Thèse en cours

L'indépendance de la justice en droit de l'Union européenne

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Auteur / Autrice : Lucas Massoni
Direction : Rostane Mehdi
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : En droit spécialité Droit public
Date : Inscription en doctorat le 01/11/2022
Etablissement(s) : Aix-Marseille
Ecole(s) doctorale(s) : École Doctorale Sciences Juridiques et Politiques (Aix-en-Provence)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Institut d'études ibériques et ibéro-américaines (Pau ; 1973-....)
Equipe de recherche : CERIC - Centre d'Etudes et de Recherches Internationales et Communautaires

Résumé

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L'indépendance de la justice est désormais de la plus grande actualité, tant politique que judiciaire. Ses atteintes font fréquemment l'objet d'un lourd contentieux entre Bruxelles et les États d'Europe centrale et orientale. À cette occasion, les institutions européennes (et en particulier la Cour de justice) ont été amenées à préciser les contours essentiels de ce principe et les garanties dont dépend le plein effet de celui-ci. Les juges européens ont ainsi pu clarifier les incidences de l'indépendance des juges sur le respect de l'État de droit en établissant de façon inédite un lien consubstantiel entre ces deux exigences. À l'intersection du droit national et du droit européen, le principe d'indépendance de la justice et par extension, l'État de droit, connaissent des bouleversements qui doivent susciter toute notre attention. Cette présente contribution propose une recherche sur la nature et l'étendue des transformations du principe d'indépendance de la justice et de l'État de droit à partir d'une approche européenne et comparée. Le principe d'indépendance de la justice n'échappe pas au processus d'intégration européenne. L'organisation de la justice n'est pourtant pas une compétence de l'Union. Ajoutons que les constitutions ainsi que les systèmes de justice respectifs des États membres sont a priori bien conçus pour garantir l'effectivité des voies de recours et l'indépendance des juridictions. Comment expliquer que l'Europe vérifie et, au besoin, réactive un principe qui pouvait paraître comme acquis au sein des démocraties européennes ? Plus largement, pourquoi et comment l'Europe tente de se saisir d'un domaine du droit qui relevait jusqu'alors de la souveraineté des États ? L'objectif est d'éclairer les raisons et les effets de l'« européanisation » du principe d'indépendance de la justice résultant de l'État de droit. Si le principe d'indépendance de la justice fait en effet l'objet d'une protection dans tous les systèmes constitutionnels, cette protection apparaît parfois, au bout du compte, comme purement nominale. Cette recherche propose ainsi de montrer comment les juges européens ont pallié ce manque de garanties en systématisant tant les exigences qui commandent ce principe (État de droit, droit à un procès équitable, protection juridictionnelle effective) que les exigences qui en résultent (impartialité, inamovibilité, indépendance statutaire et fonctionnelle). Cette recherche s'intéresse donc à la manière dont les institutions européennes articulent l'exigence d'indépendance de la justice avec le respect de l'État de droit. Les rédacteurs des traités européens n'avaient pourtant pas défini l'État de droit prévu à l'article 2 TUE relatif aux valeurs, et c'est bien là toute la faiblesse de cette disposition. Les institutions européennes ont donc remédié à cette nébuleuse en imposant des éléments de définition de l'État de droit aux États au premier rang desquelles figure le respect d'exigences procédurales. En 2018, la Cour a pour la première fois établi que la valeur de l'État de droit (art. 2 TUE) implique le respect de règles clairement définies dans les traités et opposables aux États (art. 19 TUE, art. 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'UE). De plus, l'Union semble consacrer l'exigence d'indépendance comme étant l'un des indices permettant le plus sûrement de détecter qu'un processus de corruption de l'État de droit est à l'œuvre. Il semblerait donc que ça soit par le prisme de l'indépendance de la justice, donc par une approche essentiellement procédurale, que les institutions (et la Cour en particulier) exercent les contraintes les plus efficaces sur des gouvernements réfractaires à l'État de droit. En effet, faute de pouvoir régler ce problème au niveau politique - en témoigne l'inefficacité des mécanismes politiques de l'Union - la Cour de justice offre une alternative qui a le mérite d'aboutir à des sanctions. La Cour de justice poursuit ainsi sa logique d'intégration par le droit. La thèse propose une recherche sur la nature de ce principe en soutenant que l'indépendance de la justice doit être définie comme un impératif du droit primaire. Le principe d'indépendance est de ceux qui conditionnent le fonctionnement du droit européen et l'efficacité des principes structurels de l'Union (le principe de coopération loyale, le principe de confiance mutuelle, l'effet direct et la primauté du droit européen). Sans indépendance, il est impossible d'assurer une coopération fluide et sereine entre les juges internes et européens. Sans cette exigence, il n'existe aucune garantie que les juges ne fassent pas prévaloir un texte de droit interne contraire au droit de l'Union. De plus, la bonne application du droit européen suppose que les voies de recours internes soient efficaces et effectives, ce qui implique que les juridictions présentent des garanties suffisantes d'indépendance et d'impartialité. On assiste ainsi à la « constitutionnalisation » de l'exigence de l'indépendance de la justice au niveau supranational européen. L'intérêt de cette recherche est enfin de saisir la finalité du principe d'indépendance de la justice. Les institutions européennes ne manquent pas de rappeler que l'État de droit, et par là même l'indépendance de la justice, ne constituent pas seulement des exigences formelles et procédurales mais doivent également permettre d'assurer la mise en œuvre et le respect de la démocratie et des droits fondamentaux qui constituent la vocation même de l'Union. Ainsi, l'indépendance de la justice apparaît comme un paradigme c'est-à-dire une façon particulière pour l'Union de se concevoir et de s'affirmer comme une « Union de droit », entendue comme une organisation politique fondée sur le respect de l'État de droit et plus largement sur l'appartenance à des règles et des valeurs communes.