De l'impartialité du juré d'assises
Auteur / Autrice : | Cindy Frugier |
Direction : | Charlotte Claverie-rousset |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Droit privé et sciences criminelles |
Date : | Inscription en doctorat le 05/10/2020 |
Etablissement(s) : | Bordeaux |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale de droit (Talence, Gironde ; 1991-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : INSTITUT DE SCIENCES CRIMINELLES ET DE LA JUSTICE |
Mots clés
Résumé
Notre sujet se propose d'interroger l'impartialité du juré d'assises. Dans le contexte de l'expérimentation des Cours criminelles, dépourvues de jury populaire, le rôle des jurés semble remis en question. En application de l'article 63 de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, en date du 23 mars 2019, les Cours criminelles départementales furent instituées pour désengorger les Cours d'assises. Aussi, en un temps de remise en cause aigue de leur rôle, l'impartialité des jurés criminels peut faire l'objet d'un questionnement. Tout d'abord, les Cours criminelles s'inscrivent dans le sillage d'une méfiance traditionnelle à l'égard des jurés. La singularité du jury d'assises, intrinsèquement liée à la démocratie, en ce que des citoyens exercent de manière temporaire le pouvoir de juger, conduisit peu à peu à sa marginalisation. Les jurés, traditionnellement, expriment une forme d'indulgence, particulièrement en matière de crimes entre époux. Leur statut de juge-citoyen est susceptible de les conduire, en outre, à juger la loi elle-même ; par ailleurs, leur jugement peut traduire la conscience de juger un alter ego. Ainsi, avec une certaine défiance à l'égard du jury d'assises, Napoléon décida de confier aux préfets le choix des jurés au sein des notables. Une part du contentieux pénal échappa au jury criminel au profit, notamment, des sections spéciales de Vichy. La recherche d'une peine exemplaire motivait ce choix. La classe politique et les juristes se méfièrent du jury criminel, particulièrement à compter du XXème siècle, dans le contexte d'un essor de la vérité scientifique érigée en vérité judiciaire. Enfin, sous l'effet de la double correctionnalisation légale et de la correctionnalisation judiciaire, l'institution du juré apparaît désormais en recul selon l'analyse du professeur Jean PRADEL. Par ailleurs, l'obligation d'impartialité s'impose tant aux magistrats qu'au jury criminel. Les magistrats sont tenus à une impartialité objective et subjective. L'article préliminaire du Code de procédure pénale prévoit l'impartialité objective à la charge des magistrats. Chaque mis en cause doit, en outre, bénéficier d'un tribunal indépendant et impartial selon l'article 6 de la Convention européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et du Citoyen. Aussi, l'article 304 du Code de procédure pénale dispose que le juré doit prêter serment de connaître de l'affaire avec l'impartialité et la fermeté qui conviennent à un homme probe et libre. L'exigence d'impartialité pèse, dès lors, sur les épaules du magistrat et, également, sur celles de tout citoyen devenu, le temps du procès, juré d'assises. Néanmoins, certains obstacles procéduraux et intersubjectifs sont susceptibles d'altérer l'impartialité des citoyens jurés. Avant les débats d'assises, aux termes de l'article 297 du Code de procédure pénale, la procédure de récusation d'un juré criminel ne semble pas exempte de tout facteur arbitraire ; aucune obligation légale d'exposer les motifs de récusation ne s'impose. De plus, la partie civile ne dispose pas du droit de récusation, en dépit de la proposition du comité de réflexion sur la justice pénale, mené par Philippe LEGER, en 2010. Au cours des débats, le juré criminel peut être soumis à des influences directes ou indirectes. Il peut se sentir influencé par les réactions de l'accusé ou de la partie civile. Les plaidoiries et les réquisitoires semblent également susceptibles de façonner, voire d'orienter, d'un point de vue juridique et émotionnel, la construction de l'intime conviction du jury. Au cours des délibérations, les questions posées par les autres jurés peuvent influencer les autres membres du jury populaire. Le rôle du Président d'assises, dans le cadre des délibérations, est d'une importance particulière dans la construction de cette intime conviction. L'association des juges et des jurés peut être perçue comme une communauté de jugement selon la formule de Denis SALAS, assimilant la relation entre les juges et les jurés à la parabole de la barque. Enfin, dans le cadre d'une affaire médiatisée, la conscience des répercussions psychologique, familiale et sociale de la décision sur la culpabilité et la peine de l'accusé peut aiguiser le ressenti des jurés. A la lumière de ces obstacles procéduraux et intersubjectifs, il convient de déterminer si un juré peut, au regard du droit et de l'équité, être impartial. Dès lors, nous allons confronter la présomption d'impartialité du juré d'assises à ses failles. Il s'agira d'examiner la fonction du juré d'assises, les fondements de la présomption d'impartialité du juré, ses modes de désignation, la durée de ses fonctions et les contraintes inhérentes à celles-ci. Dans cette perspective, il convient d'envisager les modalités de la procédure de récusation, ainsi que son champ d'application ratione personae. Il s'agira également d'examiner l'impartialité dans son versant objectif et dans son versant subjectif. Il convient de déterminer les facteurs de sa potentielle remise en cause. L'influence juridique et sociologique de l'entourage du juré criminel pourrait, ainsi, être examinée.