Thèse en cours

Le téléphone en milieu carcéral

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Auteur / Autrice : Saskia Haymann
Direction : Catherine Menabe
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Droit privé et sciences criminelles
Date : Inscription en doctorat le 09/11/2023
Etablissement(s) : Université de Lorraine
Ecole(s) doctorale(s) : SJPEG - SCIENCES JURIDIQUES, POLITIQUES, ECONOMIQUES ET DE GESTION
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Institut François GENY

Mots clés

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Mots clés libres

Résumé

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Le constat est sans appel, il n'y aurait pas moins de 40 000 téléphones mobiles en prison pour 70 000 détenus et malgré l'apparition progressive des téléphones fixes en cellule, ce chiffre ne semble pas baisser. Comment et pourquoi le mobile ne trouve qu'un chemin illégal vers la prison ? Pourquoi le recours au téléphone mobile est-il si conséquent alors qu'il conduit à de nombreuses sanctions disciplinaires ? Une solution technique, politique ou juridique est-elle envisageable afin de permettre aux détenus un accès légal et simplifié à cet outil indispensable de nos jours ? Un cadre normatif permettrait-il une utilisation pacifiée du téléphone mobile par les détenus ? C'est à ces questions que cette thèse tentera de répondre. Le Guide du Détenu Arrivant est très clair, la détention et l'usage de tout téléphone personnel est formellement interdit . Pour autant, les détenus ne sont pas totalement privés du droit de téléphoner mais cet accès est très ardu en pratique. En effet, les cabines sont le plus souvent en nombre insuffisant, non cloisonnées et leur accès est limité, quant aux horaires mais également quant à la numérotation autorisée pour chaque détenu. De plus, les appareils ne permettent pas d'être appelé et fonctionnent avec un « compte téléphone » qui doit être approvisionné, limitant l'accès des plus démunis. Enfin, pour des raisons évidentes, les conversations téléphoniques, à l'exception de celles avec les avocats ou certaines institutions, peuvent, sous la responsabilité du chef de l'établissement, être enregistrées ou écoutées afin de prévenir les évasions et assurer la sécurité. Elles peuvent également être interrompues si elles représentent un danger. L'accès au téléphone est pourtant un enjeu primordial du maintien des liens familiaux des personnes détenues, du maintien du calme en détention mais aussi en matière de réinsertion. Le décalage existant entre le monde libre et le cadre strict imposé en prison conduit à une utilisation massive par les détenus des téléphones mobiles prohibés. Cette situation entraine le trafic et le commerce de mobiles à l'intérieur des établissements mais l'utilisation de ces smartphones engendre également la commission d'infractions : trafic, maintien des liens criminels à l'extérieur, pression sur les victimes, harcèlement de conjoint, les téléphones permettent des actes malveillants et répréhensibles dans le secret des cellules. Et ce, d'autant plus que ces outils permettent de téléphoner, d'envoyer des SMS ou MMS mais peuvent également permettre un accès à Internet. Pour lutter contre ce fléau, l'administration ne dispose que de deux leviers : d'abord, les fouilles de cellules - plus de 30 000 mobiles et accessoires (cartes SIM, chargeurs, etc.) ont été saisis dans les prisons françaises en 2016 - et les sanctions disciplinaires qui en découlent ; ensuite, les brouilleurs, appareils à l'utilisation techniquement délicate surtout pour les établissements en zone urbaine, et dont la puissance trop importante impacte les riverains mais également les appareils de surveillances des gardiens. La légalisation et la généralisation de téléphones mobiles comportent de nombreux obstacles techniques (modèles de téléphones, brider les usages, accès à Internet) et de contrôle par le personnel pénitentiaire déjà débordé (dégradations, vols entre détenus). A ce jour, la solution adoptée par l'Etat, est celle du téléphone fixe en cellule. Le Ministère de la Justice de Nicole Belloubet a lancé un appel d'offre au mois de novembre 2017 pour un marché de dix ans en forme de concession de service publique : l'entreprise financera l'intégralité de l'investissement et se rémunérera par le prix des communications payées par les détenus. Le marché est confié à Telio, associé à l'opérateur Orange. Les tarifs sont certes moins élevés d'environ 20% que ceux des cabines, mais restent sans commune mesure avec le prix d'un forfait mobile illimité disponible à l'extérieur. Les numéros doivent faire l'objet d'une procédure d'autorisation et d'enregistrement fastidieuse mais les appareils sont maintenant disponibles 24h/24 pour quatre numéros et notamment après la fermeture des portes des cellules. Il s'agit par conséquent d'une avancée pour le moral des prisonniers et pour leur droit au maintien des liens avec leur famille. En raison de la crise sanitaire, les parloirs et les unités de vie familiales ont dû être suspendus, le déploiement des téléphones en cellules a alors été accéléré dans les 188 établissements du pays permettant l'installation de 45 000 téléphones fixes en cellule. Mais la qualité et le dimensionnement du réseau semblent insuffisants, et surtout il reste la question des tarifs, dénoncée notamment par l'Observatoire International des Prisons : il est moins cher pour un détenu de se procurer un téléphone mobile illégal que de payer le coût facturé pour l'appel en cellule.