Histoire, événement et politique chez saint Augustin
Auteur / Autrice : | Joachim Haddad |
Direction : | Isabelle Koch |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Philosophie |
Date : | Inscription en doctorat le 01/09/2019 |
Etablissement(s) : | Aix-Marseille |
Ecole(s) doctorale(s) : | Ecole Doctorale Cognition, Langage et Education |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Centre Gilles Gaston Granger |
Mots clés
Mots clés libres
Résumé
Pour clarifier le terme qui est au centre de notre projet de recherche, nous partirons d'une distinction entre trois sens de l'« histoire » (Durand 2014) : l'histoire est l'ensemble des faits, des evenements et des actions humaines passes, sur une periode consideree ; l'histoire est aussi une discipline qui dit quelque chose de ces faits et eìveìnements, qu'elle se propose de raconter, de reconstituer, voire d'expliquer ; enfin, l'histoire peut deìsigner un reìgime d'existence des humains, en tant qu'ils sont soumis aÌ un temps qui n'est pas seulement biologique (on parlera alors d'historiciteì). De ces trois significations porteìes par le terme histoire, seule la seconde vaut de l'historia dans l'Antiquiteì grecque puis romaine. Les grecs utilisaient le mot historia pour deìsigner les « enquêtes » pratiqueìes par Heìrodote ou Thucydide, et les romains ont repris le mot en lui conservant ce sens. Dans ce contexte antique, l'histoire est le reìcit des faits accomplis par les individus, les citeìs, les peuples du passeì, la narration des res gestae. Cette narration peut remplir une fonction heuristique ou explicative, mais elle est surtout fondamentalement orienteìe vers le futur, ou vers le preìsent en tant que le futur s'y deìcide : l'histoire est un reìservoir d'histoires rapporteìes, c'est-aÌ-dire de faits et d'actes exemplaires qui valent par leur force persuasive aÌ l'eìgard des contemporains. Notre projet de recherche entend montrer que cette univociteì de l'histoire prend fin avec Augustin, et que c'est dans son uvre que se forgent, d'une certaine manieÌre et sous une pluraliteì non systeìmatiseìe de vocables, les trois significations qu'assume notre terme moderne d'histoire. Cet eìlargissement ou enrichissement conceptuel passe par une autre manieÌre de se rapporter aux res gestae : laÌ ouÌ les historiens les racontaient et les inseìraient dans une seìrie lineìaire d'anteìceìdents et de conseìquents, Augustin cherche aÌ replacer un eìveìnement dans un tout afin de lui donner un sens, privileìgiant ainsi un modeÌle holistique fondeì sur une hermeìneutique. Il y a un tout que nous appelons l'histoire, laquelle histoire donne son sens aÌ l'eìveìnement par une interpreìtation de ce dernier. C'est donc une nouvelle manieÌre de traiter l'eìveìnement historique qui fonde une nouvelle compreìhension de l'histoire. Cependant si l'histoire est la somme des eìleìments historiques, alors cette histoire comme totaliteì ne nous est jamais donneìe. Elle ne sera en effet connue qu'aÌ la fin des temps. Il faut donc, pour interpreìter l'eìveìnement, que, d'une certaine manieÌre, cette totaliteì soit donneìe avant la fin des temps, et que nous ayons au moins une ideìe de ce que peut être cette totaliteì. L'ambition d'Augustin dans La Citeì de Dieu est de penser cette totaliteì aÌ la fois close et acheveìe (entre l'origine de la GeneÌse et la fin des temps : le jugement dernier) et ouverte, puisque le temps fini qui seìpare le contemporain de la fin des temps est d'une dureìe que seul Dieu connaît : pour Augustin et ses contemporains - dont, selon sa conception de l'histoire, nous faisons encore partie - ce temps est « le temps qui reste » (Agamben 2004). Nous chercherons aÌ montrer que cette tension entre totaliteì postuleìe comme acheveìe et indeìfiniteì du « temps qui reste » anime le motif augustinien des « deux citeìs » et conjugue une theìologie du salut avec une philosophie politique.