Les petits pêcheurs artisans bretons comme sentinelles de l'environnement
Auteur / Autrice : | Alessandro Vacca |
Direction : | Vanessa Manceron, Octave Debary |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Anthropologie |
Date : | Inscription en doctorat le 19/10/2023 |
Etablissement(s) : | Paris 10 |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Milieux, cultures et sociétés du passé et du présent |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Laboratoire d'Ethnologie et de Sociologie Comparative |
Résumé
Après avoir, en M2, interrogé les savoirs, les pratiques, les rapports à l'environnement maritime et à ces animaux étranges que sont les poissons marins sauvages, en menant une ethnographie parmi des petits pêcheurs artisans au Guilvinec, le plus important port de pêche artisanale en France, plusieurs questions ont émergé. En effet, ces pisteurs d'un type particulier, s'appuyant sur différentes médiations techniques pour traquer les proies incertaines et agentives en fonction desquelles ils se définissent, voient leur existence, leur métier, leur rapport au territoire et aux poissons menacés. Dans un paysage anthropocénique notamment façonné par cinquante ans de Politique Commune de la Pêche (PCP), les ligneurs en particulier apparaissent inquiets face aux transformations de territoires maritimes qu'ils parcourent parfois depuis leur enfance. En première ligne de bouleversements qui affectent tout particulièrement l'état des populations des poissons qu'ils ciblent, il semble que ceux-ci se conçoivent comme des sentinelles. Néanmoins, ce sont des sentinelles impuissantes et inaudibles, puisqu'en plus d'être de moins en moins nombreux et d'être évincés des territoires côtiers qu'ils habitaient, ils semblent marginalisés politiquement dans les instances nationales et internationales qui définissent l'organisation de la pêche. Or, les ligneurs de différentes villes portuaires bretonnes auxquels je m'intéresse dans le cadre de ma thèse sont soutenus par différentes associations qui valorisent, structurent ou accompagnent les petits pêcheurs artisans dans leur activité tout en portant leur contestation de l'exploitation actuelle des stocks halieutiques. Ma thèse permettra donc d'aborder la petite pêche comme un modèle de contestation développé par différents collectifs, mais également comme la proposition d'un artisanat qui répondrait à la crise écologique et sociale qui frappe le métier. Pour explorer ce front contestataire aux domaines et modes d'action divers, il s'agira de développer trois axes de réflexion. Le premier portera sur les nouvelles techniques de mise à mort des poissons, en ce qu'elles interrogent la possibilité d'un changement de statut des poissons : assiste-t-on à un glissement de res nullius désanimalisée vers une forme d'animalisation et d'individuation des poissons? Le deuxième portera sur les circuits commerciaux émergents valorisant la vente directe de poissons entiers, en ce qu'ils permettent d'interroger les significations qui se transmettent le long des trajectoires commerciales alternatives de ces aliments : quels récits du métier, du rapport au vivant et au territoire sont proposés aux consommateurs? Le troisième portera sur la judiciarisation de la nature, en ce que, par opposition à ce que proposent certaines associations de défense de l'environnement en se focalisant sur certains animaux marins charismatiques, notamment les dauphins et les phoques, elle permet d'interroger les modalités et outils juridiques de défense de la biodiversité ordinaire, celle qui importe aux pêcheurs et celle dont ils sont les experts. Il s'agira donc au cours de ma thèse de saisir les changements contemporains de la petite pêche sous-tendus par un rapport attentif à la nature, et par la politisation de l'activité des petits pêcheurs en tant que sentinelles de l'environnement.