Etude moléculaire et fonctionnelle de PTK7, un récepteur de la voie Wnt/PCP, dans le cancer colorectal.
Auteur / Autrice : | Louis Guiraud |
Direction : | Jean-paul Borg |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Biologie-Santé - Spécialité Oncologie |
Date : | Inscription en doctorat le 19/07/2022 |
Etablissement(s) : | Aix-Marseille |
Ecole(s) doctorale(s) : | École Doctorale Sciences de la vie et de la santé (Marseille) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : CRCM - Centre de Recherche en Cancérologie de Marseille |
Equipe de recherche : CRCM - E5 - Polarité Cellulaire, Signalisation et Cancer |
Mots clés
Mots clés libres
Résumé
Dans le cadre de mon projet de thèse, je travaille sur la fonction nucléaire du récepteur PTK7 dans le développement du cancer colorectal (CCR). Le CCR est actuellement le troisième cancer le plus diagnostiqué, et le second cancer le plus mortel au monde. Le taux de mortalité du CCR avoisine les 50% (5 ans après le diagnostic, tout stade de développement confondu), mettant en évidence la nécessité d'identifier de nouveaux biomarqueurs, et de mieux comprendre les mécanismes moléculaires favorisant le développement de cette maladie. Actuellement, les chimiothérapies systémiques (5-FU, capecitabine, irinotecan, oxaliplatine) constituent les traitements les plus administrés aux patients présentant un CCR. Bien qu'efficace, l'utilisation de ces thérapies reste fortement associée à l'induction d'effets secondaires indésirables, liés à leur toxicité. Contrairement aux thérapies systémiques, les agents de thérapie ciblée sont spécifiquement dirigés contre des protéines de surfaces/intermédiaires de signalisation intracellulaires, ciblant de façon plus rigoureuse les cellules tumorales, et diminuant l'induction d'effets indésirables. Parmi ces marqueurs, les récepteurs de surface à activité tyrosine Kinase (RTKs) EGFR, FGFR1 ou EPHA2 constituent des cibles prometteuses, dont l'inhibition contribue également à la régression tumorale du CCR. Par exemple, les anticorps bloquant anti-EGFR (Cetuximab, Panitumumab) sont utilisés en co-traitement du FOLFOX chez les patients atteints de CCR métastatiques. Cependant, certains mécanismes de résistance peuvent diminuer l'efficacité des thérapies ciblées à long-terme. Parmi ceux-ci, on peut citer l'exemple des mutations des sites de phosphorylation du domaine kinase d'EGFR, rendant les inhibiteurs d'EGFR de 1ère, 2nde et 3ème générations inefficaces. En considérant plus spécifiquement les thérapies de surface (Anticorps bloquant/couplés à des drogues, cellules CAR-T), les défauts de localisation de récepteurs cibles peuvent également engendrer des phénomènes de résistance. C'est le cas d'EGFR, FGFR1 ou encore EPHA2 dont la localisation alternative a déjà été caractérisée dans le cancer du poumon à non petites cellules (NSCLC) et le cancer du sein. Ces études démontrent qu'en contexte de résistance, ces récepteurs peuvent transloquer de la membrane plasmique vers le noyau, interagir avec l'ADN et certains facteurs de transcription pour réguler des évènement transcriptionnels associés à des phénomènes de résistance/prolifération tumorale. Dans le CCR, les RTKs EGFR, FGFR1 et EPHA2 sont également caractérisés en tant que récepteurs de surface induisant la progression tumorale, bien que leur localisation sub-cellulaire ne soit pas étudiée. Les voies de signalisation dans lesquelles ces marqueurs sont impliqués (AKT/MEK/ERK, JAK/STAT/MAPK, PYK2/SRC) ne sont en revanche pas les plus dérégulées. En effet, trois autres voies de signalisation favorisent fortement le développement du CCR : NOTCH, TGF- et Wnt/-caténine. NOTCH et TGF- permettent aux cellules du foyer tumoral de devenir « initiatrice de métastases » (CIMs) en acquérant d'importantes propriétés invasives. La voie Wnt/-caténine est impliquée dans la