Représentation de l'activité physique dans l'éducation libertaire proposée à la fonderie Baudin à Toulouse-le-Château (Jura) et au Phalanstère de Cîteaux (Côte d'Or). Enjeux historiques et socio-culturels de la co-éducation en milieu scolaire (milieu XIXème siècle aux années 60)
Auteur / Autrice : | Yanis Ansri |
Direction : | Christian Vivier, Cyril Polycarpe |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Sciences du sport |
Date : | Inscription en doctorat le 01/10/2023 |
Etablissement(s) : | Besançon, Université Marie et Louis Pasteur |
Ecole(s) doctorale(s) : | SEPT - Sociétés, Espaces, Pratiques, Temps |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Culture, Sport, Santé, Société |
Mots clés
Mots clés libres
Résumé
L'Europe du XIXe siècle est celle de la ''révolution industrielle''. Elle évoque le bouleversement qu'a représenté, pour les hommes du XIXe siècle, l'ensemble des innovations techniques qui ont permis le passage de l'artisanat à l'industrie (Caron, 2010). Cependant, elle donne l'image d'une rupture brutale et rapide, alors que le processus s'amorce en fait en Angleterre dès le milieu du XVIIIe siècle. La « révolution technique » (Engels, 1845) procède par grappes d'innovations (Schumpeter, 1954), parfois limitées, mais qui, par leur interdépendance, bouleversent les conditions générales de la production, des manières de vivre et de pensée. Dans la France du XIXe siècle, où s'amorce un déclin démographique (Vallin, 2002), une bourgeoisie conquérante impose sa conception d'un ordre social et moral fondé sur le travail et la propriété. Une paysannerie nombreuse obéit aux mêmes valeurs. Cependant, l'image d'une société équilibrée ne saurait masquer l'importance des clivages sociaux qui maintiennent la classe ouvrière en marge du pays, plus particulièrement dans le domaine éducatif, à l'image de la région Bourgogne/Franche-Comté (Cuenot, 2020) et, plus particulièrement, au sein de la fonderie Baudin à Toulouse-le-Château. Proche de Lons-le-Saunier dans le Jura, ce territoire fut concerné par le processus de « révolution industrielle » dès les années 1820, puis selon l'expression définie par Engels en 1845, a été le lieu d'une pensée utopiste : le phalanstère de Cîteaux en Côte d'Or (Voet, 2001). Deux espaces géographiques éloignés d'une centaine de kilomètres, mais unis par une idéologie dont l'un des principaux penseurs est le bisontin Charles Fourrier (Desmars, 2010 ; Viguerie, 2011). Ce dernier influença un membre d'une famille locale de riches industriels, Marcel Monnier, pour expérimenter ses idées dans une structure libertaire dont le but affiché était l'autonomie communautaire. Par ce biais, le phalanstère de Cîteaux doit être considéré comme un moment historique inséparable des innovations techniques qui ont permis l'essor de la grande industrie fondée sur le fer, le charbon et le textile. Ainsi, le processus de « révolution industrielle » (Caron, 1997) s'apparente à un mouvement de progrès technique dans le cadre d'un capitalisme puissant qui met en place ses rouages et se structure. Cependant, selon l'expression analysée par Engels, la « révolution industrielle » est aussi un temps de réflexion sur les conditions d'existence, les manières de vivre et les murs d'un groupe spécifique : le monde ouvrier. Le projet envisage d'appréhender la thématique de l'éducation physique libertaire dispensée au sein des expérimentations régionales utopiques de Toulouse-le-Château et Cîteaux, notamment, en lien avec les profondes mutations qui surviennent au cours de ce siècle des Révolutions. L'identification d'un corpus régional relatif à l'existence d'une « éducation intégrale » libertaire (Thibault, 1977), se définissant comme contre-modèle de l'école traditionnelle, républicaine et libérale, est l'occasion de comprendre la fonction jouée par cette pédagogie corporelle originale qui lutte pour échapper à son assujettissement et à sa réduction à un instrument de reproduction des structures sociales de domination et d'exploitation. Bref, l'objet de recherche du contrat doctoral envisagé ici peut être ramassé dans la question suivante : l'éducation physique libertaire étudiée dans les deux expérimentations utopiques de Toulouse-le-Château et Cîteaux entre 1843 et 1959 réussit-elle à échapper à la culture physique institutionnelle et académique, voire même à remettre en cause cet « ethos spécifiquement bourgeois de la besogne » (Weber, 1904-1905), remarquable appareil de résignation et d'assignation des rôles sociaux en direction de la jeunesse.