La gauche italienne et la guerre d'Algérie, entre mémoire de la Résistance et « invention de la décolonisation » : réseaux de soutien, circulations intellectuelles et identités politiques en mutation (1954-1968)
Auteur / Autrice : | Nicola Lamri |
Direction : | Frédéric Attal, Patrizia Dogliani |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Histoire et civilisations : histoire des mondes modernes, histoire du monde contemporain, de l'art |
Date : | Inscription en doctorat le 01/11/2021 |
Etablissement(s) : | Valenciennes, Université Polytechnique Hauts-de-France en cotutelle avec Université de Bologne |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale polytechnique Hauts-de-France (Valenciennes, Nord ; 2021-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Laboratoire de recherche sociétés et humanités (Valenciennes, Nord ; 2021-....) |
Mots clés
Mots clés libres
Résumé
En 1964 Pier Paolo Pasolini publie le recueil Poesie in forma di rosa dont la quatrième section est intitulée Libro delle croci. La « Nouvelle histoire », prend ici la forme des villes industrielles du nord d'Italie, en pleine expansion pendant les années du boom économique ; elle est juxtaposée à une Prophétie : le protagoniste du poème c'est Ali aux yeux bleus, débarquant d'Alger en Calabre, il apporte avec lui les germes d'une nouvelle révolution. L'Europe entière en sera saisie. L'allusion christologique de Pasolini s'accompagne d'une sorte de prosopopée de la révolution, où la lecture des textes élaborés par les penseurs anticolonialistes émerge avec force. L'onde de choc provoquée par la montée des mouvements insurrectionnels qui bouleverse les territoires des empires européens au crépuscule aurait, selon l'auteur, un effet cathartique, susceptible de donner un nouvel élan à l'histoire des classes subalternes. L'indication pasolinienne n'est pas un hasard. Son poème n'est qu'un exemple de la myriade de liens, de relations et de transferts politiques et culturels déclenchés à partir du conflit algérien entre Rome, Paris et Alger. Un enjeu de nature méthodologique relève de ce constat. La possibilité de relire l'histoire de la guerre d'Algérie sous l'angle des circulations et des contaminations transnationales ouvre à des hypothèses potentiellement fertiles et originales par rapport au cadre interprétatif actuel, qui reste fortement connoté par une approche « nationale », ou « binationale » de l'analyse du conflit. L'histoire des hybridations à l'échelle transnationale se situe au centre de notre perspective historiographique. Les acteurs historiques, pensés en tant que passeurs, sujets capables de franchir les frontières politiques, culturelles et sociales de leur époque, font l'objet de notre réflexion, au-delà du domaine de l'histoire des relations internationales. L'analyse de l'aspect transfrontalier de la lutte de décolonisation algérienne se révèle décisive à des fins d'une interprétation autant que possible holistique et globale du conflit. L'Italie en est l'emblème. Dans la Péninsule, les échos de la guerre s'accompagnent d'espoirs suscités par l'émergence d'un nouveau front révolutionnaire situé dans l'espace en formation de ce qu'on a appelé un temps Tiers-monde. Le résultat, c'est l'importation à différentes échelles de la question algérienne, avec des conséquences multiples et variées. Réseaux de soutien pendant les années de guerre, formes de circulation éditoriales, politiques et militantes, réinterprétation du discours anticolonial dans le sillage de l'expérience de la Résistance populaire au nazi-fascisme, formes de coopération avec la nouvelle réalité étatique algérienne créée à la suite des accords d'Évian, en 1962 : l'analyse de la réception de la guerre d'Algérie au sein de la gauche italienne nous permet de lire sous un angle nouveau cette page fondamentale du processus de décolonisation. Un « ailleurs » qui croise la Méditerranée, en alimentant, dans la Péninsule, les fantasmes d'un nouveau cours révolutionnaire possible. De là, un certain nombre de questions préliminaires. Désenchaînée du simple cadre binational des relations franco-algériennes, l'analyse historique du conflit peut élargir sa perspective et ouvrir à des hypothèses inédites. À quel niveau la galaxie de la gauche italienne est-elle impliquée dans la solidarité à la cause de l'indépendantisme algérien ? Quelles sont les conséquences sur le plan des identités politiques dans la triangulation Alger-Paris-Rome ? Enfin, quel espace de réflexion historiographique est-il possible de retracer grâce à la translation des axes du conflit franco-algérien sur un plan qui semble donner sur la perspective Méditerranéenne, par le jeu des alliances propres à la Guerre froide ?