Production, circulation, mobilisation des savoirs environnementaux et action publique localisée : le cas des Parcs Naturels Régionaux.

par Samuel Griffon

Projet de thèse en Sociologie

Sous la direction de Jean-Luc Deshayes.

Thèses en préparation à Tours , dans le cadre de Sciences de la Société : Territoires, Economie, Droit - SSTED , en partenariat avec CItés, TERritoires, Environnement et Sociétés (laboratoire) et de COST - Construction Sociale et politique des espaces, des normes et des Trajectoires (equipe de recherche) depuis le 28-09-2022 .


  • Résumé

    Ce projet de thèse cherche à étudier la production, la circulation et la mobilisation des savoirs environnementaux dans l'action publique localisée à partir des Parcs Naturels Régionaux (PNR). Les PNR ont été construits comme des espaces d'expérimentations qui en font des lieux originaux pour observer les relations entre savoirs et action collective depuis leur création jusqu'à aujourd'hui. Le projet intègre quatre perspectives. La première est celle de Pierre Lascoumes (2018) quand il retrace la sociohistoire de l'action publique environnementale en France. Il montre que depuis les années 1970, on assiste à la multiplication des acteurs et des expertises sur les questions environnementales. Les connaissances sont de plus en plus précises. « Cependant [pour lui], l'observation de la mise en œuvre des politiques environnementales sur le long terme incite à une grande modestie quant à l'impact des connaissances et des retours d'expérience sur la “rationalité” des décideurs. La hiérarchie des intérêts à protéger est toujours en débat. L'environnement et la qualité des milieux de vie sont toujours sous la dépendance d'une économie productiviste et des ambitions aménageuses » (Lascoumes 2018) . La deuxième concerne la définition des savoirs. Nous ne souhaitons pas nous limiter seulement aux savoirs produits par les institutions scientifiques ou dans les organismes de recherche, mais aussi par d'autres acteurs dans d'autres lieux d'expertises (technique, citoyenne, autochtone). Qui sont les producteurs, les passeurs ? Quels sont les lieux d'échange, de formation, de débat, de décision ? La circulation des connaissances et des informations environnementales transforme aussi les savoirs. Zimmerman parle « d'appauvrissement des savoirs » (Zimmerman 2008). D'autres insistent sur leur « traduction » (Callon 1986) (Lascoumes 2019) notamment au gré des « opérations d'objectivation » (Le Bourhis 2003) par lesquelles ils passent. Le troisième point concerne l'action publique. Elle n'est pas que l'action des organismes publics, mais mobilise une multiplicité d'acteurs publics à différentes échelles et d'acteurs privés et associatifs dans un processus progressif qu'ils modèlent au gré de leurs enjeux, valeurs et intérêts tout en modifiant leurs pratiques, leurs relations et leurs représentations. L'action publique participe alors à « la légitimation politique des réponses à des problèmes sociaux qu'elle définit en partie, des ressources qu'elle distribue et des formes d'organisation sociale qu'elle promeut » (Dubois 2015). Elle est à la fois vectrice et résultante de mutations sociales majeures. Enfin, des interrogations sur les échelles pertinentes, notamment locales, et sur les catégories utilisées sont nécessaires. Ainsi, la transition écologique, au-delà d'être un tournant sémantique remplaçant progressivement la notion de développement durable au sein des institutions publiques est devenue une catégorie dans laquelle doivent s'inscrire les politiques publiques. Les PNR, terrain privilégié de cette recherche Les PNR sont des lieux de production, de mobilisation et de circulation des savoirs environnementaux. Nous envisageons de mener ce projet de thèse autour d'un terrain composé de trois PNR permettant une comparaison pertinente des acteurs et des dispositifs. Nous sommes aujourd'hui en discussion avancée avec trois parcs : le PNR Loire-Anjou-Touraine, le PNR de Lorraine et le PNR des monts d'Ardèche. Dans ce dernier parc par exemple, pour lequel nous avons fait un premier travail de terrain, plusieurs légitimités scientifiques se croisent : celle d'un conseil scientifique lié à la charte des PNR, celle d'un recours à des personnalités scientifiques reconnues animant de grandes assemblées ouvertes permettant de mobiliser plus largement les différents acteurs et leurs savoirs. Le territoire est marqué par un ensemble de vestiges du passé comme les anciennes terrasses servant à cultiver dans les pentes. Cette vision entretenue par des associations et des évènements comme les « castagnades », nourrit une problématique locale celle de « la fermeture des terrasses », de « l'ensauvagement » ou de « la fermeture des paysages ». Deux dynamiques sont à l'œuvre pour expliquer ce phénomène. D'un côté le morcellement foncier, de l'autre la déprise agricole qui est devenue un enjeu important aujourd'hui en Ardèche. En plus de lutter contre l'enfrichement des parcelles par des actions de « reconquête de la châtaigneraie », le PNR rentre en discussion avec les castanéiculteurs pour mettre en place des pratiques et des normes en faveur de la biodiversité. Par exemple, le fait de laisser des arbres morts dans les cultures pour en faire des habitats écologiques. C'est aussi un parc qui jouit d'une mutualisation et d'une gouvernance interparc avec d'un côté l'IPAMAC (Interparc Massif central) et l'APARA (Association des Parcs d'Auvergne–Rhône-Alpes). Ce projet de thèse est aussi pensé en synergie avec la recherche « Agriculture Nature et Biodiversité dans la Transition des socio-écosystèmes territoriaux » (ANBioT) financée par une ANR (2019-2024) et portée par Laure Cormier, Maîtresse de conférences en géographie. ANBioT étudie les frontières perméables de la nature et de l'agriculture en tant que catégories d'action politique longtemps séparées, et réunies notamment à partir de la notion de biodiversité. Cette recherche fait l'hypothèse d'une hybridation des expertises institutionnelles et vernaculaires et s'interroge sur les conséquences pour l'action sur les territoires. En tant que syndicat mixte les parcs répondent à un fonctionnement particulier. Ce fonctionnement implique « un long travail de médiation, de mise en relation, d'écoute, d'échange de convictions… qui, peu à peu, construit une dynamique et une identité territoriale spécifique » (Cosson et Delorme 2015). Agents, directeurs, élus et conseils scientifiques doivent coconstruire le pilotage et les démarches de fonds de ces espaces naturels protégés.

