Thèse en cours

Brescia et le climat entre 1690 et 1720. Une recherche au croisement des sources historiques et littéraires

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Auteur / Autrice : Gautier Juret-rafin
Direction : Enzo NeppiGilles Bertrand
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Etudes italiennes
Date : Inscription en doctorat le 01/09/2022
Etablissement(s) : Université Grenoble Alpes
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale langues, littératures et sciences humaines (Grenoble, Isère, France ; 1991-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Laboratoire Universitaire Histoire Culture(s) Italie Europe

Résumé

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Mon projet de thèse, co-dirigé par Enzo Neppi et Gilles Bertrand de l'Université Grenoble Alpes et Matteo Di Tullio de l'Université de Pavie, a pour but d'analyser le climat et l'impact de ses variations sur la société de Brescia et sa périphérie à l'époque moderne, et plus précisément à la charnière entre XVIIe et XVIIIe siècle. La ville de Brescia et plus globalement le Bresciano occupent une place non négligeable dans le Dominio vénitien depuis leur conquête officiellement actée en 1426. Située entre un duché de Milan qui caresse l'ambition de la récupérer un jour et une république vénitienne qui tient à garantir sa domination, Brescia assure la jonction entre deux aires politiques, culturelles et économiques de notable importance. Vis-à-vis de la Sérénissime, Brescia et sa périphérie rurale se développent dans une relation d'interdépendance. En effet, la ville faisant partie de la Lombardie vénitienne, elle doit accepter de se plier à la nomination de recteurs par le pouvoir central, ceux-ci étant chargés d'assurer les pouvoirs exécutif et judiciaire en échange d'une certaine autonomie. Cette autonomie est avant tout concentrée entre les mains des grandes familles de Brescia dont celle des Martinengo. Brescia se retrouve ainsi dans une gouvernance politique bicéphale partagée entre deux échelles géographiques différentes. Economiquement, le Bresciano, bien qu'étant décrit par l'historiographie comme peu fertile et malgré une agriculture devenue en Terra Ferma peu à peu intensive, bénéficie de l'espace de vie du lac de Garde, véritable marché aux grains et aux produits arrivant des Alpes et Préalpes. Le Bresciano est certes une étape importante dans le réseau des routes du Nord de l'Italie mais c'est également une région durablement déficitaire en termes de productions notamment céréalières, ce qui l'expose tout particulièrement aux aléas climatiques. Le climat change de manière significative à partir du début du XIVe siècle avec le Petit Âge glaciaire, période qui se caractérise par un refroidissement des masses d'air en Europe. Depuis les années 1645, son importance est inédite du fait notamment du Minimum de Maunder qui correspond à une diminution du rayonnement solaire se superposant au contexte climatique tendant à être plus froid qu'au XIIIe siècle. Les hivers sont ainsi globalement encore plus froids et les étés plus humides. Dans la zone alpine, la situation est singulière puisque les sociétés humaines se retrouvent à gérer chaque printemps des fontes glaciaires entraînant des mouvements d'eau de plus en plus importants après des hivers toujours plus rudes. Or, alors que la plaine du Pô s'essaie à la culture du riz et à celle du maïs, les conflits d'usage pour les ressources en eau sont un thème central pour le pouvoir et l'équilibre des sociétés. Les sociétés humaines, du fait de conditions climatiques plus difficiles sont donc mises face à leurs propres contradictions dans leur organisation. Malgré l'importance du facteur climatique dans le quotidien de ces sociétés à l'époque moderne, l'analyse de leur résilience face au climat constitue un champ historique qui n'a fait l'objet d'aucune étude. Il s'agit là d'un véritable vide historiographique et encore plus si l'on parle de l'historiographie italienne. Certes, les historiographies française, anglaise et germanophone ont cherché depuis les années 1960 à montrer l'importance du facteur climatique dans la vie des sociétés de l'époque moderne en Europe, mais elles ont préféré se limiter aux généralités pour permettre la naissance de la jeune discipline qu'est l'histoire du climat. L'historien français Emmanuel Le Roy Ladurie en est un exemple puisqu'il s'appliqua à rapporter les témoignages textuels, à mesurer l'évolution de la superficie des glaciers ou encore à estimer l'ampleur d'inondations. Son élève suisse alémanique, Christian Pfister s'est quant à lui employé à constituer une base de données climatiques en Suisse notamment. Ainsi, peu d'études ont été jusqu'à présent effectuées en adoptant les méthodes de la micro-histoire. Le but de la thèse sera de produire le premier travail d'envergure sur l'histoire du climat en Italie en le contextualisant dans un espace particulièrement adapté pour ce type d'enquête du fait de sa précarité alimentaire, politique et sociale : Brescia et sa région entre 1690 et 1720. Concentrée sur une période ramassée de trois décennies, riche en événements et en traces écrites, cette analyse sera constituée de trois phases : celle démographique (l'étude des évolutions des baptêmes et donc des naissances, des mariages et des décès dans les fonds des paroisses de Brescia et de sa périphérie), celle documentaire (se basant ainsi sur les témoignages de contemporains se trouvant dans les chroniques notamment mais également les correspondances d'écrivains, les autobiographies, les écrits académiques, les poèmes et romans) et celle des dynamiques politiques et économiques (impliquant en ce sens une étude des documents des administrateurs comme les biave par exemple et les analyses économiques rendues accessibles par l'historiographie de Venise et les archives d'Etat). Elle essaiera de coupler à la fois la méthode française d'étude des textes et celle suisse en fournissant des données statistiques. Pour répondre à cette vaste problématique, un important travail sera mené aux archives. Par ailleurs, la mise en place d'une cotutelle avec le professeur italien Matteo Di Tullio rattaché à l'Université de Pavie facilitera et encouragera mes recherches en Italie dans l'optique, pourquoi pas d'une histoire environnementale couplée à celle du climat. A terme, j'ambitionne de constituer une base de données rassemblant tous les témoignages manuscrits et leur localisation à propos du climat de Brescia voire de la Vénétie et du Milanais, basée sur le modèle de la base de données du professeur helvète Christian Pfister à l'Université de Berne. En conclusion, le type de travail proposé n'a jamais été mené auparavant et notamment en Italie. Il répondra à des problématiques importantes puisque l'histoire du climat est un champ historique relativement peu développé. A cela, s'ajoute une recherche sur l'histoire de Brescia lacunaire qu'il conviendra de combler grâce à des dépouillements et des contacts locaux. Enfin, les débuts de ma recherche vont bénéficier d'un stage de deux mois effectué aux archives historiques diocésaines de Brescia en mai et juin 2022 afin de me perfectionner avec l'étude archivistique et les fonds disponibles pour la recherche de la thèse.