Thèse en cours

Enfant charnel et image d'enfant : la place du lien biologique dans la parenté, de l'apparition d'un droit coutumier français aux enjeux contemporains de la filiation.

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Auteur / Autrice : Valentine Girard
Direction : Karen Fiorentino
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Histoire du droit et des institutions
Date : Inscription en doctorat le 30/09/2023
Etablissement(s) : Bourgogne Franche-Comté
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Droit, Gestion, Economie et Politique (Dijon ; Besançon ; 2017-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : CREDESPO - Centre de REcherches et d'études en Droit Et Science POlitique

Mots clés

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Résumé

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La parenté est un lien privilégié, qu'il soit fondé sur les liens du sang ou sur l'alliance et cette recherche pourrait débuter d'ailleurs par une définition du sang à travers les âges. Plusieurs travaux en histoire du droit ont permis de réévaluer la place de l'enfant adopté dans la famille et mettent en évidence la défaveur dont a pu souffrir l'enfant adoptif au regard de l'enfant « charnel ». Derrière cette défaveur se cache la conviction que le sang, outre ses fonctions vitales et symboliques, joue le rôle d'un vecteur par lequel transitent les caractéristiques physiques, morales, mentales d'un individu. L'enfant adopté ou simplement accueilli dans une famille n'est qu'une fiction nécessaire d'enfant, à laquelle on consent pour assurer la transmission du patrimoine, qui représente la survie d'une famille. Pour autant l'importance donnée au sang ne remet pas en question le monopole accordé à la filiation légitime, la seule que l'État reconnaisse jusqu'à l'époque moderne. La filiation doit donc être voulue dans le droit moderne, comme c'était déjà le cas dans le droit romain et les apports de la doctrine chrétienne ne remettent pas en question ce postulat. L'enfant né hors mariage, quoique innocent de la faute de ses parents biologiques, en est l'incarnation et à ce titre doit se contenter d'aliments, quand il n'est pas tout simplement privé de filiation s'il est issu d'un adultère ou d'un inceste. Il faut attendre la rupture représentée par le droit révolutionnaire pour que, très progressivement, réforme après réforme, soit reconnue une troisième filiation, naturelle, qui va se hisser sur un pied d'égalité avec la filiation légitime. Ce n'est véritablement qu'avec la fin des dernières discriminations successorales à l'égard des enfants adultérins, en 2005, qu'une pleine égalité sera consacrée. Quelles que soient les circonstances de sa naissance, un enfant ne peut être privé de ses droits successoraux, ce qui semble anéantir la conception d'une filiation voulue. Pour autant, les questionnements plus récents sur la filiation issue d'une gestation pour autrui, ou de l'assistance médicale à la procréation, reviennent donner une nouvelle force à l'idée d'une filiation charnelle appuyée sur les possibilités qu'offrent les avancées scientifiques. Quelles peuvent être la place donnée et l'importance reconnue aux liens du sang ? Si une partie de la doctrine dénonce aujourd'hui une conception « bouchère » de la filiation, cette position met surtout en avant les questions éthiques que posent ces nouvelles opportunités de parentalité et les enjeux auxquels le droit faire face. Le fil directeur de cette thèse pourrait être le rapport qu'entretiennent conception de la filiation et lien biologique du Moyen-Âge à nos jours. Le terminus a quo s'explique par l'apparition progressive de droits nationaux, plus ou influencés par le droit romano-canonique, prenant corps dans des textes coutumiers et le terminus ad quem s'impose pour tenir compte des avancées juridiques et scientifiques les plus récentes. Si le droit français doit rester le principal terreau du sujet, il est évident que ce dernier ne pourra être sérieusement traité sans chercher son socle à la fois dans l'héritage antique, dans la doctrine canonique et romanistique, où le sang se voit reconnaitre une place fondamentale en matière politique, pénale, successorale. Par ailleurs, il serait nécessaire d'enrichir ce travail d'un aspect comparatiste en rapportant le droit coutumier et législatif français aux normes successorales en vigueur dans les autres États de l'espace européen. La thèse devrait s'appuyer sur une étude des sources juridiques coutumières, doctrinales, jurisprudentielles, législatives, de plus en plus accessibles aujourd'hui grâce à la numérisation, mais également sur d'autres types de sources en lien avec l'histoire de la médecine, les sphères médicales et juridiques étant très perméables, ou encore la sociologie ou la philosophie, susceptibles de nourrir les aspects de ce travail se rapportant à l'éthique. Néanmoins, certaines sources anciennes nécessitent malgré tout des déplacements aux archives nationales ou encore dans des centres étrangers, engageant des dépenses pour le postulant. Cette thèse devrait permettre de dégager des continuités, des ruptures, des mutations dans la conception de la filiation aussi bien paternelle que maternelle, qui est révélatrice des valeurs d'une société. Elle devrait également mettre en lumière des questionnements qui, quoique anciens, sont toujours d'une grande actualité, mais sont amenés à être posés différemment du fait de l'évolution scientifique : la condition et les droits de l'enfant peuvent-ils être décidés par le parent ? la transmission du patrimoine est-elle révélatrice du lien qui unit les générations ? quelle place faut-il reconnaitre à la liberté des individus dans la création du lien de filiation ? quelle est la pertinence des différentes filiations ? sur toutes ces questions une réponse simple ne peut être apportée et nécessite une réflexion appuyée sur le temps long.