Thèse en cours

Savoir et pouvoir au Maroc colonial. Le cas de la « pacification » et de l’administration des Zaïans (1914-1956).

FR  |  
EN
Auteur / Autrice : Abdelmounaim Fanidi
Direction : Judith ScheeleAlain Mahé
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Droit, études politiques, philosophie
Date : Inscription en doctorat le 26/09/2022
Etablissement(s) : Paris, EHESS
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales

Résumé

FR  |  
EN

A la faveur des post-colonial studies, la relation entre savoir et pouvoir est souvent considérée comme inextricable. Cependant, un tel point de vue réduit fondamentalement la volonté de savoir à la volonté de pouvoir entretenant ainsi, dans une perspective qui doit autant à Michel Foucault qu’à Pierre Bourdieu, l’idée d’un rapport purement instrumental et calculateur au savoir. Quelles que soient les réserves qu’inspirent une telle perspective, il n’en reste pas moins que les situations coloniales sont des terrains d’étude d’une valeur heuristique immense des rapports savoir-pouvoir en raison de la profonde asymétrie épistémique entre colonisateurs et colonisés d’une part et de la quantité et de la qualité des savoirs mobilisés au cours des expériences coloniales d’autre part. Alors que ces questions ont presque toujours été étudiées à l’échelle nationale – voire internationale dans le cadre de la global history ou de l’étude des relations internationales –, notre questionnement s’appuiera résolument sur des enquêtes à l’échelle locale. Ce choix méthodologique s’appuie, d’un côté, sur le fait que seule cette échelle d’observation pourra rendre possible la restitution de la complexité des situations sociales. D’un autre côté, l’échelle locale nous permettra de pratiquer les comparaisons les plus fécondes en nous permettant de restituer la diversité et les nuances des situations locales saisies à hauteur d’Hommes — des auteurs mais pas seulement — et de lignages. Nous nous attacherons ainsi à élucider le contexte, les modalités, les objectifs et les enjeux de production des savoirs sur la tribu Zaïan – devenue le Cercle de Khénifra – pendant le Protectorat français au Maroc (1914-1956). L’objectif étant de comprendre comment les divers savoirs (récits d’exploration, renseignements militaires, fiches de tribu, recueils de poésie, notes, notices, romans, cartes, documents iconographiques, traductions de manuscrits et ethnographies) produits par les différents protagonistes de la colonisation (explorateurs, soldats, officiers des affaires indigènes, prêtres, informateurs, amateurs, romanciers et anthropologues) ont informé la « pacification » des Zaïans, en les faisant passer du statut de combattants « insoumis » à celui d’administrés. L’enjeu théorique principal sera, d’un côté, de revisiter le concept de la « pacification » (i.e. la soumission armée des tribus) qui se limite souvent dans l’historiographie à la conquête militaire des tribus, sans prendre en considération les enjeux de production et d’usage des savoirs coloniaux. D’un autre côté, il s’agira de mettre en exergue le rôle de la production locale des savoirs dans l’administration coloniale. A cette fin, nous poursuivrons l’exploitation de différents fonds d’archives publiques (à Rabat, Nantes, Pierrefitte-sur-Seine, La Courneuve et Vincennes). In fine, et à partir d’archives privées (mémoires, remerciements, témoignages et correspondances), nous ne négligerons pas de questionner les motivations personnelles qui animaient ces auteurs afin de nous interroger, à hauteur d’Homme, sur l’articulation – l’irréductibilité ? – entre volonté de savoir et volonté de pouvoir.