Thèse en cours

Évaluation de l'impact des actions de sensibilisation et des mesures de réduction des consommations énergétiques sur le comportement et le confort des usagers

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Auteur / Autrice : Tayyar Hasanov
Direction : Dorothée Charlier
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Sciences économiques
Date : Inscription en doctorat le 01/10/2023
Etablissement(s) : Chambéry
Ecole(s) doctorale(s) : Cultures Sociétés Territoires
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Institut de Recherche en Gestion et Économie

Résumé

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De nos jours, le secteur du bâtiment reste l'un des plus importants en matière de consommation énergétique, environ 39% en 2019 (IEA, 2021). Face à ce constat, l'ambition de l'Union Européenne est de réduire la consommation d'énergie dans les bâtiments. L'une des stratégies pour réduire cette consommation tient à la mise de politiques énergétiques efficaces qui visent à plus de sobriété énergétique (D'Oca et al., 2017). Les individus passent environ 90% de leur temps à l'intérieur des bâtiments que ce soit à leur domicile ou sur leur lieu de travail ou de loisirs (Zomorodian et al., 2016) et peuvent adopter diverses mesures pour optimiser leur consommation d'énergie. Des changements dans les habitudes quotidiennes peuvent aider à réduire les factures d'énergie domestiques, à réduire les émissions de carbone et à alléger la pression sur le réseau électrique. Pourtant, le comportement des individus n'est pas nécessairement cohérent en fonction du lieu où ils se situent et ce comportement peut devenir l'un des principaux facteurs de la consommation énergétique du bâtiment dans son ensemble (Hong et al., 2016; Parker et al., 2012; Zomorodian et al., 2016). Les différentes exigences pour un confort thermique spécifique dues à des périodes d'occupation différentes au cours de la journée et de l'année, ou à un certain niveau de liberté pour les actions d'adaptation (par exemple ouverture / fermeture des fenêtres et des stores, etc.) et aux changements de points de consigne de température dans les différents lieux de vie (bureaux , espaces résidentiels, etc.) nécessitent des études plus spécifiques pour comprendre les préférences pour le confort thermique et les comportements de sobriété énergétique. En outre, pour tenter de comprendre les facteurs qui influencent les comportements de consommation énergétique des ménages, nous suggérons qu'il est important de tenir compte des réponses comportementales des agents qui peuvent varier selon les individus et les contextes. L'objectif de ce travail de recherche est donc de fournir des recommandations auprès du grand public et des politiques afin de s'assurer dans le futur de la sobriété énergétique des individus (IEA, 2021). Cette recherche se concentre donc sur le potentiel d'amélioration de l'efficacité énergétique avec des politiques et des programmes conçus pour éduquer les consommateurs et les encourager à modifier leurs habitudes quotidiennes – sans recourir à des améliorations structurelles à grande échelle. Cette orientation est motivée par l'observation que les interventions visant à promouvoir un changement de comportement sont souvent moins coûteuses à mettre en œuvre que les politiques qui cherchent à encourager l'investissement, qui s'avèrent parfois également inefficace dans un contexte où l'utilisateur ne paie pas pour sa consommation. Ces mesures ont également tendance à être relativement rapides à concevoir et à mettre en œuvre (IEA, 2021). Les conclusions obtenues par ce travail doctoral pourront aussi permettre d'accompagner les ménages et les collectivités, (i) en leur faisant des propositions d'outils de communication tout en s'assurant du message perçu par les destinataires, (ii) en essayant de réduire la facture énergétique dans des lieux où les usagers ne paient pas pour leur consommation. Le travail de doctorat peut donc être défini autour de trois grandes contributions. La première partie du travail consistera en l'analyse des comportements économes en énergie des ménages. Il s'agira, sur des données en coupe transversale qui ont été collectées en 2020 dans le cadre d'un projet soutenu par la Région Auvergne Rhône-Alpes (projet PEPSI) auprès de 5000 ménages représentatifs à l'échelle nationale, d'étudier quels sont les profils des ménages qui ont des comportements économes en énergie au sein de leur domicile. La situation dans les bâtiments résidentiels diffère du type de bureaux des bâtiments en raison de la possibilité pour les ménages de choisir le logement eux-mêmes. Plusieurs études ont révélé une relation significative entre la consommation d'énergie et les profils des utilisateurs tels que l'âge, le sexe, l'éducation, le statut socio-professionnel, les revenus et les paramètres des bâtiments tels que les propriétés thermiques et les systèmes de chauffage (Bakaloglou and Charlier, 2019; Belaïd et al., 2016; Bian et al., 2023; Charlier, 2021; Sardianou and 2008; Schweiker et al., 2009). Mais, les études sur le poids des comportements en matière de sobriété restent en nombre plus limitées. L'objectif dans ce premier travail est 1/ d'identifier les profils des ménages (et du lieu d'habitation de ces derniers) qui ont des écogestes (diminuer le chauffage lorsque le logement est inoccupé, avoir une température dans les pièces à vivre de 19°C, conserver un comportement identique après une rénovation énergétique, etc.), et 2/ de regarder le profil des ménages qui ont une préférence avérée pour le confort thermique, et 3/, de regarder si les ménages qui