Le retour à l'exil. Philosophie et pensée juive chez Benny Lévy, Emmanuel Lévinas et Jacques Derrida
| Auteur / Autrice : | Quentin Le gurun |
| Direction : | Elad Lapidot |
| Type : | Projet de thèse |
| Discipline(s) : | Philosophie |
| Date : | Inscription en doctorat le 01/10/2022 |
| Etablissement(s) : | Université de Lille (2022-....) |
| Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Sciences de l'homme et de la société (Lille ; 2006-....) |
| Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Centre d'Etudes en Civilisations, Langues et Lettres Etrangeres |
Mots clés
Résumé
Ce travail s'intéresse à la mise en place d'une confrontation entre la tradition philosophique occidentale et le judaïsme rabbinique au sein de la pensée française d'après 1945, et l'interprète comme un retour à l'exil décisif dans l'histoire de la pensée. L'exil n'est pas à prendre au sens d'une représentation imaginairement associée à la figure du Juif chez nombre de philosophes, mais comme catégorie épistémique et politique positive renvoyant à la modalité d'existence collective propre au peuple juif après la destruction du second Temple et indissociable de l'étude du Talmud. Prenant pour modèle l' « État des Hébreux », plaidant pour l'émancipation et la régénération des Juifs, la pensée politique moderne n'a pas rompu avec l'interprétation chrétienne de la dispersion des Juifs, mais a plutôt ancré dans la théorie politique une fondamentale « négation de l'exil » aux déterminations théologiques profondes, l'ignorance de l'histoire juive en diaspora, le mépris du judaïsme rabbinique. Bouleversant les paramètres de la relation entre les Juifs et les États modernes, la Shoah, comparable dans l'ordre de la pensée à une nouvelle destruction du Temple, détermina non seulement un retour aux sources textuelles organisant la vie juive traditionnelle mais encore, à partir d'elles, une critique juive de la philosophie occidentale comprise comme « vision politique du monde ». Que signifie, pour la philosophie, ce retour à l'exil, et l'irruption, au cur de son texte, du Juif du Talmud ? À quel point son histoire et sa logique, toute la politique et la métaphysique s'en trouvent-elles bousculées ? Notre travail entend examiner quelles réponses l'uvre de Benny Lévy, qui soutint la nécessité d'une rupture épistémique entre la science juive et la philosophie, apporte à ces questions. Pour ce faire, nous la mettons en perspective au sein de l'histoire longue du « retour » dans la pensée juive moderne, à la fois française et allemande, et étudions plus précisément le dialogue admiratif et critique de Benny Lévy avec trois figures majeures de la pensée française de la seconde moitié du XXe siècle : Jean-Paul Sartre, Emmanuel Levinas et Jacques Derrida. Nous montrons comment la référence au « Juif réel » permet non seulement à Benny Lévy de renverser le régime discursif de la « question juive », de déconstruire les différentes figures du « Juif moderne » (israélite, sioniste, marrane), mais plus fondamentalement encore de trouver une issue positive aux errements modernes relatifs à la « fin de la philosophie ». Ce travail doit amener une interrogation sur les formes à venir du politique à l'heure de la déconstruction de sa définition strictement philosophique en termes de pensée de l'État, c'est-à-dire sur la manière dont ce « retour à l'exil » concerne la philosophie et la pensée politique elles-mêmes.