Effets des explications neuroscientifiques sur la sévérité de la condamnation : Exploration des processus sous-jacents
Auteur / Autrice : | Stanislas Bayallal-Danne |
Direction : | Jean-Baptiste Légal |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Psychologie |
Date : | Inscription en doctorat le 22/07/2022 |
Etablissement(s) : | Paris 10 |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Connaissance, langage, modélisation (Nanterre, Hauts-de-Seine ; 1992-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Laboratoire Parisien de Psychologie Sociale |
Equipe de recherche : Psychologie sociale des comportements et de la cognition |
Mots clés
Résumé
Le premier objectif de cette thèse sera d'examiner l'influence des explications neuroscientifiques sur la façon dont nous jugeons les comportements d'autrui. Plus spécifiquement, nous défendons l'idée qu'une explication neuroscientifique réduira la sévérité de la condamnation qui sera recommandée envers l'auteur d'une infraction (en comparaison à l'absence d'explications de ce type). Cet effet sera d'autant plus grand si les explications sont accompagnées d'éléments visuels provenant de la neuro-imagerie (ex. : scanner) et si l'infraction (ex. : homicide, agression physique, insulte) est moins grave. En termes de processus, nous proposons que cet effet serait en partie expliqué par le jugement que nous avons de la responsabilité morale de l'auteur de cette infraction ainsi que de la capacité à changer son comportement à l'avenir. En effet, une explication neuroscientifique pourrait amener à penser l'auteur d'une infraction comme moins moralement responsable. Ainsi, son comportement serait déterminé par une cause cérébrale (anomalie neurologique) et ne serait pas imputable à un choix personnel et réfléchi. Le fait de considérer l'auteur de l'acte comme moins (ou pas) moralement responsable amènerait à recommander une peine moins sévère. Cependant, l'explication neuroscientifique étant particulièrement déterminante de son comportement, on jugerait également l'auteur comme moins capable (voire incapable) de changer à l'avenir. Paradoxalement, si une explication neuroscientifique nous amène à considérer l'auteur d'une infraction comme moins capable de changer son comportement à l'avenir, comment se fait-il qu'elle amène à recommander une condamnation moins sévère ? Ceci nous amène à notre deuxième objectif. Le second objectif de la thèse sera d'étudier le rôle des motivations à punir dans l'effet des explications neuroscientifiques sur la sévérité de la peine recommandée. Dans la littérature, on peut distinguer deux types de motivations à punir, basées sur deux conceptions de la justice : la justice rétributive (ou déontologiste) et la justice conséquentialiste (Shariff et al., 2014). La justice rétributive est définie comme une justice qui récompense ou châtie selon la « valeur » de l'acte commis, indépendamment du contexte. Cette justice est plus tournée vers la punition de l'acte (soit le passé). Nous faisons l'hypothèse que l'adhésion à une conception rétributive de la justice serait à l'origine de la réduction de la sévérité de la condamnation lorsque l'on présente des explications neuroscientifiques. Cette forme de justice serait en lien avec la responsabilité morale, mais décorrélée de la capacité au changement. À l'inverse, la justice conséquentialiste s'occupe en premier lieu des répercussions futures (ex. : effet sur la société, réhabilitation, etc.). Cette forme de justice expliquerait selon nous pourquoi certaines études ne mettent pas en évidence un effet des explications neuroscientifiques sur la sévérité de la peine. En effet, l'adhésion à ce type de justice focaliserait les personnes sur la faible probabilité que l'auteur de l'infraction a de changer son comportement à l'avenir, et serait décorrélée de la responsabilité morale. Finalement, cette différence de conception de la justice chez les individus pourrait être à l'origine des résultats contradictoires de la littérature en ce qui concerne l'influence des explications neuroscientifiques sur la sévérité de la condamnation. Ces conceptions de la justice peuvent varier en fonction des caractéristiques des individus (ex. : âge, catégories socioprofessionnelles, orientation politique, etc.) ou encore de la perspective de la personne qui juge l'auteur de l'infraction (ex. : juge, avocat, juré, simple observateur, proche de la victime, etc.). Nous proposons également de faire varier la capacité de l'auteur de l'infraction à changer son comportement, à travers la réversibilité (ou l'irréversibilité) de ses troubles neurologiques (ex. : en envisageant une opération pour retirer une tumeur qui agit sur ses comportements agressifs).