Thèse en cours

Le constitutionnalisme sénégalais : réflexion sur le mimétisme.

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Auteur / Autrice : Sokhna aminata Ba
Direction : Charlotte Girard
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Droit public
Date : Inscription en doctorat le 19/11/2022
Etablissement(s) : Paris 10
Ecole(s) doctorale(s) : École Doctorale Droit et Science Politique (Nanterre, Hauts-de-Seine ; 1992-...)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre de théorie et d'analyse du droit (Nanterre)

Résumé

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L'État sénégalais, à l'ouest du continent africain, a révisé sa quatrième Constitution. Elle date de 2001 sous la présidence de son excellence Abdoulaye WADE. Cette révision, issue d'un projet de loi, fut adoptée, suite au référendum constitutionnel du 7 janvier 2001. Elle recueillit favorablement 94% du suffrage exprimé. Donc, tout mandat présidentiel ultérieur serait a priori soumis au septennat. Toutefois, en 2016, l'actuel Président sénégalais depuis 2012, son excellence Macky SALL, est revenu sur la réforme de son prédécesseur. l'objectif est d'instaurer un quinquennat. C'était une promesse de campagne en 2012. Or, le Conseil constitutionnel sénégalais, lui opposa la « non-conformité de son souhait avec la pratique et le texte constitutionnels du pays, qui dispose d'un septennat ». La jurisprudence constitutionnelle n'est pas favorable à une application de cette dite promesse au mandat en cours. Donc, le Président SALL resterait soumis au quinquennat. En 2016, quand il a voulu entreprendre cette révision, son mandat d'une durée de sept ans était entamée de quatre ans. La réforme ne concernerait que son successeur ou son second mandat en 2019. En effet, la nouvelle version de l'article 26 titre III de la constitution sénégalaise dispose que : « La durée du mandat du Président de la République est de cinq ans et renouvelable une fois. Cette disposition ne peut être révisée que par une loi référendaire ou par l'adoption d'une nouvelle constitution ». Cependant, cette révision constitutionnelle sénégalaise, rappelle celle française sous la présidence de son excellence Jacques CHIRAC. En 2000, à la suite du référendum sur le quinquennat présidentiel organisé par l'ancien Président Jacques Chirac, la durée du mandat présidentiel fut ramenée de sept à cinq ans. C'est la loi constitutionnelle no2000-964 du 2 octobre 2000 qui l'instaura. Le quinquennat entra en vigueur lors de l'élection présidentielle de 2002. Nous pouvons noté que cette révision constitutionnelle française ne s'est pas appliquée au septennat en cours de l'ancien Président CHIRAC. Elle fut en vigueur que lors de sa réélection de 2002 à 2007. Ses successeurs auront la même durée de mandat. La réforme du quinquennat reste d'actualité et est limitée depuis 2008 à deux mandats. Un mimétisme constitutionnel sénégalais, au regard de la réforme chiraquienne, est noté mais mal entrepris. L'intervention du conseil constitutionnel sénégalaise fut salutaire. Elle a contré la menace d'une pratique présidentielle clandestine visant à satisfaire l'électorat au détriment du droit constitutionnel. Le Président SALL souhaitait transformer son septennat en cours pour un quinquennat légal mais précoce. Si l'institution juridictionnelle constitutionnelle sénégalaise n'avait pas rappelé la lettre et la pratique de la Constitution, l'amateurisme s'installerait. S'agissant du mimétisme constitutionnel, une fois n'est certes pas coutume, mais il y a de la récidive. D'autant plus que, sous l'ère des prédécesseurs du Président SALL, la Constitution sénégalaise a souvent connu des révisions qui s'inspire de celles françaises ou étasuniennes. En 2011, l'ancien Président WADE, proposait une modification du scrutin présidentiel afin de permettre l'élection d'un « ticket » président et vice-président à la tête de l'exécutif. Seulement 25% des voix au premier tour[, permettrait d'élire le Président de la République sénégalaise et son Vice-président. Or, c'est une nouveauté dans la structure étatique sénégalaise. Ce nouveau mode d'élection de l'Exécutif sénégalais rappelle fortement l'organisation exécutive étasunienne. Le 30 juin 2011, Mireille DUTEIL, disait dans le magazine Le Point no2024, p.65 que c'était « Le