La cité et le soignant : l'emploi du personnel de santé par les villes et les bourgs de Provence au Moyen Âge tardif (milieu du XIVe siècle fin du XVe siècle)
Auteur / Autrice : | Baptiste Gil y hurtado |
Direction : | Laurence Moulinier brogi |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Histoire et archéologies des mondes médiévaux |
Date : | Inscription en doctorat le 17/11/2023 |
Etablissement(s) : | Paris 10 |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Espaces, Temps, Cultures (Nanterre, Hauts-de-Seine ; 2000-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Histoire médiévale et moderne |
Résumé
En 1411, le conseil de Nice obtient du médecin dracénois Antoine de Prat (ou de Prads) qu'il quitte sa commune d'exercice pour venir s'installer au sein de la ville récemment rattachée au comté de Savoie en échange d'avantages particuliers, «sub certis stipendiis». Après le départ d'Antoine de Prat, la ville de Draguignan n'a plus de médecin, le conseil municipal propose alors au praticien une indemnité de 100 florins, et une exemption de toutes les charges publiques, s'il accepte de revenir à son service. Antoine de Prat est alors un médecin reconnu, et demandé. Par crainte de le voir de nouveau quitter la ville pour une autre municipalité du comté, le conseil de Draguignan lui demande de signer un contrat, par lequel le praticien s'engage à demeurer six ans à Draguignan, faute de quoi il devra rembourser l'intégralité des 100 florins qu'il a reçus de la municipalité. Peine perdue, les délibérations du conseil de Draguignan nous apprennent que, deux ans plus tard, de Prat a de nouveau quitté la ville. En 1416, une épidémie éclate, le conseil décide de contacter Antoine de Prat, invoque le contrat rompu, et menace de le poursuivre s'il ne revient pas s'établir à Draguignan. Le médecin, propose de revenir, contre le versement de gages impayés. Le conseil municipal ne parle plus de poursuites, et accepte les demandes du praticien, qui signe un nouvel accord avec la ville le 14 mai. Le cas d'Antoine de Prat, étudié par l'archiviste Frédéric Mireur au début du XXe siècle à partir des délibérations du conseil municipal de Draguignan, et plus récemment par Pierre Gayrard et Elisabeth Sauze, illustre l'ampleur des moyens mis en uvre par les villes du comté de Provence pour recruter, et conserver à leur service, du personnel de santé au Moyen Âge tardif. À partir du XIIIe siècle, en effet, un intérêt renouvelé pour les questions sanitaires conduisent les villes d'Italie du Nord à se mettre en quête de praticiens communaux, des professionnels de santé (médecins, chirurgiens, barbiers) chargés de veiller au soin des plus humbles et de conseiller les autorités municipales en période de crise sanitaire. Les premières mentions de medici condotti concernent Reggio d'Émilie et Bologne. En 1211 Reggio invite, en tant que docteur municipal, un physicien de Bergame, en lui offrant 100 lires et une maison s'il accepte de venir résider dans la cité. En 1215 Ugo Borgognoni, de Lucques, signe un contrat avec la ville de Bologne, afin de devenir médecin municipal, en échange d'une pension de 600 lires et d'une maison. Cette pratique dépasse progressivement les frontières des cités italiennes, pour gagner le reste de l'Europe. Par leur proximité géographique et culturelle avec le nord de la péninsule les villes de Provence sont parmi les premières à adopter le modèle italien, dès le début du XIVe siècle : le conseil municipal de Marseille, sollicite le médecin Pierre des Urbains à partir de 1325. Au cours des deux siècles qui suivirent, les rapports entretenus entre les autorités municipales et les professionnels de santé se diversifièrent et les praticiens furent amenés à jouer un rôle toujours plus important au sein de la vie sociale, économique et politique de leur ville de rattachement. C'est l'étude de ces relations au sein du comté de Provence, sur un siècle et demi, que cette thèse propose d'entreprendre. Comment les cités s'efforcèrent-elles d'attirer et de conserver à leur service des individus compétents en médecine ? Quelles étaient les différences de traitement, les prérogatives, et les possibilités d'ascension sociale offertes aux différentes catégories de praticiens ? Enfin, en quoi la gamme des relations entre autorités municipales et praticiens individuels permet-elle d'esquisser les contours d'un « marché médical » provençal à la fin du Moyen Âge ? Voici les questions auxquelles cette étude tentera de répondre en s'appuyant sur les délibérations communales d'un échantillon de communes représentatif du tissu urbain provençal à la fin du Moyen Âge.