Rendre tangible les états de la matière. Une recherche programmatique et opératoire par le design, des propriétés des matériaux à leur organisation.
Auteur / Autrice : | Antoine Tour |
Direction : | Jean-François Bassereau |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | SACRe, design |
Date : | Inscription en doctorat le 01/09/2022 |
Etablissement(s) : | Université Paris sciences et lettres |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Lettres, Arts, Sciences humaines et sociales (Paris ; 2010-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Sciences, Arts, Création, Recherche |
établissement opérateur d'inscription : École nationale supérieure des arts décoratifs (Paris) |
Mots clés
Résumé
Comment proposer une classification normée et sensible des matériaux et des procédés de mise en forme, à travers une méthodologie qui prenne en compte les différents états de la matière (propriétés, qualités, valeurs), dans le but d'accueillir des chercheurs, des étudiants et des industriels au coeur d'une institution culturelle publique qui favorise le partage de connaissances et consolide les rapports entre recherche et ingénierie, comme entre création et industrie ? Une matériauthèque classique se définit par la collection organisée d'un volume important de matériaux selon une hiérarchisation et un classement des connaissances afférentes à ceux-ci. Elle se construit selon une méthodologie de classement pertinente propre à stimuler le chercheur et déterminer comment l'information recherchée pourra être trouvée. En pratique, les critères de sélections des matériaux lors de l'élaboration d'un projet induisent la connaissance de l'ensemble des informations liées au matériau à commencer par une description complète de la matière, mais aussi d'informations à caractère pragmatiques et empiriques. La matériauthèque constitue donc un point de départ sous forme de base de données physique en vue de faciliter l'ensemble des recherches autour des matériaux. L'intérêt de qualifier les propriétés d'un matériau, et le recoupement entre les méthodes de classement est un des enjeux structurants de cette recherche. Mais il s'agit également de prendre en compte nos savoirs techniques et technologiques contemporains. Le second enjeu majeur de l'élaboration d'un outil matériauthèque complet est donc de pouvoir intégrer également dans cette base de données l'ensemble des procédés techniques praticables sur un matériau brut en vue d'obtenir plusieurs matériaux, qu'il s'agisse de procédés de transformation ou de finition, ainsi qu'un ensemble d'informations sur les qualités d'un matériau en fonction de ses usages et de son impact environnemental. Les capacités techniques et technologiques liées aux matériaux offrent aujourd'hui un panel élargi de potentialités que la matériauthèque se doit d'intégrer. Il est également possible de classer et sélectionner des matériaux selon des propriétés élaborées à partir des contraintes techniques d'un projet donné. Cette approche scientifique et logique de classification pourrait être qualifiée de « déductive » puisqu'elle déduit d'un problème technique sa méthode de résolution la plus effective. C'est le cas du diagramme de Ashby qui propose une classification orientée vers les performances d'un matériau. Mais, si l'on admet que la performance d'un comportement mécanique, thermique, énergétique ou du coût de production d'un projet ne soient pas les seuls facteurs déterminants, le rapport entre contrainte et risque devient insuffisant pour juger de la valeur d'un matériau. C'est notamment le cas lorsque l'on veut considérer une qualité sensible qu'elle soit visuelle, auditive, tactile ou olfactive. Une matériauthèque contemporaine devrait pouvoir confronter la terminologie technique propre à l'ingénierie à un vocabulaire sensoriel des matériaux. En construisant un processus qui ne vise pas uniquement à inventorier les états finis de la matière mais à la qualifier selon d'autres critères plus perceptifs, à travers l'élargissement de son statut à celui d'une matière à création, il devient possible d'inclure d'autres matières jusque-là écartées des matériauthèques. Si les matériauthèques spécialisées autour des enjeux écologiques ont déjà inventorié un certain nombre de matériaux et de procédés de fabrication innovants, la limite que l'on pourrait imposer à une matériauthèque incluant ces enjeux serait d'y exclure le vivant comme un matériau en soi, selon une multitude de potentialités biologiques afin d'éviter l'écueil d'un répertoire infini. En répondant à la fois au besoin structurel d'organiser la connaissance des matériaux et en élargissant la recherche à de nouveaux champs de mise en forme, il s'agit donc de proposer une méthode plus inclusive de classement permettant de repenser la façon de faire projet. Seront ainsi intégrées les typologies de matériaux issues de la chimie et de la biologie dans leur processus de transformation, comme les matériaux technologiques, qui peuvent avoir recourt à de nouvelles typologies de classement. Le système d'organisation de la matériauthèque s'ouvre à de nouvelles catégories de classement avec ses critères de similitude propres fondés sur des échelles qui permettent de discerner, nommer et mesurer les qualités et les propriétés de la matière. L'ensemble des typologies spécifiques des métiers de l'art et du design sont nécessaires afin d'établir un classement de la qualification des sens et permettent ainsi de structurer selon un vocabulaire bibliographique normalisé l'ensemble des données. Les lexiques spécifiques issus de l'artisanat et du patrimoine, qui situent le design au coeur des réflexions sur la matière seront au centre de cette recherche. En répondant à cette structuration, les matériaux sont susceptibles de faire naitre de nouvelles significations selon un fonctionnement relationnel et perceptif. Il s'agit donc de regrouper l'ensemble des informations autour des matériaux et de leurs procédés de mise en forme, en proposant une diffusion des savoir-faire et un partage d'informations institutionnalisé, selon une nouvelle méthode d'organisation normalisée et réplicable. La matériauthèque peut également constituer un support potentiel de communication sous forme de modération et d'échanges entre différents acteurs travaillant autour de la question des matériaux et de leur mise en oeuvre. Industriels, chercheurs, artisans, ingénieurs, et étudiants pourraient se servir de la matériauthèque comme un espace de réflexion partagé. L'espace du Campus MAD pourrait ainsi permettre de comparer les matériaux entre eux et donner la possibilité de mettre en forme des tests d'échantillonnage, favorisant la recherche et la création, entre l'atelier de mise en forme et la matériauthèque. Dans cette hypothèse, le présent projet de recherche devrait s'articuler en trois temps propres à la faisabilité de cette matériauthèque. En premier lieu il s'agira de confronter des approches méthodologiques différentes en dressant l'état de l'art issu de la recherche théorique autour de la relation entre matérialité et sensorialité, et en étudiant le mode de fonctionnement de différentes matériauthèques. Cette étude devra permettre de d'établir, à partir de méthodes d'évaluation des hypothèses pratiques et un classement confrontant les propriétés sensibles aux approches classiques provenant des sciences de l'ingénieur pour pouvoir les rendre complémentaires. Dans un second temps, il sera nécessaire de dresser un protocole d'historisation de la matière, de l'inventorier selon l'ensemble de ses étapes de mise en forme, en proposant le matériau non comme un élément fini mais comme un objet intermédiaire de conception. En mettant en place des scénarios pratiques, il sera possible d'induire une traçabilité des matériaux intégrant leur impact environnemental ainsi que les différents vocabulaires métiers. Enfin, il s'agira de mettre en place un espace physique commun comprenant l'environnement de recherche et la matériauthèque à travers un système de répertoires spatialisé, offrant la possibilité aux acteurs de se rencontrer dans un espace dédié à la création, à la sauvegarde du patrimoine et au partage des savoirs.