dernier coup d'Abdoulaye Wade ». En effet, il y avait une première réforme constitutionnelle de l'ancien Président WADE. En 2008, il avait modifié la Constitution de 2001 qui établissait un quinquennat. Il instaura, ainsi, un septennat. C'est avec ce septennat que l'actuel Président SALL a débuté son mandat de 2012. La pratique constitutionnelle sénégalaise semble emprunter une voie de réforme instable qui peut rendre la Constitution souple. Ceci fausserait l'aspect fondamental de la norme suprême. Peut-être même, une telle pratique bouleverserait la teneur de la pyramide de Hans KELSEN dans l'ordre juridique étatique sénégalais. Donc, toutes ces réformes précitées et non exhaustives nous permettent de soutenir un mimétisme constitutionnel sénégalais sans vision. La France semble s'inscrire en modèle principal. Mais, le modèle étasunien a son temps d'honneur. Ce mimétisme constitutionnel inspiré par des calculs politiques, des rétributions partisanes, voire des séductions de l'électorat, pourrait voiler ou mettre en cause la compétence des constitutionnalistes imminents du Sénégal. Aussi, certains d'entre eux évoluent dans la sphère politique au point de s'associer à un mimétisme de complaisance plus que d'efficacité ou de nécessité sociale. L'image du pouvoir constituant primaire ou originaire comme celui dérivé est en danger dans ce contexte de mimétisme constitutionnel à inspiration politique. Ce mimétisme constitutionnel a forcément des racines historiques. De ce fait, l'histoire relationnelle franco-sénégalaise sera convoquée. Cependant, nous ferons un usage pragmatique de l'histoire, afin de ne pas nous inscrire dans une recherche d'historiens. Telle n'est pas notre ambition, ni notre domaine. Dès lors, la phase coloniale pourrait expliquer une part de ce mimétisme constitutionnel sénégalais sur lequel nous prétendons réfléchir. La période menant vers les indépendances africaines, notamment « la succession d'État », nous permettra d'étayer la «naturalité » de ce mimétisme. Cette pratique apparaît comme un « fait psychologique » encrée dans l'ADN étatique sénégalais. Aussi, nous ne revisiterons pas toute l'histoire constitutionnelle française. Ce n'est pas l'objectif de nos recherches. Donc, nous analyserons l'ère constitutionnelle française allant de 1875 à nos jours. L'idée serait d'y chercher quelques éléments de justifications pour accomplir le travail probatoire du juriste. Toutefois, l'analyse du mimétisme se fondra principalement sur les pratiques constitutionnelles française et sénégalaise de 1960 à nos jours. Puis, sans une maîtrise sur l'avenir, nous espérons apporter quelques réponses constitutionnelles répondant au mieux aux attentes de la nation sénégalaise. L'idée serait d'en arriver à un constitutionnalisme sénégalais plus serein dans son mimétisme et plus adapté à son époque présente. Le mimétisme constitutionnel n'est pas un problème à combattre. C'est une pratique à corriger de sorte à en tirer des avantages pour la nation concernée. L'État sénégalais appartient à un ensemble continental, dans lequel des intellectuels dénoncent de plus en plus le néocolonialisme. Ce terme désigne, à partir des années 1960, les diverses tentatives d'une ex-puissance coloniale de maintenir par des moyens détournés ou cachés la domination économique ou culturelle sur ses anciennes colonies après leur indépendance. D'ailleurs, l'ancien Président ghanéen Kwame Nkrumah, intitulait un de ses ouvrages en 1965 « Le néo-colonialisme - Dernier stade de l'impérialisme ». Donc, les voix africaines qui se lèvent dans notre époque pour dénoncer ce système poursuivent les positions de leurs aînées. Il nous paraît opportun d'essayer d'extraire le domaine constitutionnel ce néocolonialisme. D'autant plus que, c'est un domaine qui concerne directement la souveraineté étatique et le sort des nations quant à la gestion politique faite par leurs Etats. Certes, la substance des Constitutions n'est inscrite au patrimoine d'aucune propriété publique. Tout Etat peut s'inspirer d'un autre. L'État français s'est inspiré de la monarchie britannique. L'État sénégalais peut légitimement s'inspirer de celui français qui est une plus ancienne démocratie. Cependant, l'inspiration doit être intelligente et respectueuse de la spécificité de la nation concernée. L'État