Micro et nanocristaux d'oxyde d'étain dans les glaçures opaques de la Renaissance : recherche des procédés de fabrication et du mécanisme d'altération
Auteur / Autrice : | Lise Boutenegre |
Direction : | Gilles Wallez, Anne Bouquillon |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Chimie Physique |
Date : | Inscription en doctorat le 01/09/2023 |
Etablissement(s) : | Université Paris sciences et lettres |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Chimie physique et chimie analytique de Paris Centre (Paris ; 2000-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Institut de Recherche de Chimie Paris |
Equipe de recherche : Physicochimie des Matériaux Témoins de l'Histoire (PCMTH) | |
établissement opérateur d'inscription : Chimie ParisTech / École Nationale Supérieure de Chimie de Paris (ENSCP) |
Mots clés
Mots clés libres
Résumé
La Renaissance occidentale est une période de grandes avancées dans les arts du feu. Bernard Palissy et la famille des Della Robbia à Florence ont laissé un héritage artistique dont les qualités esthétiques et les procédés de fabrication, fruits de décennies de recherche, sont novateurs tant du point de vue des procédés thermiques que de l'élaboration des compositions. Ces maîtres céramistes ont toujours veillé à conserver le secret de leur art, bien que les écrits de Palissy témoignent d'une démarche raisonnée très en avance sur une chimie encore à naître. En collaboration avec les musées, ce patrimoine rare a fait l'objet de travaux pluridisciplinaires depuis de nombreuses années au C2RMF et depuis 2014 dans le cadre de l'équipe mixte de l'IRCP. L'analyse croisée d'objets historiques et d'échantillons élaborés en laboratoire a permis des avancées importantes sur les pâtes argileuses et les glaçures transparentes, mais les glaçures blanches opaques ou opalescentes posent encore de multiples questions. L'introduction au XIIIe s de l'étain aboutit à des glaçures dont l'opacité permet de s'affranchir de la teinte de la pâte argileuse et de développer une palette lumineuse à base d'éléments de transition dissous (Fe3+, Cu2+, Mn2+, Co2+) dans une matrice plombo-siliceuse. Les céramistes de la Renaissance ont alors optimisé les recettes et les procédés thermiques afin de juxtaposer des glaçures de compositions et de transition vitreuse différentes, composant ainsi des céramiques imitant sculptures en marbre ou en parfait mimétisme avec les éléments de la nature. Cation à force de champ élevée, Sn4+ est très peu soluble dans les verres plombo-silicatés, d'où la cristallisation de SnO2. Ces glaçures sont d'une qualité bien supérieure à celles anciennement opacifiées par des cristaux infondus (quartz) ou néoformés (diopside, antimoniates), voire des bulles. Le réactif est généralement une calcine, mélange de PbO, SnO2 et Pb2SnO4 obtenu par calcination des métaux que les Della Robbia ont optimisé. Bien que Pb permette une dispersion homogène de SnO2, on observe dans cette production sérielle et normée une variabilité inexpliquée de microstructures de SnO2 et la présence de phases complexes (CaSnOSiO4, ). Célèbre expérimentateur au contraire, Palissy a probablement utilisé l'étain de diverses façons pour obtenir des glaçures opaques ou opalescentes aux microstructures variées (cristaux hétérogènes, nanocristaux, voire absence de cristallisation) tout aussi inexpliquées. A ces questions s'ajoutent celle de l'influence des composés de l'étain sur la durabilité des glaçures, car si celles des Della Robbia se sont parfaitement conservées dans les musées, les glaçures opaques enfouies de l'atelier parisien de Palissy présentent une altération en feuillets, contrairement à celles non opacifiées des mêmes objets, ce qui suggère un mécanisme d'altération spécifique impliquant la matrice vitreuse, la cristallisation et l'environnement. La thèse se développera selon deux axes relativement indépendants, chacun basé sur la double approche de l'analyse d'échantillons historiques et de la recréation en laboratoire : - recherche des procédés thermiques (température, vitesse, atmosphère), compositions et matières premières - analyse physico-chimique du mécanisme d'altération en enfouissement Etape 1- Caractérisation des objets historiques (conservés au C2RMF, fragments de céramiques de Palissy trouvés en fouille) ; identification des phases cristallines, nature et composition des phases vitreuses englobantes. Ces données permettront d'optimiser les synthèses du 2- et de déterminer les niveaux et les microstructures d'altération. Etape 2- Synthèse d'échantillons : ajout d'étain (Sn, SnO2, calcine) dans un verre au plomb ; influence du degré d'oxydation, du profil thermique, des oxydes modificateurs (Ca, K, Na), comparaison avec les échantillons du patrimoine. 3- Etude comparative simplifiée de l'altération en milieu aqueux des échantillons précédemment synthétisés (température, durée), comparaison avec les données obtenues en 1-. La doctorante bénéficiera des moyens de synthèse et d'analyse de l'IRCP (fours, diffraction X ambiante et HT, analyse Rietveld, spectroscopie Raman, analyses thermiques) et du C2RMF (MEB-EDX, fluorescence X, analyses par faisceau d'ions sur l'accélérateur AGLAE) et à l'accès aux lignes ID13 et ID22 de diffraction synchrotron (ESRF) dans le cadre du Block Action Group européen Ancient Materials. On envisage également des caractérisations structurales par RMN sur la partie vitreuse (coll. CEA Saclay) et Mössbauer de 119Sn pour le ratio Sn2+/Sn4+ et la symétrie des sites. Les résultats contribueront à la connaissance de l'histoire des arts et des techniques céramiques, à l'authentification des oeuvres au sein des collections ; d'un point de vue fondamental à celle des processus de croissance cristalline en milieu amorphe et de l'altération des verres plombifères partiellement cristallisés. Ils seront diffusés dans des revues internationales, des conférences scientifiques nationales et internationales, mais également auprès du grand public, notamment dans la perspective de l'exposition au Louvre sur l'art de Palissy et de ses suiveurs en 2027.