Thèse en cours

Comprendre et soutenir l'acquisition de la compréhension de l'oral en chinois L2 : étude des processus et des effets induits par une approche didactique immersive

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Auteur / Autrice : Shiqing Fan
Direction : Monica Masperi
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Sciences du langage Spécialité Didactique et Linguistique
Date : Inscription en doctorat le 01/07/2023
Etablissement(s) : Université Grenoble Alpes
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale langues, littératures et sciences humaines (Grenoble, Isère, France ; 1991-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Laboratoire de Linguistique et Didactique des Langues Etrangères et Maternelles

Résumé

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Comprendre et soutenir l'acquisition de la compréhension de l'oral en chinois L2 : étude des processus et des effets induits par une approche didactique immersive  Sujet de recherche et objectifs L'écoute est une compétence essentielle pour la communication dans l'acquisition d'une langue seconde (L2). Cependant, l'enseignement de la compréhension de l'oral a été négligé dans les pratiques didactiques pendant une longue période (Field 2008 ; Luo et Gao 2012 ; Richards et Rodgers 2001 ; Rubin 1994 ; Vandergrift 1999). Selon certains chercheurs (Graham 2002, 2006 ; Prince 2013 ; Vandergrift 2004, Guo & Nissen, 2015), cette négligence est liée au fait qu'il s'agit de la compétence la plus difficile à développer pour les apprenants. Par ailleurs, la recherche en compréhension de l'oral laisse encore aujourd'hui la place à de nombreuses questions (Bloomfield et al., 2010 ; de Pietro et al., 2017), notamment à l'égard du fonctionnement cognitif et métacognitif à l'œuvre dans l'exécution d'une tâche de compréhension de l'oral. L'objectif de la thèse est de ce fait double : sur le plan de la recherche fondamentale, il s'agira d'observer l'impact acquisitionnel et comportemental d'une approche formative principalement axée sur un entraînement soutenu à la compréhension de l'oral lors de l'apprentissage d'une langue typologiquement distante, à ses débuts : le mandarin. Cet impact sera apprécié par des mesures de progression à la fois qualitatives et quantitatives (cf. méthodologie, ci-après). Corollairement, sur un plan opérationnel, il s'agira de concevoir les supports didactiques adaptés aux expérimentations que nous souhaitons mener, les tester et les valider sur le plan formatif. Ce projet doctoral se donne également pour but de participer à la constitution d'un socle d'études prônant une synergie interdisciplinaire entre la didactique des langues et les neurosciences, en se fixant comment objectif d'observer les processus cognitifs impliqués en perception et en compréhension de textes oraux auprès d'un public d'apprenants francophones de niveau A2. Cette recherche à vocation interdisciplinaire prendra appui sur des méthodes d'investigation relevant des sciences du langage et des neurosciences cognitives. État de l'art L'écoute et la compréhension en L2 impliquent des difficultés qui se situent à différents niveaux de la chaîne sonore et qui mobilisent chez l'auditeur des comportements neurophysiologiques et des stratégies cognitives et métacognitives complexes. Un certain nombre de recherches se sont focalisées sur la perception et la segmentation de la parole continue en L2 (Bagou et Frauenfelder, 2002, 2008, 2018 ; Santiago, 2012 ; Yang, 2015) et préconisent d'accorder un rôle prépondérant à la dimension orale (perception, compréhension, production) dès le tout début de l'apprentissage d'une L2 (Germain & Netten, 2014). Nous nous inscrivons dans ce courant, et plus particulièrement dans un sillage innovant exploré par de toutes récentes recherches s'ouvrant vers l'apport des neurosciences et des sciences cognitives à la compréhension du processus acquisitionnel de la parole en L2 (Pallier, 2009 ; Reiterer, 2009 ; Hilton, 2019, 2022 ; Goh, 2000 ; Grimaldi, 2019 ; Roussel, 2021). La compréhension de l'oral en chinois constitue à cet égard une tâche d'une difficulté majeure pour un apprenant francophone (Guo et Nissen, 2015) puisqu'il s'agit pour l'auditeur de se confronter à une langue distante à ton monosyllabique pour laquelle les interactions entre syllabe, ton et processus morphologiques sont complexes (Luo, 2013) et pour laquelle aucun ancrage n'est disponible à partir d'un répertoire langagier de souche