Thèse en cours

L'idée de commune dans les mouvements sociaux et les théories critiques

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Auteur / Autrice : Killian Martin
Direction : Marion Carrel
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Sociologie et démographie
Date : Inscription en doctorat le 01/09/2021
Etablissement(s) : Université de Lille (2022-....)
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences économiques, sociales, de l'aménagement et du management
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre de Recherche Individus, Épreuves, Sociétés

Mots clés

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Résumé

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Au cours des deux dernières décennies, des mouvements sociaux aux répertoires d'action et aux bases sociales extrêmement diverses ont manifesté des tendances communes. Les ZAD, les mouvements des places, les initiatives municipalistes et une partie du mouvement des gilets jaunes ont notamment en commun de tendre vers une relocalisation du politique qui est aussi une « repolitisation du local » (Jeanpierre, 2019), de mobiliser des formes de politique préfigurative et de délaisser les questions de production pour se focaliser sur celles liées à la reproduction. En relativisant l'action à l'échelle nationale au profit d'un fort ancrage local et de nouvelles formes d'internationalisme (Kokoreff 2021), en ayant recours à des pratiques militantes habituellement associées à la tradition libertaire (mandat impératif, action directe, assembléisme, rejet de l'électoralisme à l'échelle supra-locale) ces mouvements sociaux ont ouvert des espaces de mobilisation fortement hétérogènes à ceux du champ politique institutionnel. L'idée de commune s'est progressivement imposée comme un thème central autour duquel s'organisent les convergences et les tensions au sein de cet imaginaire politique fragmenté (Mouvements, n°101 ; Terrains/Théories, n°13). Si la commune des municipalistes (Colau & Bookchin, 2019 ; Durand Folco, 2017) n'est pas celle des militants autonomes (Comité invisible, 2007) ces conceptions entrent régulièrement en contact et s'hybrident, sur les places occupées notamment mais aussi dans les mouvements étudiants, le processus d'Assemblée des Assemblées des gilets jaunes et dans les listes citoyennes en particulier rurales. Elles puisent par ailleurs à des sources communes : le communalisme de Murray Bookchin, les mémoires des communes médiévales et des communes insurrectionnelles des XVIIème et XVIIIème siècle, les théories des communs ou encore la réception des expériences contemporaines du Chiapas et du Rojava. Aujourd'hui, le cycle des mouvements des places semble clos. L'emblématique ZAD de Notre-Dame-des-Landes a perdu une part de sa raison d'être et de sa combativité en gagnant la lutte contre l'aéroport. Le mouvement des gilets jaunes n'existe plus que sous la forme de réseaux informels et hétérogènes sporadiquement réactivés. Les listes citoyennes élues semblent prises dans d'importantes contradictions (Faburel, Giard, 2020). Se pose alors la question de la durabilité de cet imaginaire politique alternatif. La réémergence d'un discours militant sur l'idée de commune et les mouvements qui la mobilise ne constituent-ils qu'une parenthèse libertaire, les signes d'un bref renouveau de l'imaginaire utopique (Pessin, 2001) autour d'un thème classique des traditions socialistes ? Nous faisons l'hypothèse que le succès contemporain de l'idée de commune ne repose pas uniquement sur la diversité de ses acceptions, sur un flou définitoire qui permettrait son appropriation par des composantes hétérogènes des mouvements sociaux. Nous supposons que la résurgence de cette notion et de ses implications théoriques et pratiques est liée à des dimensions fondamentales des nouvelles subjectivités militantes déterminées notamment par la décomposition des cadres classiques de mobilisation, par une évolution du rapport à la stratégie, ainsi que par le retour d'une lecture des problématiques écologiques à l'aune de la catégorie de catastrophe (Semal, 2019). Les théories et les pratiques à dimension communaliste pourraient donc avoir une place centrale dans les mouvements sociaux à venir et influer fortement sur leurs formes, leurs objets et leurs stratégies. Il est par exemple possible qu'elles participent de la diffusion de la stratégie de l'érosion identifiée par Erik Olin Wright. L'étude des modalités de diffusion de l'idée de commune et de son rôle dans les stratégies discursives militantes devrait à ce titre avoir une valeur heuristique pour comprendre les transformations en cours des modes de subjectivation politique et des formes de mobilisation.