La littérature en langue picarde du 19e siècle
Auteur / Autrice : | Olivier Engelaere |
Direction : | Marie-Françoise Melmoux-Montaubin |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Littérature et civilisation françaises |
Date : | Inscription en doctorat le 01/11/2022 |
Etablissement(s) : | Amiens |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale en Sciences humaines et sociales (Amiens) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Centre d'études des relations et contacts linguistiques et littéraires (Amiens ; 2008-....) |
Mots clés
Mots clés libres
Résumé
Je me propose d'étudier la (re)naissance de la littérature en langue picarde au XIXe siècle, ses conditions d'apparition, ses principaux promoteurs, ses usages, les supports qu'elle choisit, et ce en quoi elle s'est, ou pas, inscrite dans une démarche régionaliste sur plan politique. Si le picard a toujours été un sujet d'étude pour les linguistes, il l'a été beaucoup moins, voire quasi pas, pour les littéraires. Jusque dans les années 1960, les études universitaires portent toutes sur la langue abordée presqu'exclusivement sous ses aspects linguistiques. Quand la littérature en picard est citée, c'est souvent dans le cadre de l'étude d'un corpus , notamment pour le Moyen Age. En dehors de quelques travaux publiés par les sociétés savantes, telle la Société des antiquaires de Picardie, il faut attendre les années 1970, dans le sillage du développement de l'intérêt pour les langues locales, pour voir apparaître les premières études consacrées à la littérature en picard. C'est à Pierre Garnier que revient le mérite d'avoir été le premier à confronter cette littérature, à travers deux de ses auteurs majeurs, Hector Crinon et Edouard David, à une démarche d'analyse littéraire excluant toute complaisance . Dans les années 1970, René Debrie a consacré plusieurs volumes de la collection du Centre d'Etudes Picardes à des auteurs dont il a étudié la langue et sur lesquels il a collecté de précieux éléments biographiques. C'est le cas de son remarquable travail sur Pierre-Louis Gosseu. Pierre Ivart, alors étudiant de Debrie, a produit deux études littéraires sur les uvres d'Emmanuel Bourgeois et de Louis Seurvat. Son ami et chercheur Jacques Landrecies a présenté en 1994 une thèse de doctorat sous la direction de Roger Berger sur La poésie dialectale du pays noir : étude linguistique et littéraire. Enfin, nous ne devons pas oublier, même s'il ne s'agit pas d'un travail à proprement parler universitaire, la très importante et fondatrice anthologie La forêt invisible : au nord de la littérature française, le picard, dirigé par Jacques Darras et publié en 1985 par la Maison de la culture d'Amiens. En dehors de ces quelques publications, nous n'identifions guère de travaux de recherche sur les usages littéraires de la langue picarde. A noter cependant, toujours dans le sillage des années 70 et de l'engouement pour les littératures dites « secondaires et connexes », l'organisation du Premier colloque des lettres picardes, sous l'impulsion de Pierre Garnier, le 1er octobre 1972 à Amiens . Il fallut attendre plus de 30 ans pour qu'à nouveau une journée d'étude sur la littérature picarde se tienne à Amiens . Notre travail de recherche se propose d'étudier plusieurs aspects de l'histoire de cette littérature en langue picarde s'étendant du début du 19e siècle à la veille de la première guerre mondiale. En premier lieu, nous nous appuierons sur l'inventaire établi par Pierre Ivart pour la partie contemporaine de La forêt invisible, afin d'établir un corpus précis de cette littérature de langue picarde et nous nous interrogerons sur le fait de savoir s'il existe bien une « exception picarde » qui serait également valable en ce qui concerne son expression littéraire. Retrouve-t-on un phénomène semblable dans d'autres régions ? Voire d'autres pays comparables à la France ? Notre approche sera volontairement historique, tenant compte de l'émergence des concepts de territoire au 19e siècle, sur un territoire bouleversé par l'industrialisation et la circulation des capitaux, mais toujours héritier d'une culture populaire ancrée et vivante. Le florissement de cette littérature s'appuie-t-il sur un contexte politique particulier ? Peut-on y détecter la volonté de proposer une alternative originale au mode de développement de la société française calquée sur un modèle économique libéral. Y trouvera-t-on des résistances au-delà d'un discours simplement conservateur ? Ces résistances vont-elles jusqu'à toucher à certains aspects sociaux en les rejetant ? Ou au contraire dénoncent-elles certains excès ? Quelle y est la place de la religion ? Des permanences mais aussi des volontés de rupture chez certains d'entre eux ? Existe-t-il une histoire littéraire globale de la langue picarde ? Ou faut-il l'aborder différemment selon qu'on considère des auteurs du versant nord de la Région Hauts-de-France, de son versant sud, l'ex-Picardie, ou de Belgique picardophone ? Nous tâcherons également de dégager les thèmes et les principaux genres abordés, d'établir les relations qui existent alors entre la presse et cette littérature en langue régionale, d'envisager son rapport au pouvoir et, plus particulièrement, de déterminer si un lien peut être établi, même de manière ténue, avec le régionalisme, notamment politique. Qui sont les auteurs de cette période ? Y a-t-il une certaine homogénéité ? Un profil type ? Ou au contraire est-on face à une grande diversité de parcours et d'origines sociales ? Peut-on brosser un « portrait type » de l'écrivain de langue picarde du 19e siècle ? Probablement pas, même si des constantes, chez certains de ces auteurs, paraissent très vites évidentes . D'un point de vue plus linguistique, le picard utilisé par ces auteurs tend-il vers une langue commune, de grande diffusion ? Un standard littéraire a-t-il commencé à émerger ? Quelles réflexions sur l'écriture du picard trouve-t-on ? S'intéresse-t-on alors à la question du lectorat et de son ampleur ? Pour qui ces auteurs écrivent-ils ? Les classes populaires ou une certaine élite qui apprécie ces « délices du terroir » ? Sur un plan plus géographique plus large, cette littérature écrite en langue régionale peut-elle être comparée à d'autres littératures « dialectales » de France, voire d'Europe et notamment à des langues qui entretiennent avec une langue principale le même rapport que le picard entretient avec le français ? Enfin, ce mouvement s'est-il prolongé au-delà de la première guerre mondiale et a-t-il influencé les périodes plus contemporaines ? Dans quelle mesure les écrivains de langue picarde d'aujourd'hui sont-ils les héritiers de ceux du 19e siècle ? Abordent-ils les mêmes thèmes ? Ecrivent-ils pour un même public ? Quelle est la mesure des ruptures et des continuités que nous pouvons observer ? Voici quelques axes pour ce travail que nous proposons de réaliser afin de venir combler une lacune évidente dans l'histoire littéraire, voire dans l'histoire tout court, d'une langue régionale importante qui a subi de plein fouet les vents contraires de l'Histoire.