Proposition d'un Droit unifié des usages
Auteur / Autrice : | Romain Vielfaure |
Direction : | Pierre Mousseron |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Droit privé et Sciences Criminelles |
Date : | Inscription en doctorat le 01/10/2023 |
Etablissement(s) : | Université de Montpellier (2022-....) |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Droit et Science politique (Montpellier ; 2010-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : CDE - Centre du Droit de l'Entreprise |
Mots clés
Résumé
Les usages peuvent être entendus comme des comportements qui en raison de certaines qualités peuvent bénéficier d'une force normative. Une étude de Droit coutumier a ainsi identifié trois qualités objectives (détermination, délimitation, généralité) et deux qualités subjectives (légitimité, invocabilité) que devrait présenter un comportement afin qu'il puisse être qualifié d'usage (Pierre Mousseron, Droit des usages, 2ème éd., LexisNexis, 2023). D'autres positions n'ont pas le même degré de précision, en particulier dans un contexte juridictionnel. Comme un colloque organisé le 22 juin 2023 à la Cour de cassation l'a illustré, ses différentes chambres reconnaissent périodiquement l'existence d'usages selon des définitions variables. La position de la Chambre sociale est ainsi remarquable en la matière, celle-ci s'efforçant d'identifier trois critères propres à l'usage (généralité, constance, fixité). Toutefois, elle demeure attachée à une définition spécifique de celui-ci, y voyant une pratique répétée de l'employeur sous la forme d'un engagement unilatéral marquant sa volonté de reconnaître ou d'attribuer un avantage aux salariés. Dans la même perspective, les chambres civiles de la Cour de cassation font communément preuve d'une certaine rigueur dans l'identification des usages, dans la mesure où elles doivent composer avec des textes fournis en la matière. Le Code civil comporte en effet de nombreuses références à l'usage et requiert parfois qu'il détienne certaines qualités ainsi des usages constants et reconnus de l'article 671. A côté, la Chambre commerciale adopte une attitude plus libérale quant aux usages du commerce, le Droit commercial étant un terrain privilégié pour les normes coutumières. Spécialement en Droit du commerce international, elle a pu attribuer le caractère d'usage à des éléments dont on peut douter de la véritable nature coutumière, par exemple les Incoterms. Cette diversité jurisprudentielle détonne avec le caractère unitaire de l'usage qui, au-delà de ses multiples champs d'application, demeure une règle juridique unique au même titre que la loi. Les éléments doctrinaux qui attestent de ces divergences jurisprudentielles sont très ponctuels et s'attachent souvent à classifier les usages plutôt qu'à les définir précisément. Ainsi, une large part de la doctrine commercialiste a débattu sur la distinction des usages conventionnels et des usages de droit qui semble aujourd'hui insatisfaisante. L'usage est pourtant un objet juridique irriguant l'ensemble des branches du droit avec plus ou moins d'intensité. Même le Droit pénal, par nature légaliste, n'échappe pas aux problématiques coutumières, ce dont atteste l'article 521-1 du Code pénal à travers la notion de tradition locale ininterrompue permettant une entorse à la législation protectrice des animaux. L'importance du Droit coutumier, mesurée par la profusion des domaines dans lesquels il s'immisce, devrait conduire à proposer un Droit unifié des usages, selon une définition actualisée de la norme coutumière. La nécessité d'une telle proposition augmente en outre dans un contexte où le droit dit ''souple'' connaît un succès grandissant. Elle devrait se saisir des définitions actuelles de l'usage dans le champ juridictionnel et doctrinal, en tentant de rendre compte des phénomènes qui ponctuent la vie d'une règle coutumière, en particulier sa naissance, sa reconnaissance, son application et sa disparition. Dans un premier temps, l'observation de divergences dans la définition de l'usage devra être faite, pour mettre en lumière la nécessité d'un Droit unifié des usages. La doctrine contemporaine en Droit coutumier, et en particulier la définition et les typologies proposées de l'usage, ainsi que les méthodes d'identification d'une règle coutumière seront étudiées. La manière dont les auteurs ont appréhendé l'usage dans leurs champs d'étude respectifs en Droit privé sera également prise en compte, en particulier en Droit du travail, en Droit commercial et en Droit de la famille et des biens. L'étude portera non seulement sur la jurisprudence de la Cour de cassation traitant de la notion d'usage, en particulier celle des chambres sociale, commerciale et civiles, et subsidiairement sur les décisions notables de juridictions inférieures. Dans un contexte où l'usage tient une place importante en Droit international et européen, les arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne et de la Cour européenne des droits de l'Homme traitant ponctuellement de la matière seront examinés. Dans un second temps, la proposition d'une résorption de ces divergences par l'établissement d'un Droit unifié des usages sera construite. Ses modalités et sa mise en oeuvre pratique par le juge seront présentées afin de tenter de parvenir à un système cohérent fondé autour d'une approche unique des normes coutumières.