Le déclin fonctionnel des partis à l'aune de la sélection des candidats et de l'ultra-personnalisation
Auteur / Autrice : | Ludovic Grave-Renaud |
Direction : | Rémi Lefebvre |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Science Politique |
Date : | Inscription en doctorat le 01/10/2022 |
Etablissement(s) : | Université de Lille (2022-....) |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale des Sciences Juridiques, Politiques et de Gestion (Lille ; 1992-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Centre d'Études et de Recherches Administratives, Politiques et Sociales |
Mots clés
Résumé
Au cours des dernières décennies, la désignation des candidats à l'élection présidentielle en France a subi de profondes transformations. Jusqu'alors, l'une des activités de toute première importance des formations politiques consistait à sélectionner les candidats à l'élection présidentielle, se positionnant ainsi en tant qu'acteurs intermédiaires entre les citoyens et les représentants politiques. Des chercheurs comme Sartori ont observé que la sélection des candidats est l'activité centrale qui distingue universellement les partis des autres organisations politiques. Jusqu'à présent la désignation du candidat se faisait à partir d'un sélectorat exclusif ou très resserré tel que le président du parti ou un groupe restreint d'acteurs, aujourd'hui les partis sont passés sur un sélectorat beaucoup plus inclusif impliquant les militants et parfois les sympathisants. Ainsi, depuis les années 1990, les deux principaux partis français ont commencé à modifier leurs règles, dans le but ostensible d'accroître l'influence attribuée aux membres de base du parti au détriment des élites partisane (cela reste à démontrer). À rebours, de nouveaux partis dits « personnels » (dont il faudrait évaluer le caractère vraiment inédit) centrés autour de figures charismatiques un hyperleader comme En Marche (LREM) et la France Insoumise (LFI), qui n'imposent que peu de conditions formelles de candidature, la sélection finale étant essentiellement du ressort du leader-fondateur, « le parti ne fabrique plus le candidat, mais c'est l'inverse ». Ces partis représentent un idéal-type d'une « ultra-personnalisation » qui dépasse largement la personnalisation centralisée que l'on peut retrouver dans certains partis traditionnels. Le parti en tant qu'entité collective perd ici presque toute son importance au profit de son leader-fondateur réduisant son rôle à un soutien ponctuel lors d'une conjoncture chaude. Ceci interroge ces nouvelles pratiques dans la désignation du candidat (si l'on peut encore l'appeler ainsi), celle-ci n'étant plus une condition sine qua non dans la légitimité partisane du candidat. Elle est la preuve d'une tendance lourde à la personnalisation et à la présidentialisation. Les théories plus récentes sur la présidentialisation indiquent que les dirigeants et candidats des partis deviennent plus autonomes vis-à-vis de leurs bases militantes et de leurs organisations, surtout dans les régimes présidentiels et semi-présidentiels. Ce phénomène s'avère particulièrement marqué en France. Dans le cas présent, les leaders-fondateurs se sont totalement autonomisés de leurs bases militantes et des structures partisanes traditionnelles. Ces deux modes de désignation strictement opposées dans leurs modalités l'un se concentrant sur la démocratisation du processus de sélection des candidats, l'autre faisant fi de toute prétention à la démocratie interne, et assumant l'ultra-personnalisation de leur leadership ont en commun un phénomène où les candidats s'autonomisent de plus en plus, voire totalement, de l'appareil partisan, capitalisant de plus en plus sur des ressources extra-partisanes. Ces évolutions récentes dans le paysage politique français soulèvent donc des questions cruciales quant à l'évolution convergente des partis, l'évidement de leur dimension collective et sur les dynamiques de personnalisations. L'analyse des modes de sélection des dirigeants est donc, selon nous, une entrée privilégiée pour comprendre ce que sont les organisations partisanes contemporaines. Ainsi, nous émettons l'hypothèse il est vrai un peu provocatrice car remise en cause dans de nombreux travaux scientifiques qui suggèrent plutôt l'idée d'une adaptation par cartellisation des partis qu'il se produit bien un phénomène de « déclin des partis » (mais nous nous inscrivons en faux contre l'idée de leur disparition) ou du moins un déclin fonctionnel des partis. Ce déclin fonctionnel, particulièrement visible dans l'évolution de leur rôle de sélection des candidats à l'élection présidentielle, se manifeste concrètement dans les dynamiques politiques contemporaines. Les partis continuent à être au centre du jeu présidentiel, mais se retrouvent supplantés par l'individualisation du champ politique et médiatique. Les partis se sont éloignés de leur base électorale et, avec les réformes des partis, initiées au début des années 2000 et poursuivies à la fin des années 2010, ont conduit à une érosion de la fabrique des candidats et de leur contrôle sur la sélection des candidats à la magistrature suprême (cela reste à démontrer) une fonction pourtant fondamentale selon Sartori. De plus, on observe un phénomène où le capital politique personnel gagne en importance face aux ressources partisanes traditionnelles. Ces interrogations soulèvent plus largement la question de la personnalisation de la vie politique française notamment dans une société où le désamour pour les Hommes politiques est de plus en plus fort.