Thèse en cours

Les souverains européens et la pensée codificatrice du XVIIIe siècle à la première moitié du XIXe

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Auteur / Autrice : Gabriel Delesalle
Direction : Damien SallesXavier Godin
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Histoire du droit
Date : Inscription en doctorat le 14/09/2023
Etablissement(s) : Poitiers
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Droit et Science Politique Pierre Couvrat (Poitiers ; 1993-....)

Résumé

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La codification telle qu’elle se manifeste au siècle des Lumières représente un changement majeur dans la conception du droit. À partir du XVIIIe siècle, elle commence en effet à être « associée à un processus de réforme » (Yves Cartuyvels) : le modèle du code-compilation est progressivement dépassé au profit d’une conception nouvelle du code, qui devient l’instrument d’un projet de société. L’Europe des intellectuels et des souverains dits éclairés forme un laboratoire d’idées dans lequel les aspirations des philosophes commencent à être transposées dans la sphère politique. À la fin du XVIIe et au début du XVIIIe siècle, les royaumes de France – que l’on songe aux grandes ordonnances dites de « codification » du règne de Louis XIV –, de Danemark (1683) et de Suède (1736), promulguent de recueils officiels des lois du pays. Ces recueils correspondent certes à une tentative par le pouvoir d’uniformiser et d’améliorer le droit. Mais c’est proprement vers le milieu du XVIIIe siècle qu’un changement majeur s’opère. Le lien fort qui se crée entre l’intellectuel, figure émergente du siècle des Lumières, et le souverain entraîne d’importantes conséquences politiques, notamment en ce qui concerne la codification. On assiste à une technicisation, à une mathématisation, à une « nationalisation » et à une « étatisation » du droit. L’idée moderne de codification est en effet le produit d’une réflexion de grande envergure menée par nombre de philosophes et juristes savants du XVIIe puis du XVIIIe siècle. Ils ont, chacun, développé des doctrines de la codification, qu’ils ont conçues en lien avec des conceptions fondamentales du droit et de l’ordre politique, voire en lien avec des conceptions d’ordre métaphysique. Certains, comme Gottfried Wilhelm Leibniz ou Christian Wolff dans l’espace germanique, ont pensé la codification du droit et en ont élaboré des projets sur la base des théories mathématiques développées par la science moderne, c’est- à-dire en termes de systématique et de syllogistique. D’autres, comme Jean-Jacques Rousseau ou Denis Diderot, ont pensé la nécessité de codifier et la manière d’y procéder en accord avec des analyses socio-politiques du droit ; ils pensent en termes de réformes sociales ; ils ont ébauché des projets de codes qui n’ont néanmoins jamais abouti. Le point commun de la plupart de ces doctrines est le rôle central attribué au souverain. Les monarques « éclairés », moteurs politiques de ces évolutions, ont été conseillés par ces penseurs de la codification. C’est une période où les philosophes se pressent chez eux pour proposer leurs projets, et parfois des juristes de haut rang sont finalement mandatés pour procéder à l’élaboration d’un code, par exemple en Prusse. Il s’agit donc d’étudier les courants doctrinaux de la codification et leurs concepteurs ; d’évaluer comment les souverains ont reçu ces doctrines, et surtout pourquoi ils ont fait prendre au code une tournure radicalement nouvelle par rapport aux formes qu’il revêtait précédemment. Pour mieux mettre ces nouveautés en perspective, il convient d’analyser également les rejets que certains souverains ont fait du modèle de la « codification moderne ». De la sorte émergera un panorama général des enjeux de la codification au XVIIIe siècle, des évolutions du concept de code à cette période, articulant les fondements politiques et les fondements intellectuels de la codification. La méthode consiste ainsi en une sorte de prosopographie politico-juridique et philosophique des penseurs de la codification et des personnalités d’État qui l’ont concrétisée ou non ; il y est question d’analyser les influences reçues par les souverains, non seulement celles de leurs modèles politiques hérités du passé, mais aussi des penseurs avec lesquels ils ont été en contact ou qu’ils ont lus. Dans cette perspective, deux espaces politiques constituent la clé de voûte de l’analyse comparatiste proposée : le Saint-Empire Romain Germanique et la République des Deux-Nations.