Genius Loci - Portrait en creux
Auteur / Autrice : | Paulina Drozdz |
Direction : | Eric Chauvier |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Architecture |
Date : | Inscription en doctorat le 01/10/2022 |
Etablissement(s) : | université Paris-Saclay |
Ecole(s) doctorale(s) : | Sciences Sociales et Humanités |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Laboratoire de recherche de l'Ecole nationale supérieure d'architecture de Versailles |
Référent : Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines |
Mots clés
Résumé
Tentative d'épuisement de l'objet en cherchant sa déclinaison disruptive contemporaine. Genius loci, expression plus ancienne que la culture occidentale, paradoxalement aussi surexposée que sous-exposée, se trouve désormais au centre de la réflexion sur sa nature. Sa nature non scientifique nécessite toutefois une maîtrise du pouvoir évocateur d'un phénomène. Sa nature immédiate, mais basée sur une temporalité dépassant la génération d'un homme. Sa nature abstraite revendique des réactions concrètes. Ayant été confrontée aux nombreux changements de paradigmes à travers les époques, elle représente tout aussi bien un concept passe-partout qu'une énigme non suffisamment problématisée. Un thème qui nous échappe mais qui semble pouvoir imposer une pause dans la course quotidienne anesthésiante. Tout comme Walter Benjamin ne décrit et ne définit pas le concept d'aura tant qu'il remarque qu'elle décline, notre motivation pour chercher une déclinaison plus dynamique du genius loci, ne serait-elle pas conditionnée par son étiolement présumé dans la modernité d'aujourd'hui ? Ou encore par la confusion quant à son héritage, son rôle, sa nature, son existence ? Cette obscurité est pourtant notre rédemption. Quel est donc réellement le contexte qui accompagne cette recherche? S'agirait-il pas d'un déclin de la modernité, jadis encensée, en faveur d'un retour à l'essentiel, à l'unique, à l'authentique, à l'échelle humaine, aux valeurs adaptées aux enjeux environnementaux et aux défis sociaux ? À l'époque où l'on est accablé par les conséquences de la vitesse et de la quête incessante de profit, genius loci resurgit et peut tenter de redonner un peu de sens à ce vide saturé des stimuli. Il peut remettre en question les horizons du sensible face aux limites atteintes de « l'homo conomicus » . Puisque de manière élémentaire, « Ça nous arrive d'être ému » . Cela nous arrive d'être ému par une âme d'un lieu. Cela arrive à un lieu de sembler avoir une âme. Mais une âme dans notre imaginaire moderne est créée par l'homme. Ainsi, c'est lui qui semble conférer une âme à un lieu à travers le palimpseste de son vécu temporel, comme inscrit en filigrane. C'est également désormais à lui de se mettre en quête d'une signification déclinée de la conception pour la faire revivre. Les interrogations sur la nature inexplicable et difficilement saisissable de genius ne pourront néanmoins que difficilement être écartées. Nous nous trouvons toujours naturellement tiraillés entre deux approches envers sa faculté poétique : une approche « romantique » qui nous fait attribuer au genius des qualités anthropomorphiques pour mieux le placer dans notre imaginaire du monde; et une approche pragmatique, rationnelle, du genius en tant qu'une fiction suggérée à l'homme par l'histoire émanant du lieu - une mise en scène, une sublimation de la vérité. Genius restera toujours teinté par cette marge de l'interprétation en tant qu'un phénomène qui « se trouve bel et bien toujours entre l'être et le non-être ». Une « apparition incertaine» 5, comme Giacometti humblement décrivait sa propre existence. Face à cette nature incertaine, l'existence du genius est une existence de néant. La notion sera confrontée aux concepts opératoires qui nous permettront de saisir en partie sa nature insaisissable. Nous la transplanterons dans la modernité afin de la mettre en tension avec les enjeux de l'anthropocène. Cette mise en perspective s'évertue à découvrir une déclinaison contemporaine de la notion étudiée en quête de l'authentique. Vraisemblablement, le désir d'une reproduction décrit par Benjamin - l'élément déclencheur d'une réflexion - a désormais laissé sa place au désir de l'unique - une nuance en accord avec la nature individualiste de notre société. D'autant plus, ne serait-ce pas grâce à sa faculté de l'unique que l'expression a survécu des siècles ? La dimension authentique de la nature du genius loci semble lui donner un avantage capital de pouvoir dépasser les corps, même les corps des générations et des époques entières.