Platon : l'usage des figures féminines et du féminin
Auteur / Autrice : | Julie Mestery |
Direction : | Olivier Renaut |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Philosophie |
Date : | Inscription en doctorat le 22/09/2023 |
Etablissement(s) : | Paris 10 |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Connaissance, langage et modélisation |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Institut de recherches philosophiques : Les dynamiques de l'invention philosophique, scientifique et artistique |
Résumé
Platon est sans doute le premier philosophe à produire un discours complexe et développé sur les femmes et le féminin. Dans l'Athènes des Ve et IVe siècles, la place des femmes est marginale. Elles ne font pas partie du corps des citoyens. Paradoxalement, elles occupent une place de choix dans les dialogues, en particulier politiques. Il n'y a pas dans la tradition d'équivalent au travail que Platon a fait sur cette question. Si l'on pense à Aristote par exemple, la place du féminin dans sa philosophie n'est pas comparable. Platon, au contraire, place au cur de sa réflexion les concepts de gestation, d'engendrement et d'accouchement, tandis qu'Aristote ne s'intéresse qu'à l'aspect biologique du corps féminin dans une démarche que l'on peut qualifier de scientifique. Platon occupe dès lors une place unique dans le corpus grec qui nous est parvenu. Le féminin des personnages présents dans les dialogues a un sens précis, c'est de cette hypothèse que part notre thèse. Si certaines figures ont déjà été analysées, elles restent peu nombreuses. On peut notamment citer Diotime, l'interlocutrice fictive de Socrate dans Le Banquet qui initie le jeune philosophe aux vérités sur l'Amour. Ou les gardiennes du livre V de la République, ces femmes qui occupent les plus hautes fonctions dans la cité. Si elles ne sont pas tout-à-fait les égales des gardiens, elles sont supérieurs aux autres membres de la cité, que ce soit des femmes ou des hommes. C'est pourquoi notre premier enjeu est prosopographique. Il s'agira de répertorier de manière exhaustive tous les personnages féminins présents dans les dialogues en faisant l'hypothèse que certaines figures, réputées mineures ou anonymisées, sont porteuses de sens, comme on s'accorde à penser que le fait que Diotime soit une femme a un sens précis dans le Banquet. Et même plus, nous interrogerons la fonction de chacune de ces figures pour comprendre comment Platon construit un concept plus général de féminin. Ce travail inédit se constitue comme un nouveau point de départ. Nous pensons que la question du féminisme platonicien doit être renouvelée par ce nouveau prisme, celui des figures féminines oubliées. Ainsi, grâce à ce travail d'inventaire, nous pourrons requestionner la place des femmes et du féminin dans les dialogues de Platon. Dans un premier temps, il faudra discuter de la place des femmes dans la cité, particulièrement dans celles de la République et des Lois. C'est en convoquant des extraits issus de textes historiques et dramaturgiques que nous pourrons reconstituer un contexte précis et apprécier l'aspect novateur de Platon. Dans un second temps, c'est la place du féminin dans la philosophie qu'il faudra étudier. Socrate, qui n'est pas une femme, joue avec les codes traditionnellement associées aux deux genres. Il se place en intermédiaire : il accouche les âmes dans le Théétète, se voile la tête, comme une femme dans le Phèdre et, il faut le souligner est le seul homme à interagir directement avec des femmes. Le féminin devient alors une fonction qui se détache du corps de la femme. Une fonction qui détermine ensuite le genre. Il y a un retournement de ce qui était traditionnellement associé aux femmes, par exemple l'accouchement, que Platon détache des femmes pour l'extraire et le développer de manière autonome dans sa philosophie, par exemple la maïeutique. En réalité toute la philosophie de Platon est teintée d'une présence féminine qui a certes été repérée, mais dont la fonction n'a pas toujours été systématisée. Nous proposons donc de construire une typologie du féminin dans les dialogues. Notre méthode est celle d'une historienne de la philosophie, le travail d'inventaire nous permettra de faire un état des lieux détaillé de la question. Ce travail a pour but de constituer une anthropologie philosophique des femmes et du féminin dans la Grèce de Platon, anthropologie qui pourra éclairer certains débats contemporains.