Aux origines de l'islamisation du politique
Auteur / Autrice : | Moulay Ali El yousfi alaoui |
Direction : | Jean-Noël Ferrié |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Science politique |
Date : | Inscription en doctorat le 01/11/2021 |
Etablissement(s) : | Bordeaux |
Ecole(s) doctorale(s) : | Sociétés, Politique, Santé Publique |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Les Afriques dans le Monde |
Mots clés
Mots clés libres
Résumé
Aux origines de l'islamisation du politique Projet de thèse de doctorat En 1924, Mustapha Kamal sonne le glas du Califat ottoman, l'empire islamique. Un an après, l'égyptien Ali Abderraziq publie son livre « al-islam wa ûsûl al hukm » (l'islam et les fondements du pouvoir) dont la thèse était de remettre en question la relation entre islam et politique. Il y considère que le califat n'avait rien de religieux : un pouvoir purement séculier. Cependant, la machine de la remise en place d'un Etat islamique était déjà en marche bien avant. En effet, le prédicateur saoudien Mohamed Ibn Abd al-wahhab s'associe à Muhammad Ibn Saoud avec le pacte Nadjd en 1744 , et les deux se lancent dans une conquête de tribus dans l'objectif d'établir un Etat islamique. Ce mouvement, qui débouchera sur la création du royaume de l'Arabie saoudite en 1932, se verra renforcé par la fondation de la confrérie des Frères musulmans en 1928 par Hasan al-Banna, et dont le but n'était autre que d'uvrer pour le rétablissement du califat, démantelé par l'Occident colonial. Un siècle avant cette agitation, l'expédition de Napoléon (1798-1801) avait conduit Mehmet Ali, gouverneur de l'Egypte sous les Ottomans, à déclencher un mouvement effréné qui sera appelé « Nahda » (renaissance), et dont les figures emblématiques étaient, entre autres, Rifâ'a at-Tahtâwi, Kheïr ad-Dîne at-Tûnsî, Jamâl ad-Dîn al-Afghânî, Mohamed Abdhûh. Bien que ces acteurs aient été ouverts sur l'Occident et son avancée fulgurante à tous les niveaux, et en dépit de leur volonté de rattraper cet Occident envié et désiré, ils avaient le regard, plus au moins rivé sur le passé « glorieux » de l'islam qu'ils voulaient faire renaître. Cette frénésie va être confortée par la recherche dans le passé califale d'une force d'unification face au colonisateur (Allal al-Fassi, Abdelhamid ben Bâdis, entre autres). Cela conforte les aspirations des Frères musulmans, lesquels n'épargnent aucun effort pour réaliser une expansion horizontale et verticale sur les villes et les villages d'Egypte. Ils uvrent à « islamiser la société par le bas dans l'objectif de prendre le pouvoir par le haut », et mettre en place l'Etat islamique. A partir des années 1970, ces revendications/ aspirations vont émerger au grand jour à travers des véritables bras-de-fer : la prise d'otages à la Mecque , la révolution islamique en Iran la même année, l'Assassinat du président égyptien Anouar As-Sadat , la floraison d'associations islamistes de prédication, la victoire du Front Islamique de Salut (FIS ) au premier tour des élections législatives en Algérie, et enfin le développement d'un projet d'Etat islamique élaboré depuis l'Afghanistan par le palestinien Abdellah Azzâm, l'égyptien Ayman Dhawahiri et le saoudien Oussama ben Laden. Ce projet enfantera d'abord l'Organisation Internationale pour rassembler les djihadistes qu'ils appellent 'Al-Qâidah (la base), puis Daech (EIIL ), lequel annonce le « rétablissement du califat », avec tout ce qui a précédé et accompagné ces deux organisations en termes d'attentats meurtriers contre les « mécréants » et les « tièdes ». Cette fixation sur le projet d'Etat islamique trouve sa légitimation dans la représentation d'un « glorieux » passé califal, et d'un « Âge d'or musulman » mythifié. Une légitimation nourrie par des historiens et essayistes arabes et occidentaux qui déduisent hâtivement que l'islam est une religion qui se distingue des deux autres monothéismes, et notamment du christianisme par la vocation à gérer non seulement le spirituel et le temporel (Dîn wa Dûnia), mais aussi le spirituel et le politique (Dîn wa Dawla) . Ces auteurs considèrent que la charte de Médine, que certains élèvent au statut de constitution, les interdits en tous genres dans le Coran, et la ligne de conduite fixée par ce dernier à ses fidèles, sont des éléments qui font de l'islam une religion globale : spirituelle, sociale, économique et politique : « À la Mecque, Muhammad n'avait été qu'un homme prêchant une foi nouvelle, malgré l'indifférence ou l'hostilité des autorités ; à Médine, il est d'abord un chef, puis un dirigeant, investi des pouvoirs politique et militaire aussi bien que religieux ». Quant à Ali Abd ar-rraziq , Mohamed Saïd al-Achmaoui , Khalil abd al-Karim , Sayyid al-Qimnî , ils s'accordent pour dire que l'islam n'a pas vocation à établir un Etat, et que le Prophète a constitué une communauté (Umma) et non pas un Etat. D'ailleurs, Abdou FILALI- ANSARY pense que la confusion entre Umma et Etat est en partie à l'origine de ce malentendu nourri par certains observateurs et historiens . Ces deux représentations de l'islam, qui sont aux antipodes l'une de l'autre, vont dans le sens du point de vue de Paul Veyne, à savoir que : « L'histoire n'est qu'un récit qui se veut véridique et « trie », simplifie, organise, fait tenir un siècle en une page », et que « tout travail historique est partiel et subjectif ». C'est pour cette raison que nous considérons, avec lui, que l'histoire n'est qu'une affaire de curiosité, et que ces débuts de l'islam recèlent des données à explorer afin de mettre en exergue la nature spirituelle de la religion musulmane. L'islam ne peut être un projet politique pour ce bas monde, mais une religion du salut dans l'au-delà, salut qui s'obtient par le respect de la morale dans cette vie-ci. La question de savoir si l'islam est une simple religion comme il en existe d'autres, ou une religion qui a pour vocation d'établir un Etat musulman, suscite beaucoup d'intérêt, notamment aujourd'hui, avec les revendications de l'islam politique. C'est pour cela que nous entreprenons de revenir au tout début de cette religion, et bien avant, pour interroger les données historiques et les analyser dans un souci de montrer / démontrer comment l'organisation du pouvoir dans la période préislamique, et les intérêts ethniques, tribaux et économiques se sont greffés progressivement sur la religion musulmane, notamment dans sa phase médinoise (622-632), pour y trouver une légitimation nouvelle. Mais aussi, comment le pouvoir séculier établi après le décès de Muhammad (632) a uvré progressivement à s'octroyer une « légitimité » islamique. En d'autres termes, nous tenterons de démontrer par quels mécanismes l'organisation du pouvoir préislamique a muté, et s'est pérennisée dans l'Etat dit islamique avec des tentatives de légitimation religieuse qui prend à chaque fois la couleur du pouvoir en place. Et pour ce, nous comptons articuler notre travail de thèse autour des axes suivants : I- Le berceau de l'islam : organisation socio-économique et importance du religieux II- L'islam mecquois (610-622) : une prédication rhétorique et métaphysique III- L'islam médinois (622-632) : Une Communauté ou un Etat ? IV- Le califat (des califes dits bien-guidés) : une affaire séculière V- La grande discorde : le retour aux rivalités tribales VI- Le bouleversement du XIXème siècle (Les penseurs de la Nahda, renaissance) I. Le berceau de l'islam : organisation socio-économique et importance du religieux Cette étape vise à étudier le phénomène muhammadien dans son évolution afin de chercher des explications aux changements que le prophète de l'islam a opérés (lui ou son prêche) au sein de cette organisation. Quelle a été la nature des risques et des enjeux qui ont conduit au bannissement de Muhammad ? La plus grande partie de la péninsule arabique, berceau de la révélation, était recouverte de steppes et de déserts, ponctués d'oasis isolées là où il y avait assez d'eau pour une agriculture régulière. Les habitants parlaient plusieurs dialectes arabes et avaient trois modes de vie différents : des nomades (bédouins) qui élevaient des chameaux, des moutons ou des chèvres, des agriculteurs dans les oasis, et des commerçants et artisans dans les petites villes-marchés. Entre nomades et agriculteurs, l'équilibre restait précaire, car les premiers, mobiles et armés, et regroupés autour d'un chef de famille (tribu), dominaient cultivateurs et artisans. Mais dans les oasis, d'autres familles établissaient une autorité fondée sur la puissance religieuse. En effet, des familles gardaient les haram, sanctuaires où habitaient les dieux locaux, qui servaient de centre de pèlerinage, de sacrifice et d'arbitrage. Ces familles pouvaient devenir puissantes et influentes, si elles usaient aussi bien de leur prestige religieux et de leur rôle d'arbitre des conflits tribaux que d'opportunités commerciales qui s'offraient à elles. D'ailleurs, le Qurayshite Qussay ibn Kilâb (m. 480) avait très tôt compris l'importance de la légitimation du temporel par le spirituel, et exhorté sa tribu à s'occuper de la Kaba afin de bénéficier de la sécurité et du respect des autres : « Voulez-vous tous habiter au sein du sanctuaire autour de la Ka'ba ? Les Arabes s'interdiront alors de vous faire la guerre, ils ne pourront plus vous chasser, vous y habiterez et gouvernerez les Arabes à jamais ». Ou encore : «Ô, vous les Quraychites, vous êtes les voisins de Dieu et de son sanctuaire, les pèlerins sont les visiteurs de la maison de Dieu ; ils sont les hôtes de Dieu, et les hôtes de Dieu sont ceux qui méritent le plus la générosité. Je vous exhorte tous à contribuer à leur assurer à boire et à manger pendant toute la durée de leur pèlerinage. ». Qussay transforma ainsi la tribu de Quraysh : d'une tribu faible résidant dans les montagnes, les oueds et les alentours de la Mecque, elle devint une tribu détentrice du pouvoir et de la richesse dans la capitale religieuse sacrée, et qui put, par la suite, habiter au sein même du sanctuaire et devenir la plus noble des tribus de la péninsule arabique. Ce régime va être doté progressivement d'institutions politiques (justice, safâra [représentation auprès d'autres tribus, messages], politique extérieure et organisation de l'armée), et pérennisé jusqu'à l'avènement de l'Islam qui considérera comme caduques non seulement les croyances païennes, mais aussi les deux religions monothéistes, le Judaïsme et le Christianisme. L'abolition du sacré de Quraysh fut évidemment accompagnée d'une mise à mal des intérêts qui en découlaient. C'est par cette double perte que l'on peut expliquer, en partie, l'opposition acharnée des familles influentes de la Mecque à la nouvelle religion et à son Prophète, une opposition qui va contraindre ce dernier, en l'an 622/1 de l'hégire, lui ainsi que les quelque soixante familles de ses partisans « al-Muhâjirûn » (les émigrants), à l'émigration vers Yathrib, future Médine où les jalons d'un embryon d'« Etat » vont être posés. II. L'islam mecquois (610-622) : une prédication rhétorique et métaphysique Dans ce deuxième axe, nous tenterons de mener une double investigation, - la nature de l'organisation sociale et économique de la Mecque au premier quart du VIIème siècle d'une part, et la menace que pourrait représenter la prédication de Muhammad de l'autre-, et ce afin d'essayer de comprendre la nature du conflit qui a conduit au bannissement de celui-ci et à son émigration, lui et la soixantaine de partisans de Mecquois qui ont embrassé la toute nouvelle religion. Nous verrons qu'après avoir fait montre de patience face à la dissidence interne et au discours coranique qui la vouait aux feux éternels de l'enfer, Quraysh a d'abord riposté par l'ironie et le sarcasme, avant de procéder au boycott des Banû Hâshem, et de passer aux agressions des plus faibles des partisans du prophète, et enfin au bannissement de Muhammad. En effet, la Mecque, comme le précise HICHEM DJAÏT , était l'épicentre du paganisme, la pierre angulaire du dispositif cultuel et du réseau des tribus environnantes, et si les maîtres de Quraysh s'étaient islamisés, toutes ces tribus, hostiles à la prédication, auraient été entraînées : Khuzâa, al-Qâra, les Ahâbîsh, Kinâna, Thaqif et Hawâzin. C'était l'ensemble de la configuration cultuelle païenne qui devait être réformé, sachant que l'islam en cette période était une prédication rhétorique, intellectuelle et métaphysique qui n'avait montré aucune aptitude à organiser le vivre-ensemble. La Mecque avait acquis depuis Qussay, comme nous l'avons mentionné plus haut, un prestige en tant que pièce maîtresse du paganisme arabe, gardienne du bayt et du haram et site du pèlerinage, et était donc loin de faire concession à cette nouvelle religion. Car reconnaître la prophétie de Muhammad revenait à admettre que, dans l'exercice du pouvoir social, la primauté lui revenait en tant qu'Envoyé de Dieu lui-même. Aussi, Quraysh demeurera païenne, et son adhésion à l'islam ne se fera que plus tard sous la contrainte, loin de la conviction profonde et de l'enthousiasme pour les valeurs nouvelles qui animaient les croyants et les émigrants de la première heure. III. L'islam médinois (622-632) : Une Communauté ou un Etat ? III.1. Le pacte d'Al-'Aqaba De prime abord, la question qui nous intéresse est de savoir ce qui a motivé les Médinois à embrasser cette religion à laquelle les Mecquois se sont opposés corps et âmes. Les réponses sont à la fois d'ordre religieux et social. D'abord, le paganisme ne représentait pas à Médine un obstacle insurmontable ; « Les gens de Médine n'avaient pas le même orgueil ni les mêmes soucis. Idolâtres comme leurs congénères, ils n'avaient ni himâ ni haram, et se contentaient du culte de Manât, dont le siège, à Hudyda, était proche de Médine » . En plus, les gens de Yathrib (devenue Médine) étaient familiarisées avec le monothéisme et les écritures saintes, grâce aux Juifs qui y étaient établis. Ensuite, les habitants de Médine étaient à la recherche de l'homme providentiel susceptible de ramener la paix chez eux. Car leur communauté était déchirée par des rivalités entre groupes hostiles. Quant à Muhammad, il avait