déclarent avoir des comportements de sobriété ont, toute chose égale par ailleurs, une moindre consommation énergétique. Il sera possible de distinguer également si ces mêmes ménages ont une consommation électrique moindre que les autres pour les appareils électroménagers. Une partie de cette étude sera également consacrée à détecter l'existence ou non d'effet de compensation morale (Clot et al., 2014), c'est à dire qu'un ménage qui a réalisé une bonne action en matière énergétique et/ou environnementale se sent déculpabilisé et tend à consommer davantage d'énergie. Par exemple, si un ménage installe des panneaux solaires, il pourra se sentir mieux et décider de prendre l'avion plus souvent. Il est important de comprendre ces phénomènes pour pouvoir adopter des comportements économes en énergie de manière efficace. Il est souvent recommandé de combiner des politiques qui réduisent la consommation énergétique plutôt que de compter sur une seule stratégie qui pourrait être compromise par ces effets rebonds ou de compensation morale. Les résultats de cette étude pourront faire l'objet de recommandations en vue d'une meilleure sobriété dans les logements résidentiels privés. Dans une deuxième partie du travail, une enquête sera réalisée pour comprendre l'impact des campagnes qui visent à inciter les agents à plus de sobriété sur les comportements de consommation énergétique des individus en dehors de leur domicile, c'est à dire sur des lieux où ils n'ont pas d'information sur le coût de leur consommation et qu'ils ne paient pas directement la facture énergétique. Les interventions comportementales diffèrent des approches traditionnelles qui visent à améliorer l'efficacité énergétique par le biais d'incitations économiques (telles que des subventions pour des achats efficaces ou la tarification de l'énergie en fonction de l'heure de consommation), de la fourniture d'informations (étiquettes d'efficacité énergétique) ou d'exigences réglementaires (fixation de normes minimales de performance énergétique) (IEA, 2021). Ces mesures traditionnelles supposent que les utilisateurs comprendront facilement les avantages d'une politique ou d'un programme et réagiront rationnellement. Mais les mécanismes qui influent sur la façon dont les individus interprètent l'information et agissent en fonction de celle-ci sont souvent complexes, et ignorer cette complexité peut limiter l'efficacité des politiques. Dans un tel contexte, afin de comprendre comment les campagnes d'information qui visent à plus grande sobriété sont comprises par les usagers, une expérience sera menée grâce à une expérimentation des choix discrets. L'expérience de choix discret est une technique bien établie pour susciter des préférences déclarées dans les domaines de l'évaluation des politiques environnementales ou énergétiques (Weber, 2021). Cette méthodologie est fréquemment utilisée en sciences sociales, où les préférences révélées sont difficiles, voire parfois impossibles à recueillir. Cette méthode consiste donc à évaluer, à la suite d'une campagne d'information fictive (ou réelle), comment cette dernière vient modifier les préférences des répondants en les invitant à choisir une alternative (un scénario) qu'ils préfèrent ou qu'ils jugent le plus pertinent parmi une série d'options. Ainsi, pour élaborer des politiques pertinentes, nous serons en mesure de pouvoir évaluer les différents biais qui affectent la façon dont les individus perçoivent, traitent, comprennent ou ignorent l'information, les incitations et les risques. Une troisième partie du travail sera réalisée à l'université de Genève (HES-SO, HEPIA) et sera complémentaire à l'étude expérimentale précédente. L'université de Genève dispose de capteurs dans certains de ses bâtiments qui permettent de mesurer la consommation énergétique en temps réel et donc, d'étudier, des modifications possibles de comportement sur le long terme. Ainsi, en réalisant une expérience, nous pourrons comparer dans le temps le comportement des agents (étudiants et personnels de l'université) en comparant des groupes traités et des groupes de contrôle en sachant que plusieurs traitements peuvent être opérés en même temps (savoir que l'on est traité, avoir bénéficié de campagnes d'information en matière de sobriété). Dans le cadre de cette expérience, trois grandes familles de facteurs seront prises en compte : 1. La comparaison d'un groupe témoin au groupe traité en tenant compte de la technique d'évaluation retenue, des unités de mesure et des infrastructures étudiées ; 2. Les caractéristiques des bénéficiaires des interventions, notamment le type de bâtiment dans lequel ils évoluent, leur niveau de consommation d'énergie avant l'intervention, lui-même déterminé par de nombreuses caractéristiques socio-économiques. 3. Les caractéristiques de l'intervention, y compris sa durée et le moment où l'évaluation est effectuée. En termes de recommandations, comme la conception de politiques qui soutiennent les changements dans les habitudes des usagers et qui encouragent les investissements implique également d'identifier les obstacles possibles et de trouver des solutions appropriées pour les réduire ou les éliminer, nous serons ainsi en mesure de mieux accompagner les individus dans le temps vers plus de sobriété (notamment dans des bâtiments où les usagers ne paient pas pour leur consommation, ce qui peut s'appliquer aussi bien au lieu de travail que dans les lieux de loisirs). De plus, les décideurs publics pourront accroître l'efficacité des interventions en matière de sobriété énergétique en élargissant leur boîte à outils pour inclure les leviers comportementaux appropriés.