Traduire la rime en chanson. Georges Brassens en espagnol et en italien.
Auteur / Autrice : | Donatienne Borel |
Direction : | Stephane Pages, Perle Abbrugiati |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | LANGUES, LITTERATURES ET CIVILISATIONS ROMANES : Etudes hispaniques et latino américaines |
Date : | Inscription en doctorat le 01/10/2022 |
Etablissement(s) : | Aix-Marseille |
Ecole(s) doctorale(s) : | École Doctorale Langues, Lettres et Arts (Aix-en-Provence) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : CAER - Centre Aixois d'Etudes Romanes |
Mots clés
Mots clés libres
Résumé
Dans le système de contraintes auquel est soumise la traduction de chanson, la rime est perçue comme éventuellement facultative, et comme le témoin d'une possible servilité du traducteur ou de la traductrice à la forme. Si la rime est une contrainte formelle non essentielle, qui complexifie l'acte de traduire au risque d'affecter la résolution des autres contraintes musicales et linguistiques inhérentes à la traduction de chanson, pourquoi, le cas échéant, les traducteurs et traductrices y attachent-ils ou elles autant d'importance ? Que met-elle en jeu dans la traduction d'une chanson ? Que dit-elle de l'écoute de l'original et qu'apporte-t-elle au processus recréatif de la traduction ? Que signifie, en somme, « traduire une rime » ? Nous émettons deux hypothèses : la première est que la rime n'est pas uniquement un procédé formel ; la seconde est que la puissance de la rime provient bien de ce qu'elle présente une contrainte formelle. Nous circonscrivons dans un premier temps notre problématique en définissant les notions clés (traduction de chanson, rythme, linguistique du signifiant, rime) et présentons notre posture épistémologique fondée sur l'écoute de l'écoute, ainsi que notre méthode de micro-analyse. Dans la deuxième partie, nous dressons un état des lieux de ce que peut être la rime dans la traduction de chanson contemporaine, à partir d'une analyse comparative de 20 chansons de Georges Brassens avec 120 de leurs traductions chantables en espagnol et en italien (Espagne, Argentine, Chili, Italie), réalisées entre 1956 et 2022. Nous recensons les solutions proposées en fonction des contraintes et voyons s'il est possible de dégager des tendances dans les choix de traduction en fonction de la langue d'arrivée, de l'époque, du territoire, du contexte social et politique, et du sujet traduisant. Nous proposons dans une troisième partie une analyse traductologique originale de la rime en chanson selon une perspective submorphémique. D'une part, cette approche linguistique, parce qu'elle s'intéresse au signifiant dans une intégration de la forme et du sens en prenant en compte la complexité du rapport entre les axes syntagmatique et paradigmatique, est susceptible de constituer un apport pour la conception du rapport forme/contenu dans l'appréhension du texte poétique chanté. Nous pouvons alors concevoir la rime dans la traduction de chanson comme un lieu possible de réinitialisation du système de contraintes et de renaissance du sens, en quelque sorte comme une matrice de régénération de la signification de la chanson de départ, déployée à rebours dans le texte. En nous situant du côté de l'écoute, nous étudions la façon dont la matière phonique fait émerger le sens chez l'auditeur ou l'auditrice et chez le traducteur ou la traductrice. D'autre part, la submorphémie se situe dans une approche énactive fondée sur la dimension sensori-motrice du langage, qui devrait permettre d'appréhender les paroles non comme un potentiel discours trouvant sa réalisation dans la performance, mais aussi comme un élément de l'uvre chanson contenant déjà en partie l'empreinte corporelle de la chanson incarnée. L'oralité et la corporéité inscrites dans les paroles d'une chanson nous invitent alors à défendre l'idée que seule une traduction de chanson chantable peut faire réémerger le sens de la chanson de départ, y compris si la traduction n'est pas destinée à être chantée.