abandonné demeure et biens pour un saut dans l'inconnu, et n'avait plus de tribu pour lui garantir une protection et lui conférer une identité. C'est pourquoi il avait insisté, lors du pacte d'AlAqaba, pour être protégé « comme vous protégez vos femmes et vos enfants ». C'est à partir de ce pacte que commence la mise en place d'une communauté supra-tribale transcendant les liens du sang. Il s'agit d'une Umma qui a fait allégeance à Muhammad et lui a promis protection. Cependant les Ansâr (partisans médinois), précise Hicham Djaït , n'ont en aucune manière prêté serment pour combattre, dans l'immédiat ou plus tard, aux côtés du Prophète. Leur préoccupation première était de retrouver la paix, l'ordre et l'unité chez eux. Ils misaient sur le Prophète pour y parvenir. Celui-ci, de son côté, ne pouvait songer à la guerre. D'ailleurs, à la veille de Badr, Muhammad ne voulait pas entraîner les Médinois dans une campagne guerrière, mais uniquement piller la caravane de Quraysh. III.2. La charte de Médine En 624, Muhammad a fait signer une Sahifa, ou ahd (pacte) entre les Ansar représentant les huit tribus de Médine ralliées à l'Islam, le clan des émigrés (Muhâjirûn), et les tribus juives de Médine. Nombreux sont les auteurs qui ont considéré ce pacte comme étant une « constitution » marquant la naissance du premier Etat musulman. Or, Mohammed Saïd al-Achmaoui nous fait remarquer qu'une lecture attentive de ce pacte nous permettra de sortir de cet amalgame : Ce pacte ressemble dans son contenu, ses termes et expressions à ceux que concluaient les tribus arabes de la période préislamique après leurs guerres ; Il ne mentionne ni ne fait référence à aucun moment aux versets coraniques ; Il conserve à chaque branche de tribu sa propre unité, ce qui en fait une alliance tribale ; Il n'a pas rassemblé l'ensemble des groupes dans un nouveau système islamique ou dans de nouvelles traditions et éthiques islamiques. Ainsi, Mohamed Saïd al-Achmaoui en conclut que ce pacte demeure un document arabe tribal qui comporte le style, la méthode et le système préislamiques, car tout simplement l'Islam n'avait pas encore engendré ses règles d'organisation ni détaillé son propre cadre. Il convient enfin de souligner que le terme hukm , sur lequel s'appuient les partisans de l'islam politique pour prôner un retour au « modèle » de gouvernement du Prophète et des successeurs « bien guidés », ne signifiait ni pendant la période préislamique, ou dans la poésie de cette époque, ni pendant la période du Prophète, ou dans le Coran, le pouvoir politique/ le gouvernement, mais tout simplement le fait d'intervenir en tant que sage et arbitre dans les conflits entre les individus. D'où le terme hakam (arbitre), toujours d'usage. Quant à la politique, elle était désignée par le terme amr , signifiant chose, affaire, question. D'ailleurs, c'est dans ce sens qu'Abu Bakr dit : « J'aurais aimé le jour du saqîfat banî saïda, mettre ce « amr » sur la responsabilité de l'un des deux hommes (Omar ibn al Khattâb et Abu Ubaida bnu al-Jerrâh), qu'il serait « amir » (commandeur) et je serais « wasir » (ministre) ». Il en résulte que le Prophète n'était ni souverain, ni roi, ni sultan ; il gérait tout ce qui était en relation avec la religion : défendre l'islam, instaurer la chari'a et régler les différends entre les musulmans en tant qu'arbitre et non chef d'Etat. « Non !... Par ton seigneur ! Ils ne seront pas croyants aussi longtemps qu'ils ne t'auront pas demandé de juger de leurs disputes et qu'ils n'auront éprouvé nulle angoisse pour ce que tu auras décidé, et qu'ils se soumettent complétement (à ta sentence) ». Cependant, Muhammad, censé n'être qu'un arbitre, s'est progressivement octroyé une fonction de chef ; et le Coran lui-même est devenu à Médine « une espèce de journal où étaient publiés les ordres du jour aux troupes, émises les sentences sur les questions d'ordre intérieur, expliquées les vicissitudes fastes et néfastes de la lutte. ». À cet égard, MAXIME RODINSON souligne que l'organisation de la vie de la communauté médinoise dépendait toujours des mêmes autorités qu'autrefois : les chefs et les conseils de chaque tribu et chaque clan. Le gouvernement de la communauté ne pouvait, ajoute-t-il, se faire qu'à la manière traditionnelle arabe, par la négociation avec tous ceux qui détenaient quelques parcelles d'autorité, les chefs de tribus, de clans, de familles, et avec les individus eux-mêmes qui ne pouvaient être contraints qu'en observant un certain nombre de règles coutumières et une procédure souple et habile . Notre travail, à ce stade, consiste à montrer comment « la révélation » est intervenue à chaque fois que Muhammad en avait besoin pour perpétuer une organisation préislamique ou légitimer les quelques réformes introduites par lui et consenties par la communauté. Que ce soit en matière d'expédition, de politique extérieure, de gouvernement de la communauté ou de trésor public, Muhammad est loin d'avoir inventé un nouveau système, il a plutôt islamisé (légitimé par l'islam) une organisation du pouvoir préexistante en lui apportant parfois quelques ajustements qui répondaient à l'évolution de la communauté sans pour autant la bouleverser. IV. Le califat (des califes dits bien-guidés) : une affaire séculière Après une longue maladie, le Prophète Muhammad meurt en l'année 632, sans avoir désigné de successeur ni laissé de recommandation à ce sujet. Les Médinois (Ansâr), qui avaient accueilli le Prophète en 622, ont considéré que la période prophétique était finie avec la mort de Muhammad, et ont procédé à la désignation de leur chef en la personne de Saad ibn Ûbâda. Les Mecquois (Muhâjirûn), ayant appris la nouvelle, les ont rejoints à la saqîfat des Banû sa'ïda et, au lieu de discuter d'une éventuelle prolongation de l'ère prophétique, les Muhâjirûn ont considéré que ce « amr » (chose) était toujours entre les mains des Quraysh et devait le rester. Aucune des deux communautés n'a trouvé dans le Coran, ni dans quelconques recommandations du Prophète, de soutien à sa position. Omar ibn al-Khattâb prêta serment à Abû Bakr en lui disant : « Le prophète t'avais choisi pour notre Dîn (religion), pourquoi alors ne te choisirons-nous pas pour notre Dûnia (vie ici-bas) », forçant ainsi la main aux Ansâr. Il est à noter que Omar limita clairement la fonction d'Abû Bakr dans la gestion du séculier. Quant à Sad ibn Ûbâda, il sera agressé par les Muhâjirûn et ne reconnaîtra jamais aucun des deux califes, Abû Bakr et Omar, jusqu'à sa mort au Shem, où il s'était exilé après que Omar l'eut chassé de Médine. La famille hachémite (Ali & Fatima), quant à elle, a été exclue des négociations en n'en étant pas informée. D'ailleurs, Fatima ne prêtera jamais serment, jusqu'à sa mort, six mois après le décès de son père, à Abû Bakr. Quant à Ali, il le fit, contraint, après le décès de son épouse. Si l'islam avait pour vocation d'établir un Etat islamique, pourquoi alors Dieu, l'omniscient, ne l'a-t-il pas mentionné ? Pourquoi les Ansâr allaient-ils choisir un chef parmi eux ? Pourquoi les successeurs du Prophète avaient-ils eu