Thèse en cours

La réception de la finance islamique en France

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Auteur / Autrice : Ahmed Alfehaid
Direction : Eric Fongaro
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Droit privé et sciences criminelles
Date : Inscription en doctorat le 10/01/2018
Etablissement(s) : Bordeaux
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de droit (Talence, Gironde ; 1991-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Institut de Recherche en droit des affaires et du patrimoine (Pessac, Gironde)

Mots clés

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Mots clés libres

Résumé

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Le concept de finance islamique renvoie à l'ensemble des activités financières et commerciales qui assujettissent leurs objectifs de rendement au respect des principes de la Charia, Coran et Sunna qui « (guident) le comportement économique d'l'Homme, en lui précisant ce qui est licite et ce qui est illicite du point de vue religieux ». Plus précisément, elle se définit par la prohibition de l'intérêt (riba), de l'incertitude (gharar), de la spéculation (maysir), ainsi que par l'interdiction d'investissement dans des secteurs considérés comme illicites (haram). En outre, le droit musulman impose le partage des pertes et des profits, l'adossement d'un actif tangible à tout instrument financier et la redistribution d'une partie des revenus (Zakat, 3e pilier de l'Islam). Bien qu'elle repose sur des principes religieux aux origines très anciennes, la finance islamique est une finance récente dont les spécialistes situent la naissance aux alentours des années 1960, avec la création par l'égyptien Dr. Ahmed Al-Najjar de Mit Ghamr Saving Bank, la première caisse d'épargne islamique. Le mouvement se poursuit avec la création, en 1975, de la Banque islamique de développement dans le but de financier les projets économiques et sociaux et d'accompagner la finance islamique au sein des Etats membres de l'Organisation de la conférence islamique. Parallèlement, « stimulées par le réajustement des prix du pétrole des années 1970 », de nombreuses banques islamiques sont apparues dans les pays du Golfe. Certains Etats de la région réorganisent même leurs systèmes bancaires et développent « un système financier islamique parallèlement au système conventionnel ». Après le 11 septembre 2001, la finance islamique connait un tournant avec, d'une part, la volonté des pays du Golfe de rapatrier leurs capitaux hors des Etats-Unis et, d'autre part, la production d'une épargne massive en provenance de pays émergents, tels que la Malaisie. Progressivement, l'implantation de la finance islamique dépasse les pays musulmans : des « fenêtres islamiques » ) Islamic windows ( sont créés dans la plupart des grandes banques occidentales. En 2004, une banque islamique – Islamic Bank of Britain ??, devenue Al Rayan Bank – s'installe en Grande-Bretagne. Une dizaine d'années plus tard, d'autres verront le jour en Europe ) Allemagne, Luxembourg(. La récente crise financière et économique internationale a provoqué un regain d'intérêt pour la finance islamique, souvent qualifiée de finance éthiquement responsable et considérée comme une véritable alternative à la finance conventionnelle. Il est difficile de présenter des chiffres sur l'évaluation globale et la taille de ce marché, les estimations varient selon les sources. A titre d'illustration, le rapport Jouini et Pastre avançait en 2008 un chiffre d'environ 700 milliards de dollars et prévoyait que, à l'horizon 2020, le marché de la finance islamique devrait représenter 1.300 milliards de dollars. Selon les experts de l'Islamic Financial Services Board, la valeur de l'ensemble des actifs islamiques dépassait 1600 milliards de dollars en 2015. De leur côté, le Fonds monétaire international (F.M.I.), la Banque mondiale et d'autres organismes financiers internationaux estiment que les avoirs des banques islamiques sont passés de 9 à 1800 milliards de dollars entre 2003 et 2013, soit une progression de 16 % par an. Selon eux, ce secteur dépassait les 2000 milliards de dollars en 2015 et ce montant pourrait encore doubler de volume en 2020. La finance islamique s'est historiquement développée dans les pays de tradition