Thèse en cours

Analyse des liens entre évènements extrêmes, populations et impacts
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Auteur / Autrice : Lou Mandonnet
Direction : Vincent ViguieFabio D'andrea
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Géographie
Date : Inscription en doctorat le 01/11/2022
Etablissement(s) : Marne-la-vallée, ENPC
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Ville, Transports et Territoires
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre international de recherche sur l'environnement et le développement

Résumé

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Les événements météorologiques extrêmes peuvent impacter différents secteurs d'activités humaines, à différentes échelles. Par exemple, les extrêmes de température chauds et froids, et les extrêmes de précipitation secs et humides peuvent avoir un effet sur les rendements agricoles ou déclencher des conditions dangereuses pour la santé des populations vulnérables. Les cyclones et les tempêtes peuvent quant à eux endommager des infrastructures et engendrer des victimes à travers des précipitations ou des vents extrêmes, et par des surcotes marines. Il est essentiel de comprendre les caractéristiques des impacts d'origine météorologique pour se préparer aux aléas dangereux. Dans ce contexte, l'analyse d'observables physiques, comme la température journalière maximale, la vitesse du vent, ou les précipitations, permet de quantifier la sévérité des aléas extrêmes d'un point de vue météorologique. De nombreuses études ont proposé des définitions précises de ces différents phénomènes extrêmes, et en ont fait l'analyse statistique et physique aussi bien pour la période historique que pour différents scénarios de changement climatique (Voir les derniers rapports du GIEC de 2021 ou le rapport spécial sur les événements extrêmes du GIEC de 2012). Cependant, les extrêmes météorologiques ne se traduisent pas toujours par des impacts extrêmes, et les évènements à forts impacts ne sont eux non plus pas nécessairement les plus extrêmes d'un point de vue météorologique. Bien qu'il y ait évidemment un lien (Orth et al (2022)), les relations entre les deux sont complexes, et peuvent impliquer une combinaison multidimensionnelle et non linéaire de facteurs menant à des impacts extrêmes (e.g. Zscheischler et al., 2020). Ces facteurs ne sont pas uniquement liés à la physique du climat, mais font aussi intervenir la vulnérabilité des systèmes économiques et sociaux. Ainsi, il est important d'analyser les impacts liés aux événements extrêmes d'origine météorologique et les conditions qui les favorisent. Bien que certaines études basées sur des modèles d'impacts aient déjà montré les différences entres les métriques d'impacts et les observables physiques (van der Wiel et al., 2020), il n'existe à notre connaissance pas de travail approfondi comparant les observations d'impact avec des observations et des réanalyses climatiques. Le premier objectif de cette thèse est de conduire une analyse conjointe des phénomènes extrêmes, à la fois du point de vue strictement physique et du point de vue de leurs impacts. EM-DAT est aujourd'hui la base de données d'impacts liée à des événements extrêmes la plus utilisée et la plus complète (www.emdat.be, Guha-Sapir et al (2009)). Elle couvre des événements géophysiques, météorologiques, climatiques, hydrologiques, biologiques, extraterrestres et technologiques de 1900 à nos jours à l'échelle mondiale. EM-DAT compile notamment des données de dégâts causés par les différents événements répertoriés, en termes matériels et humains. Cette première étape nécessite de construire une base de données d'événements extrêmes météorologiques à partir de variables météorologiques disponibles au pas de temps horaire ou journalier et à l'échelle mondiale. S'il est facile de définir un événement extrême pour une station d'observation donnée, la plupart des événements extrêmes considérés ne sont pas stationnaires, et peuvent toucher de larges régions. Des techniques de fenêtres glissantes, comme celle décrite par Stéfanon et al (2012) pour les vagues de chaleur, permettent de définir des événements, et de calculer