sénégalais, dans son mimétisme constitutionnel, ne doit jamais oublier la souveraineté de sa nation, son histoire, ses spécificités, ses croyances hétérogènes et son intérêt commun contemporain. Si comme en dispose l'article 16 de la DDHC de 1789 « Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, (il n'y aurait) point de Constitution », alors demandons-nous quels droits fondamentaux spécifiques doit-on garantir à la nation sénégalaise en complément du socle des droits humains commun à l'humanité et à la démocratie ? Interrogeons-nous aussi sur quel type de séparation des pouvoirs doit-on initier pour répartir efficacement la souveraineté nationale sénégalaise en exercice ? Face à ces questionnements, il est capital de se pencher sur les spécificités religieuses et culturelles, l'histoire passé et contemporaine de la nation sénégalaise afin de mieux appréhender ses besoins en droits fondamentaux additionnels. Aussi, le régime politique de l'État sénégalais doit être compatible avec sa culture et ses diverses croyances. De là, la répartition du Pouvoir souverain en exercice, devrait prendre en compte la culture démocratique assez mure de la nation sénégalaise. Inclure la nation dans la prise de décision étatique par une participation directe dans l'élaboration de la législation, la prise de décisions fondamentales ou accorder une primauté à ses représentants parlementaires, serait bénéfique à la séparation des pouvoirs de l'État sénégalais. Aussi, la Constitution est le socle de l'organisation du Pouvoir étatique, la substance qui régit l'exercice de sa souveraineté déléguée par le peuple pour assurer la quête d'atteinte de son intérêt commun non figé. Or, l'exercice du pouvoir étatique est interne et externe aux frontières de l'État. Donc, l'État sénégalais doit éviter un mimétisme qui revêt la forme d'un « néocolonialisme constitutionnel » de complexe appliqué à lui-même. Face à ce mimétisme, il va falloir songer à une réflexion constructive pour l'avenir du constitutionnalisme sénégalais afin de garantir au mieux les droits fondamentaux de sa nation. Mais, aussi nous essayerons de reconstruire un idéal autour de la séparation des pouvoirs au Sénégal. Nous voulons contribuer à la marche vers la maturité du constitutionnalisme sénégalais. Cependant, nous n'avons pas la prétention de combattre le mimétisme constitutionnel. C'est une pratique utile, qui nécessite une adaptation selon le territoire par « l'intelligence mimétique ». Donc, il y a une réelle nécessité à réfléchir sur le mimétisme, afin de rehausser le constitutionnalisme sénégalais aux espérances de sa nation. D'où, notre préoccupation de chercher à savoir comment le Sénégal doit s'inspirer des plus anciennes Constitutions sur la scène internationale sans trahir la spécificité de sa nation, sans corrompre sa souveraineté étatique tout en restant contemporain de son temps, de son espace international et de l'actualité de ses évolutions sociétales internes ? La réflexion scientifique s'accompagne de supports. Si l'esprit est autonome dans l'usage de la raison, la vérités scientifique est naturellement subordonnée à des supports intellectuels d'inspiration. La substance des Constitutions française, étasunienne, sénégalaise, sera d'une utilité capitale. Nous pensons à un usage comparatif des substances constitutionnelles. Si comparaison n'est pas raison, elle peut faire tout de même émerger des vérités scientifiques, dont la première celle du mimétisme constitutionnel. D'autant plus que mimer, c'est copier, alors il y a la présence d'un ou des modèles. Réfléchir, c'est forcément considérer. Et la considération sans analyse peut produire la complaisance. Donc, nous serons analytiques. Réfléchir, c'est aussi faire office de métaphysique, alors, nous nous questionnerons, dès fois peut-être n'aurions-nous pas les réponses. A défaut, nous tacherons de nous poser les bonnes questions. En effet, nous ne sommes point des constitutionnalistes aguerris, sauf à le devenir à mi-parcours. Donc, nous n'avons pas la prétention de donneur de leçons. Cependant, peut-être aurions-nous, in fine, la possibilité de déterminer le mimétisme constitutionnel, d'alerter sur sa pratique sans vision, de moraliser sur la nécessité d'associer Constitution et spécificités nationales dans l'élaboration de celles-ci.