Thèse en cours

Les musiciens et leur chant dans les chapelles privées du Nouvel Empire

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Auteur / Autrice : Aymeric Henriques
Direction : Chloé RagazzoliSuzanne Bickel
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Égyptologie
Date : Inscription en doctorat le 28/09/2023
Etablissement(s) : Paris, EHESS en cotutelle avec Universität Basel
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Anthropologie et histoire des mondes antiques (Paris ; 2010-....)

Résumé

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« N’offense pas ton cœur tant que tu existes, Passe un jour parfait, […] Offre à ton cœur l’ivresse quotidienne jusqu’au jour de l’amarrage ! » Telle est l’invitation à jouir de la vie terrestre proposée par le texte hiéroglyphique du chant prononcé par le harpiste, peint dans l’une des chambres souterraines de la tombe d’Inherkhaouy à Thèbes, datant de l’époque ramesside. Cette exhortation détonne aux yeux du visiteur moderne et pouvait déjà surprendre le visiteur ancien, dans un espace davantage associé à la mort et à la survie post-mortem du propriétaire de la tombe qu’à la célébration festive de la vie terrestre. Bien que le texte désigne le propriétaire comme destinataire, il semble en réalité s’adresser plutôt aux visiteurs vivants, qui disposent encore de temps, plutôt qu’au défunt déjà passé dans l’au-delà. Ce texte n’est pas un cas isolé : il appartient à une catégorie textuelle traditionnellement appelée « chants du harpiste » (Harfenlieder), attestés uniquement après l’époque amarnienne. Certains de ces chants réinterprètent le motif du jour parfait, celui de la fête placée sous le signe de la perfection divine, présent dans les scènes de banquet à l’époque thoutmoside. Dans ces dernières, au contraire, le défunt, bien mort, une fois ses sens recouvrés, investi de sa nouvelle essence divine et intégré à la communauté des dieux, était invité à profiter de sa condition lors du banquet rituel partagé avec les vivants, et à jouir du spectacle offert par les musiciens — parmi lesquels figuraient déjà des harpistes. Comment interpréter cette transformation du motif du jour parfait, autrefois adressé au défunt et désormais destiné au vivant ? Derrière cette question se profile en réalité celle de la fonction des musiciens et de leurs chants inscrits dans l’espace de la tombe. C’est l’objet de cette thèse que de proposer un nouvel éclairage sur les représentations de performances musicales dans les tombes de particuliers, en se concentrant sur le Nouvel Empire, période offrant le plus riche matériau. Notre approche, à la fois sémiotique, pragmatique et anthropologique, vise à montrer comment les images-textes musicaux, qui donnent à voir des performances musicales au sein de la tombe, s’avèrent performatives dans cet espace. Il s’agira d’abord de mettre en évidence leur rôle rituel et de montrer comment, dans la plupart des cas, elles contribuent à la survie post-mortem du défunt. Dans certains contextes, cependant, ces images-textes peuvent revêtir une valeur exceptionnellement métarituelle, remettant ainsi en question l’utilité même du culte funéraire. Nous mettrons également en lumière la manière dont elles participent à la mise en scène de l’identité du défunt et à l’affirmation d’une culture lettrée. Nous montrerons aussi qu’elles ne se réduisent pas à une expérience purement visuelle ou sonore, mais se révèlent fondamentalement polysensorielles, tant pour le défunt que pour les visiteurs de la tombe. Enfin, nous soulignerons comment elles s’intègrent dans la logique de la tombe considérée comme un espace liminal, un véritable seuil entre l’espace-temps terrestre et divin, et entre le monde des vivants et celui des morts.