Thèse en cours

La privation de liberté des individus atteints de troubles mentaux

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Auteur / Autrice : Lucie Gendraud
Direction : Delphine TharaudBaptiste Nicaud
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Droit mention Droit privé et sciences criminelles
Date : Inscription en doctorat le 25/10/2023
Etablissement(s) : Limoges
Ecole(s) doctorale(s) : Gouvernance des Institutions et des Organisations
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Observatoire des Mutations Institutionnelles et Juridiques

Mots clés

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Résumé

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La place des personnes souffrant de troubles mentaux dans les dispositifs d'enfermement soulève aujourd'hui des interrogations majeures, tant en matière de droits fondamentaux que de finalités du droit pénal. L'augmentation constante du nombre de détenus en situation de souffrance psychique – dans un contexte de surpopulation carcérale chronique – révèle une évolution préoccupante : des individus relevant initialement du champ du soin sont de plus en plus orientés vers le champ pénal, en raison d'une double défaillance des dispositifs de santé mentale et d'un durcissement des politiques sécuritaires. Ce déplacement progressif des malades mentaux vers l'univers carcéral est alimenté par plusieurs phénomènes : le manque de structures hospitalières adaptées, la saturation des unités psychiatriques, mais aussi une évolution des pratiques d'expertise. Les experts psychiatres se montrent aujourd'hui plus prudents dans la reconnaissance d'une altération du discernement, ce qui contribue à l'effacement progressif de l'irresponsabilité pénale et, par conséquent, à l'incarcération de personnes vulnérables. Ce phénomène, qui s'inscrit dans une dynamique plus large de pénalisation du trouble psychique, remet en cause les équilibres traditionnels du droit pénal. L'intégration de dispositifs comme la rétention de sûreté, fondée non plus sur les faits commis mais sur une dangerosité potentielle, accentue cette mutation. Dans ce contexte, la prison tend à devenir un lieu de relégation des personnes en souffrance, sans offrir les garanties nécessaires à une prise en charge adaptée. L'insuffisance de l'accès aux soins psychiatriques en détention constitue une atteinte grave à la dignité et à l'autonomie de ces personnes. Deux décisions récentes de la Cour européenne des droits de l'homme viennent renforcer ces constats. Dans l'arrêt Miranda Macro c. Portugal (9 janvier 2024), la Cour conclut à la violation des articles 3 et 5 §1 de la Convention, au motif que le requérant n'avait pas bénéficié de soins psychiatriques adaptés en détention. Dans l'arrêt Haugen c. Norvège (15 juin 2023), elle s'interroge sur la compatibilité d'un enfermement fondé uniquement sur la dangerosité psychiatrique avec les garanties conventionnelles.