indoeuropéenne. Cependant, malgré les spécificités relevant de ce type de tâche, ce domaine de recherche demeure encore largement inexploré. Notre intérêt scientifique se tourne vers les processus cognitifs impliqués dans ce type d'activité langagière, avec une focalisation sur la mémoire de travail et l'attention en tant que facteurs susceptibles d'avoir une forte incidence sur la compréhension du texte oral (interaction langage/mémoire). La mémoire de travail et l'attention apparaissent en effet comme étant des composantes fondamentales dans l'exécution de ce type de tâches. Le contrôle attentionnel a notamment comme effet de canaliser les ressources de la mémoire de travail en direction de la tâche en cours d'exécution, tout en inhibant l'entrée d'informations non pertinentes (stimuli distrayants) (Engle, 1992, 2001). Nous faisons ainsi l'hypothèse, à l'instar de Engle, que les processus attentionnels pourraient faire ressortir des différences individuelles notables en compréhension, dans le traitement de la matière phonique. La littérature à ce niveau apparaît toutefois très lacunaire. En effet, les quelques recherches qui ont pris le parti d'examiner le rapport entre l'attention, la mémoire de travail et la compréhension d'une L2 se limitent essentiellement à l'observation du fonctionnement d'apprenants confrontés à des sources écrites. Qui plus est, ces recherches s'appuient notamment sur les langues non tonales, comme l'anglais (Ciccarelli et al., 2019 ; Ding et Simon, 2012 ; Mesgarani et Chang, 2012), le néerlandais (Das et al., 2018), l'allemand (Bleichner et al., 2016). En ce qui concerne le chinois, les travaux portant sur la compréhension de l'oral sont récents et très peu nombreux. Parmi les plus aboutis, nous citons ceux de Guo (2014, 2020), qui a étudié le rôle du vocabulaire et les effets de la formation hybride et de l'apprentissage interactif pour améliorer la compréhension de l'oral chez les apprenants francophones. Au niveau méthodologique, Guo a observé les comportements langagiers d'apprenants par le biais d'enregistrements vidéo ou sonores et entretiens introspectifs, nous léguant des résultats intéressants. À présent, nous pouvons toutefois constater que nous manquons de données en mesure de nous renseigner sur la dimension phonologique et prosodique d'accès au sens ainsi que sur les mécanismes psychologiques et cérébraux qui sous-tendent les processus cognitifs de compréhension de l'oral en chinois L2. Méthodologie et supports Ce projet de thèse se situe dans la continuité de deux missions de recherche, financées par le laboratoire LiDiLEM (janvier-juin 2023), qui ont permis d'amorcer la constitution et la catégorisation d'un corpus des textes oraux en chinois, collectés à des fins d'évaluation diagnostique de compétences langagières mobilisées en compréhension de l'oral. Lors de ces deux études liminaires, nous avons confronté un public d'apprenants francophones de chinois de niveau A2 acquis (28 apprenants) à la compréhension de ce premier corpus des textes oraux, sans aucune médiation de l'écrit. Nous avons ensuite entamé l'observation des processus de perception et des stratégies de compréhension qui s'en dégagent, puis sélectionné des extraits les plus pertinents afin d'alimenter un premier corpus de textes à didactiser, nécessaire pour mener à bien le plan expérimental que prévoit la thèse. L'étude doctorale envisagée est une étude de type longitudinal qui se propose d'examiner les effets de l'entraînement auditif et du contrôle attentionnel auditif auprès d'un échantillon d'apprenants francophones (N 40) répartis en 2 groupes (groupe contrôle, G1 et groupe test, G2), d'un âge compris entre 18 et 30 ans, et ayant atteint un niveau A2.1, A2.2 en CLE. Le groupe test suivra pendant une année l'entraînement au décodage et au traitement de matériaux sonores de différents types (textes audio et audio-visuels), en chinois, avec une focale sur l'accentuation, l'intonation et rythme du chinois. Les attitudes, les compétences et les performances des sujets en matière de compréhension orale, seront collectées tout au long d'une année académique suivant des protocoles méthodologiques relevant à la fois des sciences du langage et des sciences cognitives. Sur le plan méthodologique, en ce qui concerne l'approche didactique, nous entendons confronter notre public à un corpus de textes oraux en chinois (ressources authentiques). Le corpus textuel constitué sera étiqueté selon les catégories suivantes : niveau du CECRL ; typologie textuelle (« type de discours dominant » et « genre de texte ») ; traits linguistiques saillants (marques lexicales, morpho-syntaxiques, phonologiques, prosodiques). Les textes devront respecter en outre les critères suivants : durée comprise entre 60 et 180 secondes ; très bonne qualité sonore ; absence d'éléments qui pourraient représenter des biais de compréhension (i.e. implicites socio-culturels et pragmatiques, variations diatopiques, diaphasique ou diastratiques très marquées). Les tâches de compréhension proposées s'appuieront sur une série d'outils numériques d'aide à la compréhension de l'oral conçus et réalisés dans le cadre du projet IDEFI Innovalangues (ANR-11-IDFI-0024, Masperi, 2011), intégrés dans une plate-forme[ Learning Management System (LMS) Claroline Connect] et testés lors d'une série d'études exploratoires menées en situation écologique (Masperi et al. 2019, Biagiotti et Quaranta, 2020 ; Masperi et al., 2020 ; Masperi et al., 2021 ; Marcoccia, 2022). Leurs fonctionnalités ont été conçues afin de permettre aux apprenants d'extraire et de traiter en autonomie, avec un certain degré d'aisance, la matière phonique signifiante exprimée dans un flux sonore authentique. Un de ces outils en particulier – dénommé outil de Bornage Libre[ Illustration du Bornage Libre : https://innovalangues.univ-grenoble-alpes.fr/former-et-se-former/enpa/outils- innovants-pour-la-comprehension-de-l-oral/bornage-libre-671313.kjsp?RH=1584455890230] – permet à l'auditeur de sélectionner une ou plusieurs zones à l'intérieur d'un extrait sonore présenté sous la forme d'un oscillogramme et de mettre en surbrillance (borner) directement sur la forme d'onde les éléments qui déclenchent des réactions cognitives et métacognitives lors du processus d'écoute-compréhension. Il peut s'agir d'éléments langagiers qui entravent ce processus ou au contraire qui le facilitent. L'auditeur a en outre la possibilité de préciser la nature de l'obstacle rencontré à l'aide d'un champ « commentaire » (cf. Masperi et al., 2020). Dans notre travail de thèse, nous entendons utiliser cet outil de bornage afin de mieux identifier et comprendre des zones de résistance rencontrées dans les documents audio-visuels proposés. Par ailleurs, des entretiens d'auto-confrontation à partir des tâches didactiques réalisées seront menés afin de questionner les apprenants au sujet des difficultés rencontrées et d'explorer plus en profondeur leurs stratégies cognitives et métacognitives. Nous nous posons notamment les questions de recherche suivantes : 1.Quelle est la nature des ancrages qui sont utilisés pour accéder au sens ou faire des hypothèses de sens ? 2.Observe-t-on le recours à des indices de sens de type suprasegmental ? Si oui, de quelle nature et à quelle occasion ? 3.Quels sont les obstacles rencontrés ? Pour ce qui est de la mesure des processus cognitifs, la méthodologie expérimentale s'appuiera sur différents outils et protocoles. A.Mesure du profil cognitif Tout d'abord nous souhaitons évaluer les fonctions exécutives grâce à La BRIEF-A (Behavior Rating Inventory of Executive Function) visant à repérer, dans une perspective écologique, les différentes facettes du fonctionnement exécutif des adultes à travers leurs répercussions dans la vie quotidienne. Elle se compose de 75 items répartis en 9 échelles cliniques recouvrant l'ensemble des fonctions exécutives. Les 9 échelles cliniques permettent d'obtenir un score composite exécutif global et deux indices spécifiques. Le score composite exécutif global (CEG), prenant en compte l'ensemble des échelles, offre une mesure résumée du dysfonctionnement cognitif. Les deux indices spécifiques renvoient aux deux grands champs des processus exécutifs : la régulation comportementale (IRC) et la métacognition (IM). Ensuite, nous évaluerons la production du langage et la mémoire sémantique et le niveau cognitif général. Nous utiliserons des tests validés dans la littérature scientifique (production du langage : Tran et Godefroy, 2011 ; Cardebat et al., 1990 - mémoire sémantique : Tran et Godefroy, 2011; Deltour, 1993; Laurila, 2007 niveau cognitif général ; test MMSE-Mini Mental State Examination). Les scores à ces tests seront transformés en scores composites (composés de différents tests) permettant d'avoir un indice sur les mécanismes de production des mots, de connaissances sémantiques -vocabulaire, et de flexibilité, inhibition, et mémoire de travail afin d'homogénéiser le profil dans chacun des groupes. B.Mesure