tant de mal à s'entendre sur sa succession ? Et pourquoi Fatima s'était-elle opposée à la personne qui allait poursuivre l'uvre (la mise en place d'un Etat) de son défunt père ? Quant aux causes de l'exclusion d'Ali et Fatima des négociations, et leur privation par Abû Bakr de l'héritage du Prophète, il faut les chercher dans les conflits antérieurs entre Abû Bakr et Aicha d'un côté, et Ali et Fatima de l'autre, notamment depuis l'affaire du collier . Abû Bakr enfoncera le clou en excluant Ali de sa propre succession. Il décide avant sa mort que Omar sera le deuxième calife. Cette marginalisation des Hachémites (âl-al-beyt) nous permettra de retourner aux origines sociales de ce qui, plus tard, va devenir le chîisme. Pour ce qui est de la guerre dite d'apostasie, elle représente l'événement clé qui va permettre à Abû Bakr de doter son pouvoir séculier d'une certaine « légitimité religieuse ». En effet, le refus de certains musulmans de payer l'aumône à Abû Bakr, l'abjuration de certaines tribus arabes, et l'émergence de nouveaux prophètes susceptibles de faire concurrence à la communauté établie par Muhammad (Musaylima au Nadjd et Sajja au nord de la péninsule), tout cela représentait une sérieuse menace pour l'économie, voire la subsistance de la communauté musulmane . Abû Bakr déclare la guerre sainte à tous les dissidents et s'octroie ainsi une « légitimité religieuse ». Il obtient victoire et lance la communauté arabe dans les conquêtes des territoires sassanides à l'est, byzantins au nord et égyptiens au nord-ouest. La communauté musulmane est devenue communauté arabe avant tout, avec un pouvoir central, un territoire, une armée, une administration des impôts, une langue officielle -l'arabe- et une couverture religieuse, l'islam. L'Etat arabo-islamique est né. Pendant les dix années qui suivent la mort d'Abû Bakr, les Hachémites resteront toujours à la marge du pouvoir. Le troisième calife poursuit l'uvre de son prédécesseur, et les Arabes cumulent les conquêtes, et avec elles, les richesses, si bien que « le seul cavalier pouvait obtenir après certaines razzias, la somme de 30000 pièces d'or. ». L'arrivée dUthmân au pouvoir, dans des circonstances faussement démocratiques , marque un tournant dans l'histoire de la rivalité entre Hachémites et Omeyyades. Rappelons ici que le patriarche Omeyyade Abû Sufiâne était le chef de file de l'opposition au Prophète à la Mecque, et que les Mecquois ne se sont soumis à l'islam que contraints et forcés par l'épée de Muhammad. Cette vieille rivalité va resurgir avec l'omeyyade Ûthmân, qui, bien que vieux compagnon et gendre de Muhammad, va ouvrir les portes du pouvoir et de l'enrichissement au profit de son lignage, ce qui va lui attirer l'hostilité non seulement des Hachémites mais aussi d'une large frange de la communauté musulmane en Irak et en Egypte. D'ailleurs, ce sont des révoltés égyptiens qui vont l'assiéger puis contribuer à son assassinat en l'an 656. Un assassinat qui marquera le point de départ des scissions au sein de la communauté islamique. V. La grande discorde : le retour aux rivalités tribales A la suite de l'assassinat dÛthmân, Mu'âwiyya réclame l'héritage matériel et immatériel d'Uthmân . Il accuse Ali d'être derrière l'assassinat du calife. Aicha, qui accuse Ûthmân d'avoir travesti l'héritage califal de son père, se range aux côtés des compagnons Talha et Zûbeïr (destitués par Ali de leurs postes de gouverneurs) pour faire la guerre à Ali (Bataille du chameau). Les deux compagnons y laisseront la vie, et Aicha, amnistiée par Ali, rentre bredouille chez elle. À ce stade de l'histoire islamique, 24 ans seulement après la mort du Prophète, on ne parle de religion que pour accuser l'adversaire politique. Les deux armées de Muâwiyya et d'Ali s'affronteront à Siffin. Mais voyant qu'il allait perdre la bataille, Muâwiyya recourt à la ruse : hisser des feuillets du Coran sur les lances pour réclamer un armistice et un arbitrage. Ali accepte la proposition au grand dam de ses partisans dont une partie fait scission, donnant ainsi naissance au courant des mûhakkima , al-Khawârij. Ces derniers, appelés al-qurra' - les lecteurs - font une lecture littérale des versets coraniques et aspirent à établir un Etat qui aura pour constitution le Coran. Ils seront les premiers initiateurs du principe de l'Etat islamique, et de fait, les inspirateurs des différentes organisations radicales de nos jours. Ce courant survivra à la bataille menée contre lui par Ali à Nahrawan, et parviendra même à établir des entités en Irak, au Yémen, en Algérie, mais surtout au Sultana dOman, où ils coexistent jusqu'à nos jours avec Sunnites et Chiites. Quant à Ali, il sera assassiné en 661 par un khârijite (Abderrahmane ibn Muljim), alors qu'il s'apprêtait à guider la prière de l'aube. Son fils al-Hassan lui succèdera au califat, mais finira, un an après, par abdiquer au profit de Muâwiyya, après une transaction douteuse . À partir de cette date, les Omeyyades deviennent les seuls maîtres de la communauté arabo-islamique, et ne lâcheront les reines que forcés par les Abbassides en 750. Ils auront ainsi massacré al-Hussein, deuxième fils d'Ali, et pratiquement toute la descendance du 4ème calife, assiégé Médine où Abdellah ibn Zûbeïr s'était proclamé calife, attaqué la Mecque et détruit la Kaba, sans parler des autres guerres contre les différents dissidents. Tout au long de cette période, les partisans dAli se sont constitués en courant politico-religieux réclamant l'Imama (califat), qu'ils cherchaient à légitimer par l'interprétation de versets coraniques et l'invention de hadiths (paroles du prophète) légitimant leur revendication. De leur côté, les Omeyyades ont trouvé des Uléma qui justifient leur prise du pouvoir par des versets détournés de leur sens premier et des hadiths commandés sur mesure. Une littérature de légitimation a proliféré de part et d'autre, et chacune des trois factions (Omeyyade, Chîite et Kharijite) a cherché à démontrer, Coran et hadith à l'appui, qu'elle était la vraie héritière du modèle muhammadien. Mais, ayant soumis la majorité des musulmans, les Omeyyades se sont autoproclamés continuateurs du modèle califal, et se sont nommés ahl as-sunna. En fait, les contours de la sunna ne seront établis que pendant la période abbasside au début de IXème siècle, avec Sûfiân ibn Uyayna (m. 811), avant d'être renforcés au Xème siècle par Abû al-Hassan al-Acharî (873-935) qui formulera les prémices de la théorie politique sunnite, dans le cadre de ceux qu'il appellera Ahl al-haqq wa as-sunna ou Açhâb al-hadith wa ahl al-jamâa wa as-sunna (les gens de la vérité et de la voie orthodoxe ou Les gens du Hadith, de la communauté et de la sunna). Le principe était de se distinguer, d'une part, des deux factions politiques opposantes, Khârijites et Chiites, et, d'autres part, des différents courants de théologie spéculative, à savoir les Qadarites, les Murji'ites et les Mutazilites. L'idée principale en étant : 1. L'affirmation de la légitimité du califat des quatre premiers califes (ordre, moyens d'accès et actes/exercice) ; 2. La