Thèse en cours

Le monstre dans le miroir: reflets d'une nature dangereuse

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Auteur / Autrice : Miryam Danielsson
Direction : Arnaud Schmitt
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Etudes anglophones
Date : Inscription en doctorat le 06/12/2023
Etablissement(s) : Pau
Ecole(s) doctorale(s) : Sciences Sociales et Humanités
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Arts/Langages : Transitions et Relations

Résumé

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Deliverance de James Dickey et Jaws de Peter Benchley sont deux romans publiés au début des années 1970 qui explorent les aspects les plus sombres de la nature humaine dans le contexte d'une lutte pour la survie. Bien que représentant des situations très différentes et qu'ils soient le produit de processus créatifs différents, une lecture plus approfondie révèle des thèmes et des enjeux similaires. Je propose une analyse comparative à travers le prisme théorique de l'écocritique, afin d'explorer comment ces romans reflètent l'interaction humaine avec les forces naturelles indomptées, et comment l'anthropomorphisation de la nature affecte l'image que les protagonistes ont d'eux-mêmes. Benchley et Dickey remettent en question les idées préconçues sur la nature et la résilience humaine. Jaws utilise la menace externe d'un requin tueur pour susciter une tension narrative, tandis que Deliverance utilise un voyage sur une rivière comme chemin vers l'introspection. Les deux romans dépeignent un petit groupe d'hommes contraints de se battre pour leur survie, mais dans Jaws la nature est une pure force prédatrice alors que dans Deliverance la frontière entre agresseurs et victimes est brouillée. Malgré ces différences, les deux romans rejettent la caractérisation de la nature comme une scène où se joue le drame humain, la transformant plutôt en un antagoniste anthropomorphisé qui façonne le récit (ce n'est bien sûr pas unique dans la fiction littéraire, pour preuve des exemples marquants tels que Moby Dick ou Heart of Darkness). Jaws explore et exploite la peur primordiale d'être pourchassé. Il met l'accent sur la dynamique prédateur/proie en alternant le point de vue du requin et celui des humains et en changeant de manière répétée leurs rôles de prédateur et de proie. En effet, alors que le requin est décrit dans un premier temps comme un prédateur vicieux et impitoyable, cette caractérisation est relativisée par l'avidité et le déni qui animent la plupart des personnages humains. Jaws a eu un impact culturel important, suscitant une peur généralisée et largement irrationnelle des requins, mais aussi sensibilisant un large public aux menaces pesant sur le milieu marin. Deliverance est généralement considéré comme une œuvre complexe de la littérature américaine, riche en thèmes psychologiques, écologiques et politiques. Dickey utilise un style littéraire poétique pour plonger le lecteur dans ces décors naturels et générer un sentiment d'effroi et d'appréhension. La rivière sauvage est dépeinte comme belle mais mortelle, une femme fatale pour les protagonistes masculins, reflétant leurs luttes internes alors qu'ils sont obligés de se battre pour survivre. Le roman a laissé une marque durable sur la représentation de la survie en milieu sauvage et d'une forme de dépravation humaine dans la culture populaire. Je fais l'hypothèse que les groupes de personnages entièrement masculins au cœur des deux romans peuvent être considérés, dans une perspective écocritique, comme des composites neutres de genre, représentant la psyché humaine collective. Je soutiendrai que Deliverance et peut-être dans une moindre mesure Jaws décrivent un phénomène de « othering » de la nature comme une construction sociale délirante. Cela remet en cause une lecture plus répandue de Deliverance comme une histoire « d'hommes contre la nature », puisque le roman lui-même suggère que la différence entre les deux est illusoire, ainsi que la vision de Jaws comme une histoire de monstres, puisque le requin avec ses motivations purement naturelles, peut être considéré comme moralement supérieur aux personnages humains avides, vindicatifs et jaloux. Une analyse comparative de ces romans à travers le prisme de l'écocritique permettra donc de remettre en question certaines interprétations antérieures, et surtout certains stéréotypes littéraires relatifs à la conceptualisation fictionnelle de la nature sauvage.