  • Titre traduit

    Production, circulation, mobilization of environmental knowledge and localized public action: the case of Regional Natural Parks.


  • Résumé

    This thesis project seeks to study the production, circulation and mobilization of environmental knowledge in localized public action from the Regional Natural Parks (NRP). The NRPs were built as experimental spaces that make them original places to observe the relationships between knowledge and collective action from their creation until today. The project incorporates four perspectives. The first is that of Pierre Lascoumes (2018) when he retraces the sociohistory of environmental public action in France. It shows that since the 1970s, there has been a proliferation of actors and expertise on environmental issues. Knowledge is becoming more and more accurate. However [for him], observing the implementation of environmental policies over the long term encourages a great modesty in terms of the impact of knowledge and feedback on the “rationality” of decision makers. The hierarchy of interests to be protected is always in debate. The environment and the quality of living environments are still dependent on a productive economy and development ambitions” (Lascoumes 2018). The second concerns the definition of knowledge. We do not wish to limit ourselves only to the knowledge produced by scientific institutions or research organizations, but also by other actors in other places of expertise (technical, citizen, indigenous). Who are the producers, the smugglers? What are the places of exchange, of training, of debate, of decision? The flow of environmental knowledge and information also transforms knowledge. Zimmerman speaks of “the impoverishment of knowledge” (Zimmerman 2008). Others insist on their «translation» (Callon 1986) (Lascoumes 2019) especially according to the «objectivation operations» (Le Bourhis 2003) through which they go. The third point concerns public action. It is not just the action of public bodies, but mobilizes a multiplicity of public actors at different scales and of private and associative actors in a progressive process that they model according to their stakes, values and interests while changing their practices, their relationships and representations. Public action thus contributes to the «political legitimation of the answers to social problems that it partly defines, the resources it distributes and the forms of social organization that it promotes» (Dubois 2015). It is both a vector and a result of major social changes. Finally, questions about the relevant scales, especially local ones, and the categories used are necessary. Thus, the ecological transition, beyond being a semantic turning point gradually replacing the notion of sustainable development within public institutions has become a category in which public policies must fit. The NRPs, the privileged field of this research The NRPs are places of production, mobilization and circulation of environmental knowledge. We plan to conduct this thesis project around a field composed of three NRPs allowing a relevant comparison of actors and devices. We are now in advanced discussions with three parks: the PNR Loire-Anjou-Touraine, the PNR of Lorraine and the PNR of the Ardèche mountains. In this last park for example, for which we did a first field work, several scientific legitimities intersect: that of a scientific council linked to the PNR charter, the use of renowned scientific personalities facilitating large open assemblies to mobilize more widely the different actors and their knowledge. The territory is marked by a group of vestiges of the past such as the old terraces used to grow on the slopes. This vision maintained by associations and events such as the “castagnades”, feeds a local problem that of the “closure of terraces”, the “silting up” or the “closure of landscapes”. Two dynamics are at work to explain this phenomenon. On the one hand, the fragmentation of land, on the other, agricultural depravity, which has become an important issue in Ardèche today. In addition to fighting against the set-up of plots through «reconquest of the chestnut grove», the PNR enters into discussions with the castanelers to put in place practices and standards in favor of biodiversity. For example, leaving dead trees in crops to become ecological habitats. It is also a park that enjoys mutualisation and interparc governance with on one side IPAMAC (Interparc Massif central) and APARA (Association des Parcs d'Auvergne–Rhône-Alpes). This thesis project is also conceived in synergy with the research «Agriculture Nature and Biodiversity in the Transition of Territorial Socio-Economics» (ANBioT) funded by an ANR (2019-2024) and carried out by Laure Cormier, Lecturer in Geography. ANBioT is studying the permeable boundaries of nature and agriculture as long-separated categories of political action, based in particular on the notion of biodiversity. This research hypothesizes a hybridization of institutional and vernacular expertise and questions the consequences for action on territories. As a joint union the parks respond to a particular operation. This functioning implies “a long work of mediation, of putting in relation, of listening, of exchange of convictions… which, little by little, builds a specific territorial dynamic and identity” (Cosson and Delorme 2015). Agents, directors, elected officials and scientific councils must co-manage the management and funding of these protected natural areas.