sacralisation des califes : tout ce qu'ils ont fait était juste, nécessaire et légitime ils sont les meilleurs des humains après le Prophète (Califes bien-guidés) ; 3. L'obligation de faire allégeance à tout imâm, qu'il soit juste ou injuste (et prier pour qu'il soit bien guidé) - l'opposition à l'imâm est une Fitna (discorde) ; 4. Le calife doit être exclusivement Quraychite et pas nécessairement descendant du Prophète ; 5. Le successeur est désigné par le calife ou par « consultation » des Ahl al-Hal wa al aqd, (Les gens qui lient et délient) et ce, afin d'éviter la Fitna. Ce sont ces idées sunnites que nous trouverons développées plus tard chez des auteurs qui se sont intéressés à l'éthique des sultans . À l'issue de cette présentation générale, nous empruntons à Burhân Ghaliûn ce passage hautement significatif : « En dépit de la réunion de facteurs constitutifs de l'Etat à travers le parcours de la guerre sainte, ce n'est pas spontanément qu'il est né de la rencontre entre la force militaire, la Charia et le groupe, et de leur transformation naturelle d'outils de message en outils de pouvoir. Sa naissance ne se réalisera qu'à travers une opération chirurgicale dangereuse et complexe. Sa germination a été liée à la plus grande crise qu'a vécue l'islam de toute son histoire. Il a évolué à travers le conflit et la division au sein même de la religion messagère et la conscience islamique, mais aussi à travers des contractions sanglantes et violentes dont les séquelles sont toujours vives dans la mémoire arabo-islamique. L'islam n'a été réduit en Etat qu'à l'issue d'une guerre civile dévastatrice que nous avons pris l'habitude de trop rapidement survoler ; celle que nous appellerons la Grande Discorde. ». VI. Le bouleversement du XIXème siècle (Les penseurs de la Nahda, renaissance) Le système califal établi par le Sunnisme triomphant au IXème siècle ne résistera pas très longtemps. À partir de ce même siècle, il commença à décliner laissant place à « une pluralité de formes politiques viables ». Après le règne des Chiites fatimides sur l'Egypte pendant deux siècle (969-1171), le grand guerrier Saladin met en place la dynastie ayyoubide sunnite qui durera jusqu'à ce que la révolution des Mamlouks y mette fin en 1250. Mais la prise de Bagdad par les Mongols en 1258 marque la fin d'une période arabe, et ensuite le passage de la région sous une domination mongole et turque. La chute de Bagdad représente pour le monde musulman la perte de la suprématie politique et religieuse. C'est l'Egypte qui devient alors le centre de l'espace musulman sunnite arabophone, établissant d'ailleurs un calife au Caire, bien que celui-ci n'ait qu'un pouvoir religieux. Le règne des Mamlouks durera jusqu'en 1517, date à laquelle ils perdront la guerre face aux Ottomans et signeront un traité selon lequel chacune des 24 provinces de l'Egypte continuera d'être gouvernée par un Bey/prince (Mamlouk). Ces 24 Beys, qui reconnaissent le calife Salim, formeront un conseil de gouvernement/ Diwan que préside un Pacha turc désigné par la Porte. Le but de tout cela est de faciliter le paiement des tributs. Le déplacement du centre des décisions à Constantinople marginalisera le « monde arabe » jusqu'à le plonger dans l'arriération et le bédouinisme. A partir du XVIIIème siècle, l'idée de l'Islâh, réforme, timide et sporadique auparavant, prend plus d'ampleur avec Mohamed Ibn abd al-Wahhâb qui ne voit d'autre solution pour sortir les musulmans de la décadence que le retour à l'islam pur, littéral. Ce mouvement politico-religieux débouchera, après environ deux siècles de conquêtes de tribus et de résistance à l'Empire ottoman, sur l'émergence d'une monarchie absolue fondée sur l'alliance entre la tribu des Saoud et le courant fondamentaliste littéraliste de l'islam sunnite de Mohamed ibn abd al-Wahhâb. À l'issu de l'expédition de Napoléon (1798-1801), Mohamet Ali, gouverneur d'Egypte, nourrit l'ambition de constituer un vaste empire à même de concurrencer l'Empire ottoman. C'est dans cette optique qu'il entreprend plusieurs réformes telles que la modernisation de l'armée et de l'agriculture, et l'ouverture sur les sciences et les savoirs modernes. Afin de mener à bien ces réformes il envoie des missions d'étudiants en France pour apprendre toutes sortes de disciplines utiles à l'Egypte. C'est dans ce cadre que voit le jour un nouvel élan de la pensée politique arabo- islamique, un élan qui ne cesse de se développer tout au long du XIXème siècle. Ce mouvement sera baptisé Nahda, renaissance, et sera porté par des figures emblématiques dont les plus célèbres sont Rifâa at-Tahtâwi, pionnier de la Nahda, Jamâl ad-Dîne al-Afghânî et Muhammad Abdûh. Dans cette partie de notre travail de thèse, nous nous intéresserons aux travaux de ces trois acteurs de la Nahda dont nous présenterons brièvement les grandes lignes ci-après. Ils s'accordent tous pour dire que la Umma islamique est tombée dans la décadence parce qu'elle s'était éloignée du vrai islam, celui du Prophète et ses compagnons « bien-guidés ». Afin de sortir de son gouffre l'Umma doit revenir à l'islam originel et s'ouvrir sur les sciences qui sont aujourd'hui entre les mains des Occidentaux, tout en les adaptant aux principes de l'islam. En dépit de l'ouverture de ces trois acteurs sur la langue et la culture françaises (tous les trois ont séjourné en France), et leur conscience de l'impossibilité de changer le sort de la communauté sans l'ouverture sur le savoir de l'Occident et ses institutions politiques, aucun d'eux n'a pu s'affranchir du souci de la légitimation par l'islam de toute réforme, qu'elle soit intellectuelle ou politique. Quant au degré de légitimation, non seulement il n'est pas du même ordre que ce qu'il était avec Muhammad ibn Abd al-Wahhab, mais il diffère aussi d'un acteur à l'autre selon l'évolution politique de l'Egypte de l'époque, d'une part, et son rapport aussi bien avec l'Occident qu'avec la Sublime Porte de l'autre. VI.1. Rifâa Râfi' at-Tahtâwi (1801-1873) At-Tahtâwi profite de sa mission à Paris (1826-1831) pour parfaire son apprentissage du français, découvrir la philosophie antique, et la pensée des lumières qui l'a profondément marqué. Dès son retour en Egypte, il rédige son uvre emblématique, Takhlis al-Ibrîz fî talkhis Bâriz, traduit par : « Le raffinement de l'or - Abrégé de Paris ». Il y exprime la perfection (kamal) atteinte en Europe dans le domaine des arts et des techniques , et y manifeste son intérêt particulier pour la constitution française et le système politique. Il y analyse avec pénétration le système parlementaire de deux chambres, les dispositions relatives à l'égalité des citoyens, l'indépendance judiciaire et l'application de la loi par un jury, l'inviolabilité de la propriété et la liberté de croyance. Mais bien que fasciné par la supériorité scientifique et technique de l'Occident, épris par les idéaux de liberté, égalité, justice et dévouement à la patrie, sûrement à travers le fonctionnement des institutions parlementaires et le spectacle de la révolution de 1830 , et enthousiaste au changement de son