leurs caractéristiques (intensité, durée, extension spatiale). Pour construire cette base de données d'événements extrêmes météorologiques, le candidat s'appuiera sur les données de réanalyses ERA5, disponibles de 1950 à aujourd'hui, à une résolution de 0.25° (Hersbach et al, 2018). Le recoupement systématique de ces deux bases de données d'événements permettra d'identifier les événements communs, et d'analyser les caractéristiques des événements extrêmes n'apparaissant que dans l'une des deux bases de données. A priori, on pourrait s'attendre à ce que tous les événements ayant eu de forts impacts soient également extrêmes d'un point de vue météorologique. Pourtant, les résultats préliminaires obtenus par le candidat pendant son stage de master 2 sur les vagues de chaleur en Europe montrent que ce n'est pas toujours le cas. La thèse sera l'occasion de faire une étude approfondie de ces événements et de mieux les comprendre. Leur présence dans la base d'impacts pourrait découler des biais de construction d'EM-DAT, ce qui devrait pouvoir se vérifier en analysant d'autres sources bibliographiques. Si ce n'est pas le cas, le candidat pourra explorer les raisons physiques et socio-économiques des impacts répertoriés pour des événements a priori modérés d'un point de vue météorologique. Comme il existe un nombre important d'indicateurs climatiques pour décrire les événements météorologiques extrêmes (e.g. Sillmann et al, 2013), le deuxième - et plus important - objectif de cette thèse est d'établir une analyse de sensibilité systématique pour déterminer quels indicateurs climatiques se corrèlent le mieux avec les métriques d'impacts pour chaque type d'évènements. Ces métriques d'impacts, tirées d'EM-DAT, peuvent être des impacts humains (nombre de morts, de personnes blessées ou déplacées) ou des impacts financiers. Pour se rapprocher au mieux de ces métriques d'impacts, il est nécessaire d'explorer l'ensemble des métriques météorologiques pertinentes. Cela peut concerner le choix des variables journalières, par exemple l'humidité et les températures minimale, moyenne et maximale pour les canicules, ou la vitesse du vent et les précipitations pour les tempêtes, mais aussi des métriques calculées sur l'ensemble de l'évènement, comme sa durée, son extension spatiale, son intensité maximale ou moyenne. L'originalité de cette thèse est de combiner ces indicateurs climatiques avec des indicateurs d'exposition, comme la densité de la population, qui est accessible grâce à la base de données WorldPop (Tatem 2017). Là aussi, au-delà de simples métriques comme la population totale affectée, il est possible d'explorer l'influence de choix de seuils de population minimale ou de masques incluant uniquement les zones urbaines sur la capacité de l'indicateur à se rapprocher le plus possible des variables d'impacts. En effet, à cause de l'effet d'îlot de chaleur urbain, les villes sont plus vulnérables aux fortes chaleur (Rizwan et al, 2008). Si le temps le permet, il pourrait être envisageable d'inclure des indicateurs de vulnérabilité, comme l'âge et le genre des populations, également disponibles dans WorldPop, ou le PIB. Une analyse statistique de sensibilité du choix des indicateurs permettra de déterminer pour chaque type d'événement quel est l'indicateur le plus pertinent, en utilisant des métriques permettant d'évaluer la corrélation entre les indicateurs construits et l'impact. Il sera également possible d'explorer si ces indicateurs se rapprochent mieux de l'impact lorsqu'ils sont définis à l'échelle de grandes régions ou à l'échelle mondiale et d'analyser les potentielles différences entre ces deux méthodologies. En effet, la physique des événements extrêmes et les caractéristiques des populations touchées peuvent différer d'une région à l'autre (par exemple entre les tropiques et les moyennes latitudes). Selon les avancées de la thèse, un troisième objectif pourra être de produire des cartes d'événements à extrême impact à l'échelle mondiale en utilisant les indicateurs développés dans la deuxième étape de la thèse, selon différents scénarios d'émissions anthropiques (les Shared Socioeconomic Pathways, SSPs) et en utilisant les