conférerait à la doctrine fiscale un régime propre autre que le simple aménagement de sa rétroactivité tout à fait exorbitant du droit commun. Et qui conduirait à faire bénéficier les contribuables qui se placeraient dans son sillage d'une sorte d'immunité empêchant toute condamnation pour abus de droit. Les enjeux, à la fois conceptuel et théorique, de cette thèse sont de déterminer quelle est la place qu'occupe la doctrine administrative dans la hiérarchie des normes. Plus précisément, nous nous interrogerons sur la nature juridique de la doctrine administrative et le régime qui doit, par conséquent, lui être appliqué. Afin de répondre à cette question, il semble indispensable d'analyser la jurisprudence du Conseil d'Etat rendue sur cette question. Le problème qui se dégage de l'ensemble de la jurisprudence du Conseil d'Etat est que la nature juridique de la doctrine administrative n'est pas correctement définie. Mais par son caractère d'anomalie juridique, la garantie contre les changements de doctrine a donné lieu à des centaines d'arrêts, faisant sans doute de celle-ci, la question ayant fait l'objet du plus grand nombre d'arrêts dans la jurisprudence fiscale du Conseil d'Etat. Cette jurisprudence très abondante débute dès les années 1950 et perdure encore aujourd'hui. La jurisprudence révèle des questionnements très riches dont certains ont été réglés mais d'autres sont encore en suspens. L'analyse des solutions anciennes permettrait de mettre en lumière l'ensemble du régime juridique de la garantie contre les changements de doctrine, de clarifier la définition de la doctrine administrative et, in fine, de discuter et de se prononcer sur la nature juridique de la doctrine administrative opposable. Cela permettant sans doute d'éclairer les questionnements non encore résolus. Cette nature juridique fera elle-même l'objet d'une analyse : est-elle admissible et, surtout, est-elle compatible avec la théorie du droit et la réalité de la pratique ?