Thèse en cours

La liberté de fixer le prix dans le contrat à l'épreuve du dirigisme économique

FR  |  
EN
Auteur / Autrice : Orlane Rogier
Direction : Louis Thibierge
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : En droit spécialité Droit privé
Date : Inscription en doctorat le 01/10/2023
Etablissement(s) : Aix-Marseille
Ecole(s) doctorale(s) : École Doctorale Sciences juridiques et politiques (Aix-en-Provence)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : CDE - Centre de Droit Economique

Mots clés

FR  |  
EN

Résumé

FR  |  
EN

Si la notion de prix prenait une place minoritaire dans le Code civil avant l'ordonnance du 10 février 2016 , la réforme du droit des contrats est venue ancrer cette notion dans ledit code. Le contrat défini à l'article 1101 du Code civil est gouverné par la liberté contractuelle, affirmée dès l'article suivant . La libre fixation du prix du contrat procède de cette liberté contractuelle ayant valeur constitutionnelle. L'intérêt général peut toutefois justifier d'éventuels tempéraments à cette liberté contractuelle, le plus souvent pour protéger une partie présumée « faible ». Les contrats de distribution sont un exemple parfait de la tension existant entre les exigences de liberté et de protection . Cette tension s'incarne dans l'adoption de la récente loi Descrozaille du 30 mars 2023 tendant à renforcer l'équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs. L'interventionnisme du législateur se manifeste tant par la mise en exergue d'un principe de « non-négociabilité » que dans l'encadrement drastique des promotions et du seuil de revente à perte avec l'imposition d'un prix minimum de revente . Le parti prix législatif est édifiant. Alors que l'on voit le plus souvent la négociabilité comme le critère d'acceptabilité de la norme contractuelle (contrats d'adhésion, déséquilibre significatif), le législateur semble percevoir un danger dans la liberté contractuelle et dans la possibilité de négocier le prix pour les contractants. Sur le terrain des pratiques restrictives de concurrence, on garde à l'esprit le désormais célèbre arrêt Galec rendu par la Cour de cassation le 25 janvier 2017, lequel avait admis le contrôle du prix par le juge dans le cadre d'une lésion qualifiée sur le fondement de l'ancien article L442-6 I 2° du Code de commerce. Dans ce cadre, c'est la non-négociabilité qui justifie le contrôle du prix par le juge. Un autre arrêt, plus récemment rendu semble marquer la naissance d'une nouvelle forme de dirigisme incarné par l'intervention du juge dans le contrat dont témoigne l'arrêt Galec et a fortiori l'arrêt du 11 janvier 2023 rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation. Cet arrêt admet le contrôle du prix par le juge sur le fondement de l'article L442-1, I, 1° du Code de commerce alors que l'avantage en question avait été librement négocié. Cet arrêt pourrait alors marquer la naissance d'un nouveau mouvement juridictionnel s'inscrivant dans un contrôle des contrats librement négociés assistant à un véritable changement de paradigme. Jusqu'alors la négociabilité du prix était associée à la volonté des parties. Ainsi, on admettait un contrôle du prix que si ce dernier n'avait pas pu être négocié. Or, la loi Decrozaille vient admettre un principe de non-négociabilité du prix, tandis que l'arrêt du 11 janvier 2023 conçoit que l'on puisse contrôler le prix alors même qu'il a été négocié par les parties. Que reste-t-il de la volonté des parties ? Ce contrôle de la liberté contractuelle ne se limite pas aux contrats de distribution et se constate également par l'analyse de la proposition législative de la Commission européenne dite Data Act présentée le 23 février 2022. Si ce projet venait à être adopté et transposé par la France, il imposerait que la compensation octroyée pour mise à disposition de données soit « raisonnable » , quelle que soit la volonté des parties. En matière de ressources essentielles protégées par un droit de propriété intellectuelle, le développement des conditions FRAND (fair, reasonnable and non-discriminatory) illustre également ce mouvement dirigiste. Cette restriction dans la fixation du prix dans les relations contractuelles dépasse les simples relations contractuelles entre professionnels. Par exemple, le projet de Data Act n'a pas vocation à ne s'appliquer qu'aux contrats entre fournisseurs. Ainsi, dans le développement de ce mouvement, la qualité des parties n'est plus un critère pour limiter leur liberté contractuelle.