sorties de modèles climatiques CMIP6 (O'Neill et al, 2016). Une première étape consistera à comparer les distributions des indicateurs calculées à partir de données de réanalyses et de sorties des modèles climatiques CMIP6 sur la période historique. Cela permettra d'évaluer la capacité des modèles à reproduire des événements météorologiques extrêmes ayant de forts impacts et d'identifier les modèles les plus performants parmi les modèles disponibles. Il sera également possible d'évaluer d'une part la variabilité interne d'un modèle donné en comparant les résultats obtenus pour deux simulations issues d'un même modèle, et d'autre part la variabilité entre les différents modèles disponibles dans l'expérience CMIP6. Une seconde étape consistera à évaluer comment ces distributions d'indicateurs évoluent selon différents scénarios d'émissions menant à différents niveaux de réchauffement global. Les SSPs contiennent également des projections démographiques de densité de population. Il sera intéressant d'évaluer si les différences entre les indicateurs d'impacts pour différents niveaux de réchauffement sont similaires aux différences entre simples indicateurs météorologiques, tels qu'ils sont utilisés aujourd'hui, par exemple dans les figures présentées dans le rapport du groupe 1 du GIEC. Le candidat commencera par analyser les extrêmes de températures chauds et froids. Selon les résultats de cette première étape, il pourra également analyser les extrêmes de précipitations (inondations et sécheresses), les tempêtes, les cyclones, et les feux de forêt. L'organisation de cette thèse événement par événement est celle qui présente le moins de risque. En effet, chaque type d'événements a des caractéristiques physiques et de potentiels impacts variés et il est donc nécessaire de les analyser séparément. Les événements extrêmes de température sont les moins complexes à étudier, notamment parce que les observations de température sont plus fiables, qu'ils s'étalent dans le temps et dans l'espace, et que les mécanismes physiques qui les régissent sont bien compris. Ils représentent donc la base la plus solide pour construire les méthodologies nécessaires au bon déroulement de la thèse. Le candidat travaillera au Laboratoire de Météorologie Dynamique. Il aura donc accès à l'expertise des chercheurs du laboratoire sur les extrêmes climatiques du point de vue physique, ainsi que sur leur analyse statistique. Fabio D'Andrea apportera son expertise sur les processus physiques des extrêmes, et Aglaé Jézéquel sur leur analyse statistique, leur attribution au changement climatique et leurs impacts sociaux. Le candidat aura également accès à la base de données ESPRI, opérée par l'IPSL, ainsi qu'au serveur de calcul ciclad. La thèse sera également co-supervisée par Vincent Viguié, chercheur au Centre international de recherche sur l'environnement et le développement, le CIRED (École des Ponts ParisTech). Son expertise porte notamment sur l'analyse économique des stratégies d'adaptation aux impacts du changement climatique en milieu urbain. Il collabore sur ce thème avec Fabio d'Andrea et Aglaé Jézéquel, avec qui il co-encadre la thèse de Samuel Juhel. Enfin, la thèse sera co-supervisée par Améline Vallet, chercheure à AgroParisTech au sein du CIRED. Son expertise porte notamment sur les inégalités associées à la gouvernance des services écosystémiques et à la vulnérabilité des populations au changement climatique. La thèse est fortement connectée avec les activités de recherche du projet JUstice In Climate Change Exposure (JUICCE), qui porte sur la distribution de risques climatiques en Europe. Le projet est coordonné par Améline Vallet avec Céline Guivarch (CIRED) ; Fabio D'Andrea et Aglaé Jezequel y participent également. Le candidat aura donc l'opportunité de participer aux discussions et aux réunions du projet. Ce projet de thèse est profondément interdisciplinaire. Le LMD et le CIRED offrent un environnement privilégié pour cultiver cette interdisciplinarité et proposer des recherches innovantes. L'alliance des expertises des deux laboratoires permet de proposer un sujet qui ne pourrait être mené dans le sein d'un seul de ces deux laboratoires.