prolifération des cellules du foyer tumoral primaire, ainsi que dans l'auto-renouvellement et la dédifférenciation des CIMs. La suractivation de cette voie (dérégulée dans 90% des cas de CCR) est induite par l'acquisition de mutations des protéines APC, AXIN ou -caténine, ainsi qu'à l'activité de récepteurs de surface tels que PTK7. PTK7 est un RTK appartenant à la sous-famille des pseudokinases, signifiant qu'il ne comporte pas d'activité kinase connue. Ses propriétés tumorales se traduisent par son activité de corécepteur, interagissant à la membrane avec des composants de la voie Wnt/-caténine tels qu'LRP5, Frizzled 7 et Dishevelled pour en activer la signalisation. PTK7 est également caractérisé en tant que facteur de mauvais pronostique, sur-exprimé dans plusieurs types de cancers incluant le cancer du sein triple négatif (TNBC), le cancer des ovaires (OVCA), le cancer du poumon à non petites cellules et le CCR. Ces dernières années, le développement puis l'utilisation de thérapies anti-PTK7 (Anticorps bloquants, ADCs, CAR-T, aptamers) a mis en évidence l'intérêt du ciblage spécifique de PTK7 dans les cancers impliquant sa surexpression. En effet, l'utilisation d'ADCs anti-PTK7 dans le cadre d'essais cliniques de phases 1 et 2 a démontré l'efficacité de trois anticorps monoclonaux couplés à des drogues, sur cellules et tumeurs solides dans le TNBC, OVCA, NSCLC et le CCR. Plus récemment, l'utilisation de cellules CAR-T chez la souris s'est également avérée efficace dans le NSCLC. Cependant, malgré des résultats préliminaires prometteurs, ces thérapies de surface ne sont pas suffisamment efficaces pour contourner le phénomène de résistance, de toxicité et de perte d'efficacité après une utilisation à long terme. De façon intéressante, les travaux de V.Golubkov, NA et.al ont démontré que le domaine extracellulaire de PTK7 peut être clivé par les métalloprotéases MMP14 et ADAM17, contribuant au potentiel tumoral de cellules de CCR. D'autres données générées par le laboratoire de Jean-Paul BORG suggèrent également que l'absence de PTK7 à la surface de cellules de CCR favorise leur dissémination métastatique (Dessaux et.al, manuscrit en préparation). Prises dans leur ensemble, ces données démontrent que la délocalisation de PTK7 de la membrane plasmique peut 1) favoriser la progression du CCR et 2) expliquer l'échappement de ces cellules aux thérapies ciblées anti-PTK7. L'objectif de ma thèse consiste à mieux caractériser la localisation subcellulaire de PTK7 dans le CCR, de façon à déterminer si 1) ce récepteur peut comporter une localisation aberrante (à l'instar de RTKs tels qu'EGFR, FGFR1 et EPHA2) et 2) si cette localisation est elle aussi associée à une activité tumorale alternative, ou complémentaire à celle médiée par la forme membranaire de PTK7. Pour se faire, j'ai démontré par fractionnement cellulaire/Western Blot que PTK7 pouvait localiser à la membrane et dans le noyau de cellules de CCR HCT116/SW480, dans lesquelles le récepteur est exprimé. La spécificité du signal nucléaire observé par fractionnement a été confirmée par l'utilisation de Leptomycine B (un inhibiteur de l'export nucléaire) et d'Importazole (un inhibiteur de l'import nucléaire). La nucléarisation de PTK7 a enfin été confirmée par spéctrométrie de masse (SM), après immunoprécipitation (IP) du récepteur sur fractions nucléaires de cellules HCT116. D'autres expériences de fractionnement suggèrent la présence de PTK7 dans la fraction « chromatine ». Des analyses de prédiction bio-informatiques, impliquant l'utilisation du logiciel Graphsite, ont identifié les résidus T904 et K1035 comme étant potentiellement impliqués dans l'interaction entre PTK7 et l'ADN. L'analyse SM de lysats d'IP de PTK7 nucléaire ne permet pas d'identifier d'interacteurs potentiels. Après discussion avec les responsables de la plateforme (Stéphane