Thèse en cours

Le libéralisme en France au XIX siècle – Etude de l'œuvre de Frédéric Bastiat

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Auteur / Autrice : Laurent Dion
Direction : Nikolay NenovskyEric Vasseur
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Sciences Economiques
Date : Inscription en doctorat le 01/11/2023
Etablissement(s) : Amiens
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale en Sciences humaines et sociales
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : LEFMI - Laboratoire d'Economie, Finance, Management et Innovation

Mots clés

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Résumé

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Le sujet de cette thèse de Doctorat se focalisera sur l'œuvre de Frédéric Bastiat (1801-1850), homme politique et économiste libéral du XIXe siècle Son analyse des aspects économiques, sociaux et culturels de son temps, est à ce jour, méconnue en France et pourtant son pragmatisme pourrait être une source d'inspiration pour la société de notre époque. En tant qu'homme politique, Bastiat a amené une vision nouvelle sur le rôle de la loi et sur le périmètre de l'État, anticipant avec justesse le développement de l'interventionnisme, du fonctionnarisme et du socialisme. En tant qu'économiste, il s'est distingué par sa défense du libre-échange, de la concurrence, et de la propriété. Il fut l'un des rares économistes à prendre la défense des consommateurs, adepte d'une pensée individualiste et libérale dans la lignée de celle de John Locke pour qui le libéralisme repose sur un précepte moral qui s'oppose à l'assujettissement, d'où découlent une philosophie et une organisation de la vie en société permettant à chaque individu de jouir d'un maximum de liberté, notamment en matière économique. Son libéralisme s'accompagnait d'idées très progressistes pour l'époque : il défendait le droit syndical permettant un dialogue social plus équilibré et il a combattu avec ardeur la peine de mort et l'esclavage. La vision de la société proposée par Bastiat, par ses caractéristiques opposées au courant dominant et sa renommée de pamphlétaire, a été mal reçue. Probablement à cause du peu d'intérêt intellectuel en France pour la pensée libérale à laquelle se rattachait Bastiat, malgré une école de la physiocratie qui l'avait défendue, avec un certain succès vers la fin de XVIII siècle. Pour autant, malgré une estime toute relative de certains hommes politiques, le protectionnisme a fini par être défini comme une des doctrines officielles. Les grands penseurs libéraux classiques (Say, Bastiat et consorts) n'ont pas réussi à imposer la doctrine du « laissez-faire laissez-passer ». En conséquence, vers ce milieu du 19ème siècle, les idées de Bastiat, ne trouvent que peu d'intérêt dans l'opinion publique et sont systématiquement rejetées par la plupart des intellectuels français et étrangers. De multiples correspondances ont été rédigées avec, entre autres, Louis Blanc sur la notion de socialisme gouvernemental, avec Victor Considérant sur le concept de rente foncière, avec Pierre Leroux ou bien encore avec le Comité Mimerel. Sans compter, ses deux plus grands adversaires, Jean-Jacques Rousseau et Pierre-Joseph Proudhon. Dans le même temps, dans les pays anglo-saxons, le libéralisme enregistre un écho très favorable chez les hommes politiques, et chez les universitaires. En effet, l'économiste anglais Richard Cobden (1804-1865), défendait le libre-échange et contribua à l'abolition des lois protectionnistes en Grande-Bretagne (1848-1851). Pour autant, les thèses de Bastiat dérangent tant la pertinence de ses idées, amènent à admettre le caractère pragmatique de sa vision de la société. On lui reprochera, de façon générale, son manque de scientificité. En effet, dès la fin de XIX siècle, L'économiste Italien Pareto montre le « décalage entre la suprématie théorique du libre-échange et la réalité pratique du protectionnisme. » Pareto s'inspire de Bastiat pour démontrer, sur la base de statistiques que les mesures protectionnistes en Italie amènent à une spoliation des biens par la force ou la ruse grâce à la loi, tout comme Bastiat, qui avançait cette thèse en l'associant au socialisme. Pour autant, Bastiat prônait le développement de la culture de l'économie politique contre les mesures protectionnistes, ainsi il reprenait l'idée avancée par Say selon laquelle « le protectionnisme est le fruit de l'ignorance pour insister sur la diffusion des vrais principes à même d'y mettre fin progressivement »,alors que Pareto rationnalise son approche, de manière pragmatique et mathématique, se rapprochant de la Théorie walrasienne sur la satisfaction de la société, tout en y rajoutant des coefficient sur l'intérêt de chaque classe économique, aspect divergent avec la vision du libre-échange de Bastiat. De ce point d'achoppement théorique, d'autres divergences vont apparaître suivant la sensibilité intellectuelle des auteurs. La vision de Bastiat dérange car elle n'est pas statique, elle intègre dans un cycle, les aspects sociaux, économiques, politiques, intellectuels de l'humain en y intégrant une « main invisible » sociale dans les interactions entre les agents économiques. Cette vision dynamique de l'économie avec, de facto, des postulats mouvants ont amené de fortes oppositions ou adhésions à sa pensée. Ainsi, nous pouvons citer Marx, qui reproche à Bastiat son manque de scientificité. De ce manque de « rigueur scientifique » naîtra des discordances diverses sur la notion de valeur que Marx détaille dans sa lettre à Kugelmann en 1868. Marx définit Bastiat comme « le représentant le plus plat de l'économie apologétique ». Au-delà de ce point d'achoppement sur la valeur, Marx est opposé farouchement au libre-échange, car pour lui, le libre-échange exacerbe la lutte des classes et le libre-échange est destructeur. Schumpeter reproche à Bastiat, son absence de capacité à gérer analytiquement l'économie. Quant à Keynes, il réfute en bloc les doctrines libérales de Bastiat qui en 1848 dans son pamphlet « l'Etat » définit celui-ci comme la « grande fiction à travers laquelle tout le monde s'efforce de vivre aux dépens de tout le monde ». Selon Keynes, les autorités doivent résoudre les problèmes et non laisser le marché les régler. Si ces précédents auteurs ont marqué une très nette opposition avec un libéralisme accru, d'autres ont évolué avec, et positivement. Hayek pour qui, sa pensée serait différente sans l'apport de Bastiat. Les deux auteurs se rapprochent sur la volonté d'avoir « une théorie de la connaissance que s'établit la parenté entre Bastiat et Hayek ; c'est elle qui permet de développer une conception évolutionniste du marché, de la liberté et du droit ainsi que la critique du socialisme qui s'y rattache ». Milton Friedman, quant à lui, avance que « le libre marché est essentiel pour garantir non seulement la prospérité mais aussi l'harmonie et la paix » Pour conclure, lire Bastiat en quelques pages est impossible, tant son champ d'actions est grand et complexe. Ce n'est pas simplement de l'économie pragmatique et rationnelle, mais de la sociologie, de la philosophie, du juridique et de la politique qui sont présentées dans son œuvre courte mais dense. Ce qu'on doit à Frédéric Bastiat, c'est donc d'avoir, dans une forme accessible à tous, donné des outils de compréhension aux plus grands nombres. Pour autant, si cette rationalité de raisonnement est le socle de sa pensée, Bastiat n'a pas saisi le caractère irrationnel de l'humain. Cette irrationalité humaine a conduit aux changements « les plus noirs » dans l'Europe du XXème siècle. Comment Bastiat aurait-il pu expliquer la montée du Bolchévisme et du National-socialisme ? Est- ce - qu'aujourd'hui en Europe occidentale, la mise en place de politiques libérales seraient économiquement « viables » ou est-ce que la rationalité libérale est un leurre sans une once de régulation