Le patrimoine bâti dans la société japonaise. Une approche socio-historique sur la maison de ville à Kyoto (XVIIIe-XXe siècle).
Auteur / Autrice : | Rena Yamaguchi |
Direction : | Nicolas Fieve |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Etudes de l'Extrême-Orient |
Date : | Inscription en doctorat le 31/08/2023 |
Etablissement(s) : | Université Paris sciences et lettres |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale de l'École pratique des hautes études |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Centre de recherche sur les civilisations de l'Asie Orientale |
établissement opérateur d'inscription : École pratique des hautes études (Paris ; 1868-....) |
Mots clés
Mots clés libres
Résumé
La maison de ville de Kyoto est, spatialement et socialement, un composant fondamental de la cité depuis sa fondation à l'époque de Heian, et acquiert aujourd'hui une forte valeur patrimoniale. Cette thèse, portant sur ce patrimoine bâti, se situe à la croisée des disciplines que sont l'Histoire et l'histoire de l'architecture, centrée sur les études patrimoniales. Les maisons de ville de Kyoto font face à deux phénomènes paradoxaux : d'un côté, des discours et des actions en vue leur préservation, de l'autre leur disparition progressive. Elle est en ce sens porteur des conflits révélateurs de la complexité du patrimoine bâti au Japon. Dans le cadre de cette thèse, nous nous interrogeons sur cette complexité où se côtoient la patrimonialisation, la « dépatrimonialisation », voire la « repatrimonialisation » des maisons de ville. Au-delà de la question de la notion patrimoniale au Japon, cette recherche vise également à réfléchir sur la question d'habiter le patrimoine. Depuis plus de 1 000 ans, la maison de ville de Kyoto se transforme de façon à coexister avec la nature, l'habitant, la ville et le temps, et affronte le dilemme de la préservation patrimoniale et de la transmission des modes d'habiter. De ce point de vue, les questions relatives à sa conservation ne se limitent pas au domaine des études menées par les Japonais au Japon même, mais constituent un exemple à part entière d'une réflexion à valeur universelle sur le patrimoine bâti. Cette recherche est orientée par l'hypothèse suivante : le mot « patrimoine » est difficilement traduisible en japonais. Le terme « bien culturel » (bunkazai) et « patrimoine culturel » (bunka isan) sont les mots japonais les plus proches du concept de « patrimoine », mais ce sont des mots forgés au XXe siècle pour transcrire un concept hérité de l'Occident. Leur signification et leurs usages diffèrent de ceux du terme français, dans la mesure où la notion de « patrimoine » n'est pas perceptible en langue japonaise dans la transcription qui en a été faite. L'anthropologue Michel Rautenberg distingue deux catégories de patrimoine : « patrimoine par désignation » et « patrimoine par appropriation » (1998). La première catégorie désigne un objet patrimonialisé par une institution, alors que la seconde renvoie à un patrimoine « qui acquiert sa qualité patrimoniale [ ] par la démarche de ceux qui se le transmettent et le reconnaissent ». À partir des travaux de Rautenberg, et en nous appuyant sur la distinction qu'il fait du patrimoine, cette recherche tentera de comprendre les processus de mise en valeur de la maison de ville de Kyoto, tout en s'affranchissant du cadre conceptuel des études japonaises menées dans l'archipel par les acteurs du patrimoine (historiens, architectes, urbanistes, services en charge des biens culturels de l'État ou de la Ville). Cette recherche s'appuie sur un corpus documentaire constitué, pour les sources primaires, de documents historiques de l'époque moderne (1573-1868), de règlements de la ville de Kyoto édictés depuis la restauration de Meiji en 1868 et de rapports contemporains sur l'état des lieux de la maison de ville. Quant aux sources secondaires, nous sous appuierons en premier lieu sur la monumentale synthèse de l'évolution historique de la ville, de ses paysages et de son patrimoine jusque dans les années 2000, réalisée par un groupe d'historiens français et japonais réuni autour de Nicolas Fiévé (2008). Un autre corpus est constitué par des études monographiques et historiques sur la maison de ville, comme les travaux de Takahashi Yasuo, un des grands historiens de l'architecture et de l'urbanisme médiévale de la ville de Kyoto. Enfin, à travers ces recherches sur la patrimonialisation de la maison de ville de Kyoto, nous souhaitons faire émerger une vision du patrimoine au Japon, dans sa globalité et sa complexité, mais également, faire avancer la réflexion sur la préservation de la maison vernaculaire, quel que soit son pays d'origine.