Thèse en cours

Représentations de la Chine au XXe siècle : Lucien Bodard et Han Suyin

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Auteur / Autrice : Yuhao Yang
Direction : Yvan Daniel
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Littératures comparées
Date : Inscription en doctorat le 01/11/2021
Etablissement(s) : Université Clermont Auvergne (2021-...)
Ecole(s) doctorale(s) : Lettres, Langues, Sciences humaines et Sociales
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre de Recherches sur les Littératures et la Sociopoétique

Résumé

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Contexte La représentation de la Chine par l'Occident remonta bien loin dans l'histoire : au XIIIe siècle, les récits de voyage de Jean de Plan Carpin et de Marco Polo créèrent un paradoxe oriental; des siècles plus tard, le mythe charmant propagé par les prêtres jésuites venus en Chine servirait à l'inverse d'arme aux penseurs des Lumières pour résister à l'oppression d'église; au fur et à mesure du changement du rapport de force entre l'Occident et la Chine au XIXe siècle, l'attitude occidentale envers la Chine qui avait été inconstante et complexe se transforma définitivement en une sinophobie ... Entre la réalité et la fiction, l'amour et la haine, à aucun moment l'image de la Chine ne se fige, jusqu'au XXe siècle de nombreux lettrés ne cessaient d'en donner une luxuriante imagerie. Cet autre univers complexe et riche a de même ensorcelé Lucien Bodard et Han Suyin. Ce projet apportera, à l'aide des théories et des méthodes imagologiques, une étude comparative sur les représentations chinoises chez Bodard et Han. D'origine chinoise et belge, Han Suyin, qui écrit en anglais et en français et dont la création est étroitement liée à la Chine, à la révolution chinoise et au peuple chinois, occupait une place importante dans l'imaginaire chinois des Occidentaux à l'époque; Bodard, ayant passé son enfance en Chine tout en suivant son père qui était Consul de France à Chengdu, de son expérience d'enfance et de sa carrière du grand reporter, a tiré une connaissance profonde de la réalité chinoise. Ces deux écrivains, tous nés en Chine au début du XXe siècle, ont représenté la Chine en divers genres littéraires, élaborant des images particulières, souvent différentes et parfois même opposées : la Chine est considérée chez Bodard comme « une excellente matière romanesque » , alors que celle de Han montre « un chaos fertile, une polyphonique coexistence des contraires » . En mettant dans la création leurs propres expériences et émotions, ils dépeignent tous la Chine aux diverses époques : pour la Chine sous la dynastie des Qing, on a des romans comme La Vallée des roses et The Enchantress; pour la Chine républicaine, Monsieur le Consul, Le Fils du Consul, Destination Chungking et Till Morning Comes; et pour la Chine communiste, Les Dix Mille Marches, Le Chien de Mao et A Many-Splendoured Thing. Et leurs œuvres d'autres genres, tels que reportage, autobiographie et essai, etc., nous permettent aussi d'examiner à nouveau la limite entre le réel et l'imaginaire, esquissant le contour changeant des images chinoises. Bref, cette étude comparative concernant les représentations chinoises contribuerait aussi bien à la recherche générale sur celle de la Chine comme Autre dans la littérature occidentale du XXe siècle, qu'à un retour réflexif sur la construction du Moi qu'est l'Occident. Problématique Ce projet résoudra les questions suivantes de trois niveaux : 1. Quelles images de la Chine Bodard et Han décrivent-ils ? Quels sont les éléments constitutifs de ces images et comment classer ces dernières ? 2. Pour la Chine en même phase historique, quelle est la différence entre les images de Bodard et celles de Han ? Existe-t-il la similitude entre ces images synchroniques ? 3. Quel est le mécanisme d'élaboration de diverses images ? Quels facteurs engendrent la différence ou la similitude éventuelle entre ces images synchroniques ? Hypothèse 1. Après l'analyse rudimentaire des ouvrages, il est évident que les créations des deux écrivains n'ont pas totalement suivi la chronologie des faits, pourtant, force est de constater l'influence des vicissitudes historiques sur cet Autre regardé, autant dire, sur la partie réelle de l'image chinoise élaborée. Par conséquent, je me permets de classer, par la chronologie des faits, les images en trois phases : la Chine impériale, la Chine républicaine et la Chine communiste. Et l'image chinoise de chaque phase devrait être déconstruite en deux niveaux :  Niveau micro, comprenant le groupe d'images du peuple (comme paysans, lettrés, ouvriers, chrétiens, révolutionnaires, etc.) et celui du dirigeant (comme famille impériale mandchoue, seigneurs de guerre, gouvernement nationaliste, gouvernement populaire centrale, etc.)  