objectives : prise de décision, Mémoire de travail et contrôle attentionnel pour la compréhension La recherche sur le processus de traitement des mots écrits et parlés se fait généralement par le biais d'expériences dans lesquelles les participants prennent une décision en appuyant sur une touche pour un stimulus donné. Même si toutes les variables lexicales et sublexicales connues sont contrôlées, les mesures des temps de réaction généralement utilisées dans la tâche de décision lexicale visuelle ou auditive ne fournissent des données que sur le moment où les participants ont pris leur décision, mais pas sur les processus qui y conduisent (Chen et al., 2015). Récemment, des techniques expérimentales ont été explorées dans lesquelles les réponses ne sont pas données par une pression sur une touche, mais plutôt par un mouvement dynamique, comme pointer vers une zone de réponse avec une souris d'ordinateur (Erb et al., 2016). Ainsi, les variables et les processus qui ont un impact sur la prise de décision apparaissent dans les propriétés des trajectoires dynamiques des mouvements de réponse (Erb et al., 2021). Dans une étude typique de ' mouse tracking ', les participants commencent un essai en cliquant sur un champ situé au centre inférieur de l'écran de l'ordinateur. Un stimulus cible est affiché au centre de l'écran et les réponses sont indiquées en déplaçant la souris et en cliquant sur l'une des deux boîtes de boutons de réponse, généralement situées en haut à gauche et en haut à droite de l'écran. La position de la souris est enregistrée en continu pendant les essais et des mesures telles que le temps d'initiation (intervalle en ms entre le moment où le participant clique sur le champ de la boîte START et le début du mouvement de la souris), le temps de réaction (intervalle en ms entre la présentation du stimulus et la réponse) et la courbure de la trajectoire de la souris elle-même sont calculées. Lin et al. (2023) ont utilisé une tâche de mouse tracking et montrent que les bilingues chinois-anglais utilisent à la fois des phonèmes et des syllabes pour reconnaître les mots anglais, mais qu'ils se fient exclusivement aux syllabes pour reconnaître les mots chinois, ce qui suggère qu'il existe une certaine flexibilité dans la sélection des unités phonologiques lors de la reconnaissance des mots parlés dans les deux langues permettant de mettre en évidence les implications pour les modèles de reconnaissance orale monolingue et bilingue. L'hypothèse sous-jacente est une différence d'initiation de la réponse, de courbure et de temps de réponse est attendue entre les groupes selon l'approche didactique considérée. Concernant la mémoire de travail et le contrôle attentionnel, nous souhaitons mesurer les performances (Temps de réponse et erreurs), nous allons tester l'effet de l'approche didactique sur ces deux processus grâce respectivement à une tâche de N-Back visuel et auditif mesurant la mémoire de travail auditive et visuelle et une tâche de go/nogo mesurant le contrôle attentionnel visuel et auditif. L'intégralité de ces tâches sera effectuée en chinois mais également en français afin de contrôler l'influence éventuelle de facteurs en plus de l'approche didactique. C.Mesures pour la production : Le développement des compétences en production sera évalué au moyen du DCL, Diplôme d'état de Compétence en Langues[ Le Diplôme de compétence en langue est une certification nationale française qui « atteste les compétences acquises en langue de communication usuelle et professionnelle » (https://www.education.gouv.fr/le-diplome-de-competence-en-langue-dcl-2978 ), adoptant une approche communic-actionnelle et prévoyant un scénario comme support d'évaluation des compétences (Bourguignon 2006 : 68).], déclinés dans les 5 niveaux du Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues (CECRL) : A2, B1.1, B1.2, B2 et C1. Le candidat est ici amené à accomplir différentes épreuves - ou « tâches » - afin d'évaluer l'efficacité de sa communication pour mener à bien la mission donnée et la qualité linguistique de sa prestation. D.Mesures subjectives : perception de la difficulté (difficulté objective et difficulté perçue) pour la production et la compréhension Nous nous intéresserons à la perception de la difficulté et distinguerons d'une part la difficulté estimée, c'est-à-dire une évaluation des exigences réalisée avant toute tentative de réalisation de la tâche qui reposerait sur des processus de jugement, basés sur l'expérience