Thèse soutenue

Usage et mésusage des antibiotiques chez les enfants de moins de 5 ans au niveau des centres de santé primaire en Afrique de l’Ouest et du Centre

FR  |  
EN
Auteur / Autrice : Emelyne Gres
Direction : Renaud BecquetValériane Leroy
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Santé publique Option Epidémiologie
Date : Soutenance le 25/10/2024
Etablissement(s) : Bordeaux
Ecole(s) doctorale(s) : Sociétés, Politique, Santé Publique
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Bordeaux population Health
Jury : Président / Présidente : Xavier Anglaret
Examinateurs / Examinatrices : Carlo Giaquinto, Didier Koumavi Ekouevi, Françoise Renaud
Rapporteur / Rapporteuse : Maryline Bonnet, Tessa Goetghebuer

Résumé

FR  |  
EN

Dans les pays à revenus faibles et intermédiaires (PRFI), les maladies infectieuses sont la principale cause de mortalité infantile, faisant des antibiotiques un pilier essentiel des soins médicaux. Cependant, l'utilisation croissante de ces médicaments s'accompagne souvent de prescriptions inappropriées, principalement en raison du manque de personnel formé et de moyens diagnostics. L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) met en garde contre l'usage irrationnel des antibiotiques. Une exposition inutile à ces médicaments augmente le risque d'effets indésirables graves, alourdit les coûts des soins de santé et contribue à l’émergence de l’antibiorésistance. Malgré ces enjeux, l'absence de systèmes de surveillance des pratiques de prescriptions entraîne un manque de données, notamment pour la population pédiatrique, limitant la mise en place d’interventions adaptées. Mon travail de doctorat a consisté à décrire et quantifier l'usage et le mésusage des antibiotiques chez les enfants malades de moins de 5 ans dans les centres de santé primaire (CSP) en Afrique de l'Ouest et du Centre. Dans le cadre du projet AIRE qui a mis en œuvre l’utilisation de l’oxymétrie de pouls (OP) dans les consultations de Prise en Charge Intégrée des Maladies de l’Enfant (PCIME), nous avons analysé les pratiques de prescriptions d’antibiotiques de 15 854 enfants malades de moins de 5 ans consultant des CSP publics du Burkina Faso, de la Guinée, du Mali et du Niger (06/2021 – 07/2022). Les résultats montrent des taux élevés de prescription d’antibiotiques chez les enfants (2 - 59 mois), s’élevant à 71 % au Burkina Faso, 66 % en Guinée, 63 % au Mali et 36 % au Niger. Chez les nouveau-nés (0 à 59 jours), les proportions étaient aussi élevées, atteignant 83 % au Burkina Faso. La grande majorité des antibiotiques prescrits appartenaient au groupe Access de la classification AWaRe, associé à un faible risque de développement de résistances bactériennes. Ces résultats sont positifs et conformes au seuil fixé par les recommandations de l'OMS qui accompagnent la classification AWaRe. L’analyse de l’adéquation des prescriptions par rapport aux recommandations PCIME des différents pays révèle des pratiques de mésusage des antibiotiques. D'une part, on observe des taux alarmants de surprescription, définie par la prescription d'antibiotiques à des enfants inéligibles d’après leur classification PCIME. Parmi les enfants inclus dans le projet AIRE, 49 % des nouveau-nés et 25 % des enfants ont reçu une surprescription d'antibiotiques. Le jeune âge, les symptômes respiratoires et un test paludisme négatif ou non réalisé sont des facteurs associés à cette surprescription, reflétant des pratiques de prescription présomptives. D'autre part, nos analyses révèlent des opportunités manquées de traitement par antibiotique chez les enfants qui en nécessiteraient selon les recommandations PCIME. Parmi les nouveau-nés ayant consulté, 7,5 % n’ont pas reçu d’antibiotiques alors qu’ils étaient éligibles. Chez les enfants âgés de 2 à 59 mois, ce taux atteint près d’un enfant sur 10. Enfin, dans un contexte différent, l'essai clinique randomisé mené en République Démocratique du Congo (07/2019 – 01/2020) sur la prise en charge simplifiée de la malnutrition aiguë (OptiMA) nous a permis d’étudier la prévalence de la consommation d'antibiotiques. Pendant le suivi, 17,8 % des 482 enfants atteints de malnutrition aiguë sévère ont reçu au moins un antibiotique, sans différence significative entre le protocole standard et le protocole OptiMA. Ces études démontrent clairement la fréquence élevée des prescriptions d'antibiotiques chez les enfants consultant les CSP dépourvus de moyens diagnostiques, dont une grande partie est injustifiée, soulignant un besoin d’interventions. Nous avons donc mené une revue systématique de la littérature pour recenser les programmes de gestion des antibiotiques disponibles en contexte pédiatrique dans les PRFI (…).