Niveau macro, comprenant la vie matérielle des Chinois et la vie spirituelle des Chinois 2. Si tant est que la première hypothèse soit admissible, il existe en effet une certaine comparabilité entre les images représentant la Chine de la même période, par exemple, à la Chine républicaine, Bodard a consacré deux romans autobiographiques, aussi bien que Han, deux romans et trois volumes d'autobiographie. L'étude sur la différence ou la similarité éventuelle d'images devrait s'établir essentiellement sur la comparaison synchronique. 3. En fonction de la notion de l'image littéraire définie par Henri Pageaux , en analysant le mécanisme d'élaboration des images chinoises, il faut prendre en considération la recherche sur le Je, autant dire, sur l'auteur et ses œuvres, notamment sur la personnalisation de l'auteur sans s'écarter de l'imaginaire social. Conséquemment, je présume que l'élaboration d'image est déterminée par les facteurs suivants : • Du côté de l'imaginaire : le contexte historique, social et culturel et l'ensemble d'idées et de sentiments du public. • Du côté du Je : la biographie de l'auteur (comme situation de famille, état d'esprit, expérience personnelle, sens moral et religieux et opinion politique, etc.); la relation avec l'imaginaire, soit la position du sujet sur l'axe de la conscience fascinée et de la conscience critique ; les intentions d'écriture (comme pour exprimer la Chine, décrire une expérience personnelle, et satisfaire les désirs culturels de l'auteur, etc.) et le langage d'écriture. Méthodologie : Inspiré par les études des chercheurs tels que Pierre Brunel, Jean-Marc Moura, Daniel-Henri Pageaux, et Meng Hua, etc., qui ont offert l'outillage théorique de cette étude, l'analyse mettra l'accent sur trois dichotomies : Sujet et Objet : « Je regarde l'autre, mais l'image de l'Autre véhicule aussi une certaine image de moi-même. » L'image de l'étranger n'est pas la copie simple de la réalité, elle doit être étudiée dans l'interaction du Je et de l'Autre. L'image de la Chine est de même le miroir reflétant l'univers spirituel de l'écrivain, c'est particulièrement le cas pour Han, d'origine chinoise, qui traduit l'image d'elle-même tout en représentant celle de la Chine. Intérieur et Extérieur : L'analyse intérieure du texte est la base de cette étude, elle répondra à une question élémentaire : « Quelle est l'image littéraire dans une œuvre ? » Elle se développe à partir des trois dimensions : « le mot, la relation hiérarchisée et le scénario » . La recherche extérieure du texte se focalisera aussi bien sur les lignes de force, autant dire, le contexte historique, politique et culturel où se situe l'élaborateur d'images, que sur la relation complexe entre l'image élaborée et l'imaginaire (Rappelons les foudres du milieu intellectuel parisien qu'ont attiré à l'époque les deux livres de Bodard : La Chine de la douceur et La Chine du cauchemar). Schématisation et Description : L'étude sur l'image chinoise chez Bodard et Han sera un processus bivalent : d'une part, il est inévitable d'abstraire et de résumer diverses images ; d'autre part, il ne faut négliger aucun détail qui indique la différence. La schématisation aidera à révéler la similarité d'images, mais elle doit être limitée et modérée sans détruire les particularités que possède l'objet de recherche. Ainsi, pour garder la plénitude de l'image, la méthode descriptive sera également appliquée. Apport de la thèse Ce projet apportera trois contributions principales aux recherches comparatistes : premièrement, l'étude sur Lucien Bodard, grand reporter et écrivain français, enrichira l'étude de la représentation de la Chine dans la littérature occidentale du XXe siècle et apportera une manière de réfléchir sur la construction de la propre image de l'Occident à l'époque; deuxièmement, celle sur Han Suyin répondra à la question de l'auto-construction de l'image par l'écrivain d'origine chinoise qui défend souvent sa patrie à l'étranger et sert parfois de fenêtre par laquelle se voient la Chine et l'Occident; enfin, l'étude comparative des représentations chinoises d'un écrivain français et d'une écrivaine d'origine chinoise possédant tous l'expérience chinoise à la même époque, permettra d'éclaircir le mécanisme d'élaboration d'image dans la littérature française occidentale.