antérieure, directe ou vicariante, et la difficulté perçue proprement dite, renvoyant à une évaluation a posteriori. Ces difficultés seront évaluées à l'aide de l'échelle DP-15 (Delignières, Famose & Genty, 1994) construite selon les principes de la RPE scale de Borg. L'hypothèse sous-jacente est une différence sur la perception de la difficulté en fonction de l'approche didactique utilisée. Hypothèses et résultats attendus Dans le droit fil des recherches menées par Collet et al. (2014), nous considérons qu'un entraînement soutenu à la mobilisation de stratégies adéquates en compréhension de l'oral, et notamment d'une attention portée de manière stable vers l'objet de la tâche – le décodage du matériau sonore – pourra profiter non seulement au développement de l'habileté réceptive en L2, mais plus largement à tout processus cognitif engagé lors d'une activité d'apprentissage. Plus précisément, les hypothèses de travail posées, à ce stade de la réflexion, sont les suivantes : [1]Du fait du travail immersif proposé en compréhension de l'oral, le groupe expérimental, obtiendrait de meilleurs résultats que le groupe contrôle dans des tâches réceptives qui relèvent de l'oralité. [2]Un entraînement principalement axé sur la réception de l'oral se répercuterait également favorablement sur la production orale. Le groupe expérimental suivant un entraînement fortement axé sur la compréhension de l'oral aurait de ce fait de meilleurs résultats que le groupe contrôle dans des tâches de production orale. [3]Lorsqu'on acquiert rapidement un certain degré d'aisance dans une compétence langagière, on gagne en engagement, en plaisir, en estime de soi. Ce cocktail motivationnel impacterait le sentiment d'efficacité personnel au-delà des habiletés orales réceptives ciblées. De ce fait, et malgré un très faible input langagier dans les habiletés langagières relevant de l'écrit (compréhension et en production de l'écrit) le groupe expérimental développerait un sentiment d'efficacité personnel équivalent au groupe contrôle en compréhension et en production de l'écrit, bien qu'il s'agisse d'activités très faiblement sollicitées au cours de la formation. Par son échafaudage interdisciplinaire, cette thèse soulève des questions de recherche et met en synergie des protocoles expérimentaux novateurs en didactique des langues, tant sur le plan du fonctionnement de l'attention auditive et de la mémoire de travail pendant l'écoute d'une L2, qu'au niveau des stratégies mobilisées en compréhension de l'oral en L2. L'analyse des données linguistiques et cognitives recueillies devrait permettre d'éprouver les hypothèses posées et d'alimenter en retour des questionnements ouvrant la voie à d'autres études interdisciplinaires dans les domaines concernés. Au plan didactique, les supports élaborés et les résultats obtenus pourront être réinvestis dans la conception de la composante diagnostique de SELF-mandarin[ Le test SELF mandarin a été conçu dans le cadre du projet Innovalangues (Cervini et Masperi, 2021). C'est un test de positionnement informatisé et autocorrectif, dédié à l'évaluation des compétences de communication en se référant aux descripteurs du CECRL. Il est valorisé par Floralis.], en apportant à ce dispositif d'évaluation formative une réelle valeur ajoutée qualitative, et contribuant ainsi également à la qualité de l'enseignement et de l'apprentissage de la compréhension de l'oral en chinois. Par ailleurs, le corpus de textes servant de support à la recherche, issu d'analyses linguistiques contrastives entre le français et le chinois, devrait plus largement contribuer à alimenter l'outillage didactique existant dans les filières de spécialité et lansad (langues pour spécialistes d'autres disciplines). Les questions soulevées se situent au carrefour entre psychologie, cognition, linguistique et didactique et se rencontrent précisément sur le terrain des langues et du langage. Les liens entre les processus cognitifs individuels (la mémoire de travail, l'attention) mobilisés dans l'exécution de tâches de compréhension, le langage (la compréhension de l'oral d'une langue tonale) et l'approche didactique mise en œuvre (les entraînements auditifs) restent largement à explorer. Tout progrès décisif dans ce domaine sera donc le résultat d'une approche interdisciplinaire ambitieuse, d'une confrontation théorique et méthodologique féconde en sciences humaines, portant sur des processus acquisitionnels et répondant à des défis en matière de cognition.