Audebert, Luc Camoin), il pourrait être judicieux de fixer les cellules au formaldéhyde avant d'effectuer l'IP de PTK7. Avant mon arrivée au laboratoire, l'équipe de Jean-Paul BORG a caractérisé l'interactome de PTK7 sur cellules HCT116 en surexprimant une construction PTK7-APEX (stratégie Bio-ID). Parmi les interacteurs potentiellement identifiés, 3 sont des facteurs de transcription impliqués dans la compaction de la chromatine : HMGA1, HMGB1 et HMGB2. De façon intéressante, HMGA1 est décrit comme un inducteur de la voie Wnt/-caténine dans le CCR. D'autres études démontrent que cette régulation implique la fixation d'HMGA1 au promoteur du gène LRP5, qui code pour un récepteur co-interagissant avec PTK7 pour activer la signalisation Wnt/-caténine. Cette régulation transcriptionnelle est mise en évidence dans des cellules souches intestinales murines. Actuellement, l'hypothèse de travail est la suivante : PTK7 pourrait spontanément transloquer de la membrane au noyau, et interagir avec HMGA1 au promoteur d'LRP5 pour induire son expression, maintenant une activité basale de la voie Wnt/-caténine dans le CCR. Pour démontrer cette hypothèse, je tente actuellement de confirmer l'interaction PTK7-HMGA1 sur fraction « nucléaire soluble » et « chromatine » par IP endogène de PTK7. Un second objectif consiste à démontrer que PTK7/HMGA1 régulent positivement le niveau d'expression transcriptionnelle et protéique de LRP5 dans plusieurs lignées de CCR. Les analyses bio-informatiques générées à partir des bases TNMplot et Talk2data démontrent 1) des corrélations Bulk RNASeq LRP5/PTK7 et HMGA1/LRP5 positives dans une cohorte de 1450 tumeurs de CCR, et 2) la co-expression en single-cell RNAseq de LRP5, PTK7 et HMGA1 dans la population « cellules souches » issue d'une cohorte de 62 patients, incluant le séquençage de 371 223 cellules. Enfin, un troisième objectif consiste à identifier les séquences d'ADN ciblées par la forme nucléaire de PTK7 via chIP-seq. Cette technique permettra d'une part d'identifier l'ensemble des séquences génomique ciblées par PTK7 (incluant ou non le promoteur d'LRP5), et d'autre part de confirmer si ces séquences sont similaires à celles ciblées par HMGA1, HMGB1 et HMGB2. De plus, dans le cas où la coopération PTK7/HMGA1 n'est pas confirmée par IP/chip-Seq, je prévois de tester HMGB1/2 en tant qu'interacteurs nucléaires potentiels. Au cours de cette deuxième année de thèse, j'ai également participé à la génération de cellules CAR-T dirigées contre PTK7. Pour cela, nous avons identifié les CDRs de trois anticorps monoclonaux anti-PTK7 par séquençage d'hybridome (anticorps/Hybridomes générés par Sylvie Marchetto, ingénieure de recherche dans l'équipe). Parmi les anticorps choisis, deux d'entre eux reconnaissent l'Immunoglobuline 4 du domaine extracellulaire de PTK7 (CAR-1 et 2), tandis que le troisième est dirigé contre l'Ig3 (CAR-3). La production des trois vecteurs lentiviraux a été assurée par la société VectorBuilder. Après transduction lentivirale, nous obtenons un taux de transduction d'environ 35% pour chaque CAR-T sur chaque donneur. L'efficacité des CAR-T a été évaluée par mesure du signal Caspases 3/7 de cellules cibles après co-culture. Les résultats démontrent que les CAR-T tuent les cellules cibles de façon PTK7-dépendante (utilisation des lignées de CCR HCT116, SW620 et SW480 qui expriment PTK7 à des niveaux variables). Nous avons également caractérisé l'efficacité des CAR-T en mesurant leur production de cytokines IFNg/TNFa en présence de cellules cibles. Les résultats démontrent que le CAR-3 comporte un profil d'activation (=quantité de cytokines produites) beaucoup plus fort que les CAR-1 et 2. Ces résultats préliminaires ont fait l'objet d'une demande de financement à Inserm-Transfert, dans l'objectif de tester l'efficacité des cellules CAR-T chez la souris.