Le lycée professionnel, interface entre inclusion et émancipation des élèves en situation de handicap.
Auteur / Autrice : | Anne-laure Piton |
Direction : | Aziz Jellab |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Sociologie |
Date : | Inscription en doctorat le 10/11/2022 |
Etablissement(s) : | Paris 10 |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Connaissance, langage, modélisation (Nanterre, Hauts-de-Seine ; 1992-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Groupe de recherche sur le handicap, l'accessibilité et les pratiques éducatives et scolaires |
Mots clés
Mots clés libres
Résumé
Titre proposé : Le lycée professionnel, interface entre inclusion et émancipation des élèves en situation de handicap. 1. Présentation Après un master en biochimie de l'alimentation et de la santé (université de Caen), j'ai obtenu le certificat d'aptitude au professorat de lycée professionnel en biotechnologies-santé-environnement en 2010 (académie de Bordeaux). J'ai enseigné en section d'enseignement général et professionnel adapté pendant six ans (académie de Versailles). Depuis 2017, j'enseigne au lycée professionnel Brossaud Blancho à Saint-Nazaire. En 2021, à la suite de l'obtention du certificat d'aptitude professionnelle aux pratiques de l'éducation inclusive, je suis affectée sur le poste de coordonnatrice d'unité localisée pour l'inclusion scolaire (ULIS) sur le même établissement. Cette nouvelle mission me permet d'observer le lycée professionnel sous un autre angle. 2. Contexte « Le lycée professionnel n'est pas une école ou alors, il ne s'agit pas d'une école comme les autres » (A. Jellab, 2017). Créé en 1985, le lycée professionnel, institution de formation professionnelle et scolaire, se voit aujourd'hui au centre des préoccupations des politiques gouvernementales qui ont pour objectif de valoriser la voie professionnelle en élevant le niveau de qualification des jeunes eu égard aux besoins économiques actuels. A la rentrée 2021, plus de 400 000 enfants en situation de handicap sont scolarisés en milieu ordinaire contre 321 500 en 2017, ce qui correspond à une augmentation de 19 % en 5 ans (handicap.gouv.fr). Le lycée professionnel forme 665 000 élèves. En 2017, 58 % des élèves en situation de handicap scolarisés au lycée étaient dans une voie professionnelle (direction de l'évaluation de la prospective et de la performance élèves en situation de handicap, 2020). En France, la Loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées du 11 février 2005 atteste de la volonté politique de scolariser les élèves en situation de handicap dans le milieu scolaire ordinaire et pas seulement dans le milieu spécialisé. Cette dernière est renforcée par la Loi d'orientation est de reprogrammation pour la refondation de l'école de la République le 8 juillet 2013 qui affirme dans l'un de ses articles que le service public d'éducation « veille à l'inclusion scolaire de tous les enfants, sans aucune distinction ». S'opère un changement radical de paradigme. « Ce changement de paradigme appelle alors une transformation des mentalités, des représentations et des manières usuelles de faire la classe. » (M. Toullec-Théry, Brissiaud, 2012). Accueillir un élève en situation de handicap appelle en effet un remaniement en profondeur des pratiques enseignantes, de leurs conceptions et de leurs méthodes de travail (Benoit, 2004), indispensable à la réussite de l'inclusion d'un élève : « Il ne s'agit pas d'être favorable à l'inclusion mais il faut changer ses habitudes d'enseignements » (M. Toullec-Théry, G. Moreau, 2020). « L'ambition inclusive bute, on le voit, sur l'extrême complexité des relations humaines et leurs contradictions » (Gardou, 2012). Nous pouvons observer le paradoxe sémantique de la notion d'inclusion au sein des lycées professionnels avec une ambivalence : d'un côté, l'ambiguïté inclusive (Gardou, 2017, Lansade, 2016) des élèves inscrits administrativement dans les dispositifs ULIS pour lesquels l'énonciation récente « Il ou elle va en inclusion » (Marie Toullec-Théry, 2020) apparaît avec régularité dans le discours des enseignants. Godefroy Lansade précise l'effet « pharmakon » de l'inclusion : entre le remède et le poison, rassurant et stigmatisant. De l'autre côté, les élèves en situation de handicap qui arrivent massivement, affectés par l'institution, dans les classes de certificat d'aptitude professionnel (CAP) faisant suite à une continuité de parcours de scolarisation de l'ULIS collège. En Loire-Atlantique, pour ces jeunes, la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) décide de l'orientation du jeune en CAP avec « soutien ULIS ». 3. Problématique : Le paradigme inclusif en lycée professionnel semble traduire la question d'une incertitude, d'une crainte, voire d'une perte d'identité des professeurs de lycée professionnel (PLP). La transformation de la voie professionnelle couplée à l'ambition inclusive (« objet à fort enjeu local », OFEL, Jean-Michel Perez, 2020), questionne le corps des PLP. La valeur du CAP semble avoir un avenir ambivalent : celui d'une interface entre l'inclusion et l'émancipation des élèves en situation de handicap et celui d'un diplôme dont l'institution souhaite valoriser la qualification. Ce projet d'étude a pour objectif de répondre à la problématique suivante : « Comment la thématique de l'inclusion s'est invitée en lycée professionnel ? ». En faisant l'hypothèse que cette problématique est métonymique de la question plus large de l'éducation inclusive et de l'inclusion des jeunes en situation de handicap dans la société, j'aimerais, au travers d'une approche ethnographique, déterminer les besoins et établir un diagnostic, en allant sur le terrain, du « phénomène inclusif » en lycée professionnel. J'émettrai plusieurs hypothèses : - L'orientation des élèves en situation de handicap et leur catégorisation vers des CAP « accessibles » risque d'être contre-productive à l'inclusion scolaire. - Les périodes de formation en milieu professionnel, aménagées pour les élèves en situation de handicap, interroge sur la valeur du CAP. - Inclure les élèves en situation de handicap dans les classes de CAP, dans le but qu'ils valident un CAP ou qu'ils obtiennent un portefeuille de compétences, suffit à les inclure dans la société. - Au travers de l'arrivée massive des élèves en situation de handicap, ces derniers « subissent » indirectement une pression de réussite de la part de la société. - La logique de réussite, injonction très forte des directives institutionnelles, pour atteindre dans les classes de CAP un taux de réussite proche de 100 %, va être contrariée par le paradigme inclusif. - La superposition des territoires, l'émergence d'inter-métiers, PLP, coordonnateur ULIS, accompagnants d'élèves en situation de handicap, éducateurs spécialisés, dans la classe participe à la perte d'identité des PLP. 4. Méthodologie Dans l'objectif de comprendre le phénomène inclusif en lycée professionnel dans ses aspects généraux et spécifiques, j'utiliserai les méthodes mixtes : exploration (méthode qualitative) et mesure (méthode quantitative).