pays, Tahtâwi ne perd pas de vue les contraintes auxquelles se heurte son projet, à savoir, les ambitions monarchiques de Mohamet Ali, le conservatisme religieux des Ulema, et l'ignorance de la population. En équilibriste, il n'épargne pas ses efforts pour faire avancer ses idées en mettant en avant l'intérêt de la patrie et le respect de l'esprit de la religion. Que ce soit dans le Takhlis, ou dans Manâhij al-albâb al-misriyya fi mabâhij al adab al-asriyya (les chemins des curs égyptiens dans les joies des arts contemporains) ou encore dans Al Mûrchid al-amine li'l banat wa'l-banîn (Principes directeurs pour la conduite des filles et des garçons) , Tahtâwi s'efforce de montrer que la tradition française est en harmonie avec les idées religieuses de l'Egypte et du monde arabe. Mais il précise qu'il n'approuvera que ce qui n'est pas en désaccord avec la Charîa. Il connaissait bien l'idée selon laquelle le gouvernement devrait être aux mains du peuple, mais il ne considérait pas cette idée pertinente pour les problèmes de l'Egypte. Son pays était gouverné par un autocrate musulman, et le seul espoir de réforme effective était que cet autocrate fasse un bon usage de son pouvoir . Pour ce, le monarque doit être entouré et conseillé par la classe des savants religieux (les Ulema). Les Ulema, selon lui, « ne sont pas simplement les gardiens d'une tradition fixe et établie ( ) », il juge légitime « d'adapter la Charia aux nouvelles circonstances, (car) il n'y a guère de différence entre les principes de la loi islamique et ceux de « la loi naturelle » sur laquelle se fondent les codes de l'Europe moderne. ». Le chef est le représentant de Dieu, il ne répond que devant Dieu et, sous le regard de Dieu, n'a d'autre juge que sa propre conscience. Ses sujets lui doivent une obéissance absolue, mais, lui, doit essayer de les satisfaire dans les limites imposées par son obéissance à Dieu . Ainsi, At-Tahtâwi, le pionnier de la Nahda (la renaissance) n'échappera pas au processus de la légitimation par la religion, non seulement du pouvoir politique de Mohamet Ali, mais aussi de l'ouverture sur les sciences et les institutions européennes. VI.2. Jamâl ad-Dîne al-Afghânî (1838/9-1897) Aux débuts du XIX siècle, le souci premier de Tahtâwi était de savoir comment jongler entre sciences et pensées européennes d'un côté, et Charîa de l'autre, afin de sortir la communauté, et notamment la patrie, de sa décadence interne. Cependant, les années soixante-dix et quatre-vingt (l'occupation de la Tunisie par la France en 1881 et celle de l'Egypte par l'Angleterre en 1882) ont modifié la relation entre l'Europe et le Proche-Orient. À partir de ce moment-là, il se produisit un changement radical dans la pensée politique du Proche-Orient. Et la question est devenue non seulement comment sortir la 'Umma de sa décadence interne, mais aussi comment résister aux nouveaux dangers extérieurs . Aussi, Al Afghânî consacrera sa vie et son uvre à essayer de convaincre cette Umma que le seul moyen de retrouver sa force était son union, qui ne pouvait se réaliser que par le retour au vrai islam. Il pensait que si les pays musulmans comprenaient bien leur religion et vivaient selon ses enseignements, leurs pays seraient nécessairement forts. Et si les musulmans sont, en règle générale, plus souvent vaincus que vainqueurs, c'est parce qu'ils sont désunis, ignorants et manquent de vertus publiques . C'est la raison pour laquelle, al-Afghânî préconise d'accepter les fruits de la raison, les sciences de l'Europe moderne d'une part, et, plus fondamentalement, de restaurer l'unité de la Umma, d'autre part. Dans le passé, la communauté était cimentée par l'institution du califat et par les Ulema qui préservaient la doctrine correcte. Les journaux et les écoles peuvent contribuer à régénérer l'islam, mais il ne peut y avoir aucune vraie réforme de l'islam sans que les Ulema reviennent à la vérité de l'islam, et que toute la communauté l'accepte et vive selon ses règles . Quand les musulmans suivaient les enseignements du Prophète, la Umma était grande aux yeux du monde. Et si plus tard les gloires ont disparu, c'est parce qu'ils ont nié cette vérité. Devenus indifférents à Dieu, ils le sont devenus les uns aux autres. La solidarité s'est affaiblie et, avec elle la force a décliné. « Allah n'a point changé un bienfait dont il avait gratifié un peuple, avant que ce peuple eût modifié ce qui était en lui-même. » (S. Ar-Rad XIII ; 11). Cependant, cette exhortation au retour à l'islam originel n'empêche pas Al-Afghânî de reconnaître que les religions -l'islam y compris- ont toujours fait obstacle aux sciences et à la philosophie. Cette conviction ressort à maintes reprises dans sa réponse à Ernest Renan, qui considère l'islam comme une religion incompatible avec le progrès et les sciences : « S'il est vrai que la religion musulmane soit un obstacle au développement des sciences, peut-on affirmer que cet obstacle ne disparaîtra pas un jour ? En quoi la religion musulmane diffère-t-elle sur ce point des autres religions ? ». La société qui suit les enseignements de la religion chrétienne « est désormais libre et indépendante et semble avancer rapidement dans la voie du progrès et des sciences tandis que la société musulmane ne s'est pas encore affranchie de la tutelle de la religion. ( ) Je ne peux m'empêcher d'espérer que la société mahométane arrivera un jour à briser ses liens et à marcher résolument dans la voie de la civilisation ( ). ». VI.3. Muhammad Abdûh (1849-1905) Depuis la fin du Moyen Âge, les penseurs musulmans se posaient la question de savoir comment rapprocher ce que devait être la société islamique de ce qu'elle était devenue. En quoi peut-on dire que la société dite musulmane était encore telle ? Ces questions devinrent encore plus pressantes lorsque progressa le mouvement d'occidentalisation. Mohamed Abduh ne dérogea pas à cette règle ; il pensa comme son maître al-Afghânî, que la Umma avait décliné car elle s'était éloignée du vrai islam, et était tombée dans la stagnation (al- Jûmûd) et l'imitation servile (at-Taqlid). Aussi, il appelle à réconcilier l'islam et les sciences, car les nations musulmanes ne peuvent redevenir fortes et prospères tant qu'elles n'auront pas acquis de l'Europe les sciences qui sont le produit de l'activité intellectuelle de celle-ci. Elles peuvent le faire sans abandonner l'islam, car il leur enseigne d'accepter tous les produits de la raison. De même, pour sortir de la décadence interne, il faut commencer par libérer la pensée des chaînes du taqlid (imitation servile) et comprendre la religion telle que la comprenaient les anciens de la communauté avant que n'apparaissent les dissensions. Quant au rapport entre gouvernants et gouvernés, Abdûh somme la nation de croire que « le souverain, même si nous lui devons obéissance, reste toujours humain, susceptible de faire des erreurs et être dominé par la passion, et que rien ne peut le détourner de l'erreur ou de l'amener à résister à sa passion que l'avis du peuple en parole et en acte. ». Mais quand il s'agit d'institutions