Le droit comparé comme dépassement de l'Etat. Une analyse des littératures comparatistes, de l'Etat moderne à la gouvernance globale.
Auteur / Autrice : | Thomas Coster |
Direction : | Charlotte Girard, Isabelle Boucobza |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Droit public |
Date : | Inscription en doctorat le Soutenance le 08/01/2025 |
Etablissement(s) : | Paris 10 |
Ecole(s) doctorale(s) : | École Doctorale Droit et Science Politique |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Centre de Théorie et Analyse du Droit |
Jury : | Président / Présidente : Jean-Louis Halpérin |
Examinateurs / Examinatrices : Charlotte Girard, Yannick Ganne, Céline Roynier, Claudia Amodio, Mikhaïl Xifaras, Isabelle Boucobza | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Yannick Ganne, Céline Roynier |
Mots clés
Résumé
Cette thèse s'intéresse au thème du dépassement de l'Etat dans la littérature de droit comparé. Ces dernières décennies, le droit comparé a été mobilisé par des théories prédisant l'avènement d'un droit « global » ou « transnational ». Le « droit administratif global », comme les théories arbitragistes affirmant l'existence d'un « ordre juridique transnational », présentent ainsi le droit comparé comme étant tout à la fois une méthode, une source, et un fondement théorique d'un droit au-delà de l'Etat. Moins immédiatement rattaché à la théorie du droit, un courant économique baptisé « Legal Origins », repris par les Rapports Doing Business de la Banque mondiale, a opéré un classement des familles de droit suivant leur efficacité économique. Cette théorie sinscrit dans une rhétorique de la globalisation, reposant sur un « Etat-comparateur », privé de lien avec la société quil gouverne, et dégradé au rang de simple unité de la « régulation globale ». La thèse propose une généalogie de ces discours comparatistes. Daprès nous, les théories du droit global ou des Legal Origins peuvent sinterpréter comme une radicalisation de postulats déjà présents dans les doctrines plus anciennes de Raymond Saleilles et Édouard Lambert, chez les fonctionnalistes allemands, ou dans les différents avatars du courant américain « Law and Development ». Nous montrerons que l'histoire du comparatisme juridique est ainsi marquée par deux types de dépassement de l'Etat : un dépassement du point de vue d'une conception juridique de l'Etat, où le droit comparé est préféré à l'État comme source du droit ; un dépassement du point de vue d'une conception sociologique de l'État, où le droit comparé détruit (en tout ou partie) le lien conceptuel entre lÉtat et la société. La première partie de la thèse est ainsi consacrée aux théories comparatistes inscrites dans ce que nous appelons le paradigme de lÉtat moderne. Ces théories, tout en proposant explicitement daméliorer le fonctionnement des institutions étatiques, ou dexporter lÉtat moderne dans les pays du Sud, entretiennent néanmoins un rapport paradoxal avec le concept dÉtat (soit parce que le droit comparé y est conçu comme une forme de droit positif concurrençant le droit étatique, soit parce que limposition de lÉtat moderne à des pays du Sud met en péril lidée dun lien entre lÉtat et la société, pourtant consubstantiel du concept moderne dÉtat). La seconde partie de la thèse est consacrée aux théories comparatistes inscrites dans ce que nous appelons le paradigme de la « gouvernance globale ». Ces théories constituent une radicalisation des positions précédentes. Le droit comparé y est soit conçu comme le fondement dun droit sans État, soit mobilisé dans des termes tels quils rompent tout à fait le lien entre lÉtat et la société. Le droit comparé est alors mobilisé contre lÉtat, et contribue à former de nouvelles représentations du phénomène juridique lui-même. Pour toutes les raisons évoquées ci-dessus, ce travail s'adresse autant aux comparatistes désireux de comprendre les théories de la globalisation du droit, qu'aux analystes de la globalisation peu familiers de l'histoire du droit comparé.