Groupes et groupes de substitutions en France, 1870-1939
Auteur / Autrice : | Salomé Chauvet |
Direction : | Frédéric Brechenmacher, François Lê |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Sciences humaines, Art, Lettres et Langues |
Date : | Inscription en doctorat le 01/10/2023 |
Etablissement(s) : | Institut polytechnique de Paris |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale de l'Institut polytechnique de Paris |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Laboratoire Interdisciplinaire de l'École Polytechnique en Sciences Humaines et Sociales |
Mots clés
Résumé
Le sujet de thèse proposé concerne l'histoire des mathématiques. Il s'agit de saisir une partie de l'histoire de l'algèbre encore mal connue actuellement : la théorie des groupes en France au tournant des XIXe et XXe siècles. Le développement de cette théorie depuis les années 1830 jusqu'à la fin des années 1870 est en effet bien compris, notamment grâce à des travaux historiques récents qui se sont intéressés aux idées d'Évariste Galois et leurs réappropriations par divers mathématiciens européens, dont Arthur Cayley et Camille Jordan. En ce qui concerne la fin du XIXe siècle et le début du XXe, l'historiographie s'est focalisée sur les groupes de transformations de Lie (notamment par des mathématiciens français) ou sur la constitution de la théorie abstraite des groupes (insistant alors sur des travaux allemands et, dans une moindre mesure, anglais). Or, le projet ANR CaaFÉ (Circulation des savoirs et pratiques algébriques et arithmétiques, 1870-1945). Sources et échanges France, Europe, États-Unis), en constituant de manière systématique une base de données des travaux d'algèbre français publiés entre 1870 et 1914, a montré qu'il existe à cette époque un grand nombre d'articles relevant de la théorie des groupes et échappant au descriptif précédent. Plusieurs mathématiciens français très peu connus de nos jours contribuent ainsi activement à la théorie des groupes, notamment à travers l'étude de groupes particuliers de substitutions ou de transformations de Cremona : c'est le cas des polytechniciens Léon Autonne (1859-1916) et Edmond Maillet (1865-1938), ainsi que du prêtre catholique Jean-Armand De Séguier (1862-1935). L'objectif de la thèse est d'étudier de tels travaux à plusieurs niveaux, en élargissant au préalable le corpus d'étude pour inclure les années de la Première Guerre mondiale et celles de l'entre-deux-guerres. Il s'agit ainsi de mener dans un premier temps une étude quantitative visant à mettre au jour les thématiques et résultats principaux, mais aussi, par le jeu des citations et des références faites par les acteurs de l'époque, certaines dynamiques collectives à l'uvre dans la théorie des groupes de l'époque. Une autre partie du travail sera d'analyser au plus près de la technique mathématique certains textes-clés du corpus, publiés par les trois auteurs cités précédemment, en se concentrant sur ce qui relève des groupes de substitutions. En plus des sources publiées, ce travail nécessitera de se pencher sur des archives encore inexploitées de l'École polytechnique pour comprendre au mieux les polytechniciens Autonne et Maillet, ce dernier y ayant d'ailleurs été répétiteur au début du XXe siècle. En s'écartant a priori de la question des fondements et de l'axiomatisation de la théorie abstraite des groupes, le sujet de thèse proposé vise à restituer la richesse du travail mathématique sur des questions relatives à la pratique des groupes elle-même. Il permettra également de comprendre des aspects de l'héritage croisé des idées de Jordan et de Charles Hermite : par exemple, la correspondance entre Autonne et Henri Poincaré permet de suivre leur appropriation, dans un cadre hermitien, de résultats de Jordan issus de son Traité des substitutions et des équations algébriques (1870) et de son article de 1878 sur les groupes associés aux équations différentielles linéaires. Par ailleurs, l'analyse des travaux de Séguier contribuera à saisir plus précisément son rôle dans la constitution de l'école algébrique de Chicago par Eliakim H. Moore et Leonard E. Dickson au début du XXe siècle, faisant le lien entre les contributions françaises de Joseph-Alfred Serret, Émile Mathieu, et Jordan, et les contributions allemandes de Felix Klein, Walter von Dyck, Joseph Gierster. Enfin, la prise en compte des travaux de l'entre-deux-guerres sera susceptible d'apporter un éclairage nouveau sur le paysage algébrique français avant la constitution du groupe Bourbaki et leur importation d'Allemagne de l'algèbre structurale.