musulmane et reste encore aujourd'hui essentiellement centralisée dans les pays du Golfe et en Asie du Sud-Est. A la faveur de « l'excès de liquidités en provenance des monarchies du Golfe», elle s'est développée en dehors de ses frontières naturelles dans « les grandes places financières mondiales ». Le Royaume-Uni fut le premier pays à parier sur le succès de ce marché de niche en commercialisant, dans les années 1990, les premiers produits conformes à la Charia sur son territoire. Il a été suivi par l'Australie et les Etats-Unis qui ont, à leur tour, modifié leurs réglementations bancaires pour permettre la création d'institutions financières à caractère islamique sur leur sol. De son côté, le Luxembourg est devenu le principal centre de cotation de sukuk en Europe aux côtés de Londres. D'autres pays, tels que le Japon, la Chine, Singapour, Hongkong ont amélioré l'attractivité de leurs places financières pour les capitaux à la recherche d'une gestion conforme à la Charia. En France, l'intérêt pour la finance islamique a été tardif puisque la volonté affichée de développer ce secteur remonte à la fin des années 2000. C'est dans une note datée du 17 juillet 2007 que l'Autorité des marchés financiers (AMF) reconnut la possibilité de sélectionner les actifs dans lesquels investit un Organisme de placements collectifs en valeurs mobilières (OPCVM), ainsi que la possibilité d'approuver un OPCVM islamique sur la base de « critères autres que financiers ». Grâce à cette initiative, la banque BNP Paribas institue dès juillet 2007 le premier OPCVM conforme à la Charia en droit français. En 2008, Christine Lagarde, ministre de l'Économie, des Finances, de l'Industrie et de l'Emploi, affirmait la volonté du gouvernement « d'adapter (l') environnement juridique pour (…) bénéficier à la finance islamique ». Pour Europlace, acteur de la place financière de Paris, « dans le contexte (…) de crise de la finance mondiale, l'économie française a plus que jamais besoin de financement (…). La finance islamique, dopée par la rente pétrolière de ces dernières années, offre une alternative pertinente à la finance conventionnelle ». L'introduction de la finance islamique en droit français n'a pas abouti par la voie législative mais au moyen d'instructions de l'administration fiscale publiées en décembre 2008. Dix ans plus tard, force est de constater que les mesures entreprises ont visé le développement de la finance d'investissement davantage que le secteur de la banque de détail. Or la France, avec environ 6 millions de musulmans, soit la plus forte population musulmane d'Europe, représente un marché potentiel pour le marché de détail ne serait-ce que dans certains domaines particuliers, tels que l'immobilier résidentiel, l'assurance et les produits de l'épargne. Selon les résultats d'un sondage commandé à l'Ifop par l'association Aidimm et le cabinet de conseil Ifaas : « plus de 500.000 clients potentiels seraient séduits par une offre de produits éthiques (islamiques) » et « plus de 55% des musulmans français sont intéressés par une offre bancaire compatible avec leurs convictions religieuses et éthiques ». L'objet de la présente thèse consiste à démontrer en quoi le système juridique français est apte à recevoir la finance islamique et s'avère propice au développement du marché de détail. Pour ce faire, l'analyse des différents contrats pouvant être utilisés par les institutions financières susceptibles de proposer des produits et services islamiques aux particuliers est nécessaire. Mais préalablement à cet exercice, l'étude des origines et fondements de la finance islamique est indispensable. L'objet de la présente thèse consiste à démontrer en quoi le système juridique français et la finance islamique pourrait s'accorder et quels sont encore les points d'achoppements. Pour ce faire, l'analyse de la mise en œuvre et du fonctionnement d'une banque islamique est nécessaire avant de comparer les droits des contrats et des obligations français et musulman, et de pointer les différents contrats pouvant être utilisés par les institutions financières susceptibles de proposer des produits et services islamiques aux particuliers. En préalable à cet exercice, l'étude des origines et fondements de la finance islamique est indispensable.