politiques, Abdûh est aussi ambivalent que son maître al-Afghânî. Selon lui, les musulmans ont besoin de réinterpréter la loi afin d'assimiler ce qu'il y a de bon dans la morale européenne, mais la loi ne peut-être changée à moins qu'il n'y ait une autorité pour le faire. Il est donc nécessaire de rendre au califat sa fonction spirituelle. Le calife doit être le principal mujtahid (qui pratique l'ijtihâd, l'effort de l'interprétation) et doit être respecté par la Umma, mais ne doit pas la gouverner. L'unité de la Umma est morale et n'empêche pas sa division en Etats nationaux . L'idéal de gouvernement de Abdûh est plus ou moins celui des juristes médiévaux : le souverain juste, gouvernant en accord avec une loi et consultant les chefs de son peuple . Muhammad Abduh était tout à fait conscient que, pour faire aboutir ce projet, l'Egypte avait besoin d'une période de véritable éducation nationale. Il fallait, dans un premier temps, des conseils locaux, puis un conseil consultatif et finalement une assemblée représentative. Ce passage en revue des grandes lignes de la pensée politique de la Nadha montre bien que ces trois figures les plus marquantes étaient bien conscientes que sortir la Umma de sa décadence ne pouvait se faire sans que celle-ci s'ouvre sur les sciences et les institutions politiques occidentales. Néanmoins, ces trois acteurs n'étaient pas sans prendre en considération la longueur du chemin à parcourir et les réformes à mettre en place afin de mener à bien ce projet, notamment dans le champ religieux et celui de l'éducation. D'un autre côté, ils étaient tous les trois plus au moins habités par l'idée que toute réforme doit être conforme aux préceptes de la religion. Cependant, cette conception de la réforme enthousiaste mais manquant de profondeur, aurait pu faire bouger les lignes, même partiellement, si d'autres facteurs externes et internes ne l'avaient pas détourné de son objectif premier : mettre la Umma islamique sur les rails d'une renaissance. Il s'agit du colonialisme, qui a donné un certain crédit aux idées passéistes de Rachid Réda. En effet, après la mort de Mohamed Abdûh, son disciple Rachid Réda bridera la pensée de son maître jusqu'à la rapprocher du wahhabisme, voire l'aligner sur celui-ci : l'Islâh consiste, selon lui, en un retour aux sources afin de combattre le soufisme et le colonialisme. VI.4. Rachid Réda (1865-1935) Rachid Réda naquit dans un village proche de Tripoli (Liban), d'une famille villageoise avec un certain rang et une tradition de savoir et de piété. Il entama son éducation à l'ancienne dans une école coranique, mais bénéficia aussi de la nouvelle éducation mise en place par les Turcs. D'abord, dans une école gouvernementale turque de Tripoli, puis à l'école de Husayn al-Jisr , il s'imprégna des nouvelles sciences et acquit des notions de français. Mais il maîtrisa aussi les sciences de la religion islamique et de la langue arabe. Plus tard, il tomba sous le charme du Ihyâ' ûlûm ad-Dîn (revivification des sciences de la religion) qui en un sens influença profondément sa vie. Ghazâlî, son auteur, avait trouvé un équilibre entre l'obéissance extérieure à la loi et la dévotion intérieure personnelle. Mais son expérience dans l'un des ordres mystiques sera de courte durée puisque, après avoir assisté à une dance extatique, il rejette ce genre de soufisme qui selon lui corrompt la Umma et donne de l'islam une image de passivité. Cette sorte de mysticisme, dit-il, a été introduite dans l'islam par des Zoroastriens camouflés qui voulaient corrompre la religion des Arabes . La méfiance envers le soufisme ainsi générée fut l'un des facteurs qui plus tard devait le rapprocher des enseignements d'Ibn Taymyya et des pratiques du wahhabisme. La question centrale dans la pensée de Réda est celle-là même qui a animé ses prédécesseurs, Afghânî et Abdûh : « Pourquoi les pays musulmans sont-ils en retard dans tous les aspects de la civilisation ? » et sa réponse ne déroge pas à celle qu'ils ont préconisée : la raison de ce retard réside dans le fait que les musulmans ont perdu la vérité de leur religion. Et la cause en est que des souverains despotes ont tenté de faire oublier aux musulmans que l'islam, en plus d'être l'unité de Dieu, est consultation sur les questions de l'Etat. Mais si les musulmans reviennent au Coran et à ses préceptes, ils peuvent recréer la civilisation. Les Européens ont abandonné leur religion qu'ils ont remplacé par le principe de nationalité, or l'islam a créé la communauté unique sur tous les plans, une Umma, nation cimentée par l'unité religieuse, par la loi, par l'égalité, par les droits et les devoirs communs, mais aussi par les liens naturels, principalement celui du langage. En effet, l'arabe est la langue universelle de la dévotion, de la doctrine et de la loi partout où existe l'islam. Rachid Réda interprète le sunnisme dans le sens d'un strict hanbalisme, de tradition plus vivace en Syrie, et surtout à Damas, qu'en Egypte. Ses sympathies pour le hanbalisme l'ont conduit, vers la fin de sa vie, à soutenir avec enthousiasme la renaissance du wahhabisme en Arabie centrale ainsi que la politique de son chef, abd al-Aziz Ibn Saûd. Il accueillit avec plaisir la conquête wahhabite du Hedjaz et des villes sacrées. Il défendit les Wahhabites contre les accusations d'hérésie. Leur doctrine, déclare-t-il, est tout à fait orthodoxe ; leur religion est celle des musulmans originels. Ibn Saûd défend, selon Réda, les principes essentiels du sunnisme pratiquement mieux que quiconque depuis les quatre premiers califes . S'agissant du Coran et du Hadith, Réda préconise que, quand il existe un texte précis, explicite, sans aucune ambigüité, tout à fait authentifié, les hommes doivent y obéir sans discussion, « la ijtihad maa an-Nass » (pas d'effort en la présence d'un Texte), mais quand on ne possède pas de texte, ou que le sens du texte est obscur ou son authenticité est douteuse, dans ce caslà, la raison humaine doit décider quel acte s'accorde le mieux avec l'esprit de l'islam. La raison sera guidée par le principe de l'intérêt, la maslaha. Cependant, la création et la modification de la moralité et de la loi sociale (l'ijtihâd) sont la fonction, non de chaque musulman, mais seulement de « ahl al-hall wal aqd » (ceux qui ont le pouvoir de lier et de délier): ceux qui détiennent l'autorité de la Umma. Réda pense, en fait, à l'association entre les deux types d'autorité : le souverain musulman juste et dévot, et les vrais Ûlama', qui ont les qualifications personnelles requises pour exercer l'ijtihâd. Réda admet le défi lancé par le monde moderne ; il veut que l'islam accepte la nouvelle civilisation uniquement dans la mesure où elle est essentielle pour retrouver sa force. En fait, il pense comme Tahtâwi et Tûnsî, qu'en acceptant la civilisation européenne, les musulmans ne font qu'accepter ce qui leur a appartenu, car l'Europe n'a progressé qu'à l'aide de ce qu'elle a appris des musulmans en Espagne et en Terre sainte . Il s'accorde avec Afghânî et Abdûh pour dire que, en raison de ce besoin (de retrouver sa force), le