Thèse en cours

Le basculement vers une politique zero waste d'un territoire rural sujet à de fortes inégalités socio-économiques.

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Auteur / Autrice : Maxence Mautray
Direction : Olivier Chadoin
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Sociologie
Date : Inscription en doctorat le 10/11/2020
Etablissement(s) : Bordeaux
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sociétés, politique, santé publique (Talence, Gironde ; 2011-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre Emile Durkheim

Résumé

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Bien qu'elles ne représentent que 9% de l'ensemble des déchets produits, la réduction des ordures ménagères occupe, à présent, une place centrale dans la politique environnementale de l'Union européenne, et sa traduction à l'échelle nationale. Les collectivités territoriales en charge de la collecte et du traitement de ces déchets sont ainsi de plus en plus nombreuses à adopter des politiques dites ''incitatives'', visant à engager un changement de comportements liés aux déchets chez les habitants, tout en se réformant au moyen d'instruments d'action publique de natures financières, communicationnelles et techniques. Sommes-nous tous égaux face à l'adhésion et la mise en œuvre du zéro déchet au quotidien ? Comment le zéro déchet comme politique publique est-il perçu et vécu par la population-cible ? Cette thèse prend pour cas d'étude le déploiement d'une telle politique par un syndicat mixte, dans un territoire à dominante rural, dont la population est sujette à un phénomène de pauvreté-précarité. Par l'exploitation d'un questionnaire et la passation d'entretiens, la question de la gestion des déchets est interrogée dans sa dimension routinière, par le récit des habitudes quotidiennes, mais aussi dans sa dimension politique, par le récit de la perception d'un service public en refonte et des efforts à fournir pour adopter le zéro déchet. Il en ressort, premièrement, que l'adhésion au discours zéro déchet, qui est souvent désignée par la rhétorique du ''déclic'', ne dépend pas réellement d'une prise de conscience contingente, mais bien de dispositions sociales inhérentes au capital culturel et aux origines sociales et géographiques des individus. Les classes moyennes supérieures et aisées se montrent ainsi plus enclines à adopter le zéro déchet, dans sa forme promue par l'institution étudiée. Pour autant, les classes modestes ne semblent pas dénuées de considérations écologiques concernant les déchets, mais en appellent à des univers de références différents, ce qui les étiquète comme des individus à ''éduquer'' en priorité. De plus, les conditions matérielles et symboliques dans lesquelles se déploie le style de vie, qui structurent les routines de consommation, l'organisation domestique et, in fine, la gestion des déchets, sont déterminantes dans la compréhension de la mise en œuvre potentielle du zéro déchet par les ménages. Loin de ne dépendre que d'une éventuelle ''motivation'', l'engagement dans cette démarche nécessite de disposer de ressources socio-économiques (capitaux économique et social) et spatiales (mobilité, taille et type de logement) inégalement réparties dans la population. Ensuite, la mise en œuvre de cette politique incitative semble générer de fortes résistances dans la population. Nous l'expliquons tout d'abord par la perception négative qu'ont les ménages de l'individualisation de la relation entre le service public et les usagers. Ces derniers considèrent que la transformation concrète des missions du syndicat (arrêt de la collecte, discours didactique, individualisation de la facture, etc.) symbolise un retrait de ce dernier, dans des zones rurales déjà perçues comme abandonnées par les services de l'État. Enfin, la réduction des déchets au quotidien représente un effort environnemental vécu comme injuste par une large part de la population. Selon les usagers rencontrés, l'application uniforme du principe du pollueur-payeur aux déchets est inadaptée, dans la mesure où les ménages ont conscience d'être bien moins pollueurs que d'autres acteurs auxquels ils se comparent, comme les industries ou les grandes fortunes, par exemple. En cela, les individus démontrent leur faculté à juger l'effort de réduction à l'aune d'un principe de justice, que l'on peut résumer ainsi : « chacun doit contribuer en fonction de son impact sur l'environnement ». Cette thèse participe ainsi à l'étude des résistances individuelles et collectives aux réponses politiques et sociales à la crise climatique, mettant en exergue tout autant les potentielles inégalités sociales qu'elles amplifient ou participent à reproduire, que les sentiments d'injustices qu'elle génèrent dans la population.