Thèse en cours

La réception de l'art égyptien dans l'esthétique philosophique allemande, 1807-1925 : Symbole et aspective

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Auteur / Autrice : Gabrielle Charrak
Direction : Mildred Galland-Szymkowiak
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Philosophie
Date : Inscription en doctorat le 01/09/2023
Etablissement(s) : Université Paris sciences et lettres
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Lettres, Arts, Sciences humaines et sociales (Paris ; 2010-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Pays germaniques, transferts culturels (Paris)
établissement opérateur d'inscription : École normale supérieure (Paris ; 1985-....)

Résumé

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Durant les premières décennies du XIXe siècle, les découvertes archéologiques et linguistiques relatives à l'Égypte antique connaissent une fortune inédite en Europe, dans le sillage de l'expédition de Bonaparte et des publications accompagnant la Campagne d'Égypte, suivies de près par les travaux de déchiffrement de Champollion : l'histoire de l'art et celle de la pensée doivent alors compter avec le domaine égyptien. Or c'est dans ce contexte que Hegel prononce à Heidelberg, puis à Berlin, entre 1818 et 1830, ses cours sur la philosophie de l'art. En même temps qu'il intègre avec une précision inédite les contenus de l'histoire de l'art au domaine de l'esthétique philosophique, il prend amplement en vue l'Égypte ancienne, en employant les matériaux classiques de la littérature occidentale, mais aussi les reproductions des œuvres et un corpus déterminé d'objets dont il a directement pris connaissance : l'art pharaonique, considéré à travers les sculptures, l'architecture et leur mise en rapport, acquiert une place de première importance dans une pensée de l'art que dominait jusque-là le modèle grec – que l'on songe à Winckelmann. Surtout, à propos de l'Égypte, il s'opère une rencontre remarquable, qui fera l'objet de mes recherches, entre les progrès de l'histoire de l'art et la constitution de la philosophie de l'art. C'est pour éclairer la notion de symbole que je mobilise de manière neuve histoire de l'art, égyptologie et philosophie. La place que conquiert l'art égyptien dans le système de l'esprit absolu, chez Hegel, est définie par son éminence dans la « forme d'art symbolique ». Si le fait de voir l'Égypte comme « le pays du symbole » remonte au moins à la Renaissance européenne, la compréhension et l'appréciation de son art par le prisme symbolique entraîne un bouleversement affectant non seulement les esthétiques philosophiques, mais encore la position de l'histoire de l'art vis-à-vis de l'art égyptien. Pour en apercevoir la portée jusqu'au XXe siècle, il faut également consulter les échos du point de départ hégelien dans les travaux de Cassirer sur le concept de forme symbolique en général et sur l'art égyptien en particulier. De Hegel à Cassirer, il s'agit d'utiliser le symbole comme une articulation entre un contenu spirituel, ou une signification intelligible, et des formes plastiques qui ne peuvent être tout à fait comprises que référées à cet élément idéel. Certes, le premier identifie dans la figure symbolique de l'art en Égypte antique une inadéquation entre l'idée et son contenu, tandis que le second conçoit l'art en général comme la façon dont un contenu spirituel s'attache une forme sensible (qui se donne toujours déjà comme pleine de sens), dans un processus d'objectivation. Néanmoins, fût-ce en tolérant une histoire téléologique de l'esprit, l'un et l'autre soutiennent que les particularités des modes de représentation plastique des Anciens Égyptiens ne s'expliquent pas par les limites des techniques employées, mais par le contenu qu'ils ont voulu donner à voir. Or il m'est apparu que ce concept de forme symbolique a été mis à profit par les historiens de l'art pour aborder des aspects essentiels du problème plastique dans l'art égyptien. Dans le champ d'investigation d'un long dix-neuvième siècle allemand, je veux donc m'intéresser aux convocations mutuelles de la philosophie esthétique et de l'égyptologie, qui se constituent alors toutes deux en domaines scientifiques. D'un côté, j'examinerai les mobilisations, usages et détournements de l'art égyptien qui se trouvent dans les développements philosophiques, depuis la Phénoménologie de l'esprit de Hegel jusqu'au deuxième tome de la Philosophie des formes symboliques de Cassirer. De l'autre, j'explorerai les éléments et cheminements qui, dans les textes de l'histoire de l'art égyptien, constituent des références, explicites ou non, à une réflexion philosophique qui s'exerce en particulier sur la question du symbole.