changement de la loi doit être plus important que jamais. Il implique plus qu'une modification des quatre systèmes existants. Par conséquent, l'élaboration d'un système unifié. Il presse les Ûlama de son temps de se rassembler afin de produire un livre de lois fondé sur le Coran et le Hadith mais en accord avec les besoins de l'époque . Mais la loi islamique ne peut être réformée à moins que la forme de gouvernement ne soit remodelée. Car il existe, selon lui, un vrai système politique islamique fondé sur la consultation entre le souverain et les gardiens et interprètes de la loi. Si on veut le rétablir, il faut deux choses : de vrais Ûlama et un vrai souverain islamique - soit un vrai calife. La fonction du calife, selon lui, n'est pas de gouverner, mais de faire des lois et d'en surveiller l'application. Le calife doit être, grâce à son intelligence et sa formation spéciale, le maître suprême de l'ijtihâd, le grand mujtahid. Seul un tel calife pourrait restaurer la civilisation islamique et greffer dessus les sciences et les techniques nécessaires au pouvoir et à la prospérité de la nation ; lui seul pourrait redonner sa pureté à la religion et chasser la superstition et l'innovation ; et lui seul pourrait créer une unité islamique qui influerait les Chiites, les Zaydites, les Ibadites ainsi que les Sunnites des quatre écoles légales . La relation maîtres et disciples qui a lié ces trois acteurs, les sujets qu'ils ont abordés (décadence interne, nécessité de l'unité islamique, de la réforme des lois, de l'appropriation des sciences et l'inscription dans la modernité), tout cela porte à croire qu'ils s'inscrivaient tous dans la même dynamique et partageaient la même vision des réformes à opérer. C'est d'ailleurs l'image que reflète le travail qui leur a été consacré par Mohamed Umara - , et qui réduit Mohamed Abduh à un précurseur des Frères musulmans. Cette idée a été récupérée et exploitée par Tariq Ramadan, avec pour souci premier de « prouver qu'al-Banna participe complétement de cette tradition et que son apport historique lui a permis de réaliser concrètement certains espoirs de ceux qui l'ont précédé ». Telle est, selon Mohamed Haddad, la façon dont on légitime le fondamentalisme par le réformisme, et dont on fait de ce dernier le prélude du premier plutôt que son rival. Notre tâche, dans cette partie de ce projet de thèse, consiste à relever dans les uvres de nos trois acteurs, et d'y analyser, les articulations qui montrent/ démontrent en premier comment Mohamed Abduh s'est détaché de son maître Jamal ad-Dîn al-Afghânî et l'a dépassé pour approfondir son projet et aller au-delà. Mohamed Abduh avait bien, comme nous le montrerons, une conception propre à lui et de la religion et de la modernité. Il a donc été beaucoup plus qu'un simple continuateur de Jamal ad-Dîn al-Afghânî ; c'est, comme l'affirme Mohamed Haddad, une figure centrale dans l'histoire de la réformation en Islam. Et ainsi, de la façon dont on représente Abduh dépendra en grande partie la réponse que l'on donnera à la question cruciale : quelles réformes possibles en islam aujourd'hui ? Ensuite, il s'agit de bien montrer que Rachid Réda, contrairement à ce qu'avancent Mohamed Umara et Tariq Ramadan, est loin d'être le continuateur de la pensée de Mohamed Abduh. En effet, si Mohamed Abduh n'a jamais lu, comme l'affirme Mohamed Haddad , une uvre des deux fondateurs du salafisme, Rachid Réda, lui, était tellement influencé par les enseignements d'Al-Jisr, d'Ibn Qayyim al-jawziyyah et d'Ibn Taymyya, qu'il s'est progressivement rapproché du wahhabisme jusqu'à se confondre avec lui. Mohamed Abduh, quant à lui, était tellement ouvert dans son projet de réforme que « même ceux qui le connaissaient et l'aimaient bien doutaient de son intime conviction de la vérité de l'Islam ». Ajoutons que Rachid Réda, qui ne figurait même pas dans le comité constitué pour collecter les uvres de Abduh et rédiger sa biographie , s'imposa en légataire du mouvement réformiste pour le remodeler dans un moule wahhabite, le priver de sa consistance propre et l'arrêter dans sa progression naturelle, permettant ainsi à son admirateur Hassan al-Banna (1906-1949) de fonder, en 1928, le mouvement des « Frères musulmans ». Lequel devint, comme le dit si bien Mohamed Haddad , la version « citadine » du wahhabisme bédouin de la péninsule arabe. Sources biographiques I- Ouvrages en langue arabe 1. Al-Cûr'âne al-karim, Le Coran, Dâr al-Îmâne, 2. Abî Jafar Muhammad ibn Jarîr at-Tabarî, Târikh at-Tabarî, Editions, dâr al-kûtûb alilmyyah, 1971 (6 tomes). 3. 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Sayyid al-Qimnî, Intikasat al-muslimine il al-wathaniyyah (la régression des Musulmans au paganisme), Editions Al-Intichâr al-Arabî, 1997. 11. Abî al-Hassan Ali ben Muhammad ben Habîb, al-Basrî al-Baghdâdî al-Mawardî, Al- Ahkâm as-Sultâniyyah, wal-wilâyât ad-Dîniyyah, Editions, Dâr al-kûtûb al-ilmyyah, 2006. 12. Fahmi Jadân, al-Mihna, Editions, as-sabaka al-Arabiya lil abhâth wa an-nachr, 3ème edition, 2014. 13. Burhan Ghaliûn, « Naqd as-siyyasah, ad-dawla wa dîn », (Critique de la politique, l'Etat et la religion). Ed. Al marqaz at-thaqafi al-arabi, (texte traduit de l'arabe par nos soins) II- Ouvrages traduits de l'arabe 1. HENRI LAOUST, LA CALIFAT, dans la doctrine de Rashîd Rida, traduction annotée d'al khilafa au al imâma al-uzma, Editions LIBRAIRIE D'AMERIQUE ET D'ORIENT, Paris 1986. 2. HICHEM DJAÏT, La vie de Muhammad, La Prédication prophétique à La Mecque, Editions fayard. 3. HICHEM DJAÏT, Al Fitnah, jadalyyat ad-dîn was-Syyassah fîl-Islam al-mubakkir, Editions, Dâr at-Talîah, Beyrûth. 4. Ibn Hichâm, la biographie du prophète MAHOMET, Texte traduit et annoté par Wahib Atallah, Editions Fayard, 2004. 5. Le Noble Coran, et la traduction en langue française de ses sens, complexe ROI FAHD pour l'impression du NOBLE CORAN 6. Le Coran T1 &T2, Traduction de Denise Masson, Editions Gallimard, 1967. 7. Mahmoud Mohamed Taha, Un islam à vocation libératrice, Traduit par Mohamed El Baroudi-Haddaoui et Caroline Pailhe, Editions, L'Harmattan, 2002. III- Ouvrages en langue française 1. Abd ar-Razzâq AS-SANHOÛRI, LES PRINCIPES DU GOUVERNEMENT EN ISLAM, LA Califat et son évolution, Editions ALQALAM & GEUTHNER, 2016 (1926). 2. ABDOU FILALI-ANSARY, l'islam est-il hostile à la laïcité ? ACTES SUD, 2002 3. Albert HOURANI, Histoire des peuples arabes, SEUIL, 1993. 4. Alfred- Louis de Prémare, aux origines du Coran, questions d'hier, approches d'aujourd'hui, Téraèdre, 2004. 5. 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YADH BEN ACHOUR, Aux fondements de l'orthodoxie sunnite, Presses Universitaires de France, 2008. IV- Ouvrages en langue anglaise 1. A. GUILLAUME, The life of Muhammad, a translation of Ibn Ishaq's Sirat Rasul Allah, Oxford University Press 1982 (1955). 2. JOHN McHUGO, A concise history of Sunnis & Shiis, Saqi Books, 2017. 3. N.J. DAOOD (translation by), The Koran: with Parallel Arabic Text, PENGUIN BOOKS, 2014 (1956). Wilfred Madelung, The succession to Muhammad, a study of the early Caliphate, Cambridge University Press, 19