Thèse en cours

Etude d'un nouveau scénario pour former les atmosphères planétaires

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Auteur / Autrice : Paul Huet
Direction : Philippe Thebault
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Astronomie et Astrophysique
Date : Inscription en doctorat le 30/09/2022
Etablissement(s) : Université Paris sciences et lettres
Ecole(s) doctorale(s) : Astronomie et Astrophysique d'Ile de France
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Laboratoire d'études spatiales et d'instrumentation en astrophysique (Meudon, Hauts-de-Seine ; 2002-....)
établissement opérateur d'inscription : Observatoire de Paris (1667-....)

Résumé

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Une des questions les plus importantes de notre temps est de savoir si nous sommes seuls dans l'Univers. Nous avons maintenant découvert presque 5000 exoplanètes et sommes sur le point de pouvoir répondre à cette question fondamentale, que l'on pensait n'être que d'ordre philosophique jusqu'alors. La réponse ne viendra sans doute pas d'observations directes de la vie extraterrestre mais plutôt d'une bonne caractérisation des systèmes planétaires qui nous entourent. Par exemple, est-ce que les conditions sont optimales sur une planète donnée pour que la vie puisse se développer en son sein ? Détecte-t-on des molécules qui sont produites par des organismes vivants ? Est-ce que le niveau de bombardement météoritique est juste au bon niveau pour que la vie se développe ? Depuis la découverte de la première exoplanète il y a 27 ans (Mayor & Queloz 1995, Prix Nobel), on a maintenant atteint le point où l'on est capable de répondre à ces questions directement et de caractériser les systèmes planétaires les plus proches avec une diversité de techniques. Une de ces techniques est de chercher de la poussière dans ces systèmes (voir la revue de Kral et al. 2017a). Grâce à des observations intensives de cette poussière, on sait maintenant qu'au moins un quart des étoiles ont des ceintures de planétésimaux (qui produisent de la poussière, autrement appelée débris, par collision) similaires aux ceintures d'astéroïdes et de Kuiper dans notre système solaire (e.g. Thureau et al. 2014, Sibthorpe et al. 2018). Dans les associations d'étoiles les plus jeunes, c'est même 75% des systèmes qui ont des disques de débris (e.g. Beta Pic moving group, Pawellek et al. 2021). Ces systèmes avec de la poussière sont appelés disques de débris et sont observés à un moment où les planètes se sont déjà formées (i.e., entre 10 millions et plusieurs milliards d'années). Ces disques peuvent être très brillants sur le ciel car beaucoup de poussières peuvent être produites lors des collisions entre planétésimaux. La surface totale d'émission de ces grains est tellement grande qu'un rayonnement intense est émis dans l'infrarouge, ce qui permet de les détecter facilement (contrairement aux planètes). Ces disques sont sculptés par la présence de planètes environnantes et peuvent ainsi être utilisés pour tracer la présence d'exoplanètes. Par exemple, il y a toujours une région sans poussières (comme entre les deux ceintures de notre système solaire), où il est communément admis que cela est dû à la présence de planètes dans le système qui ont nettoyé la zone sur de longues échelles de temps. De plus, la détection d'asymétries dans la poussière est aussi un bon indicateur de la présence de planètes. Dans au moins deux cas, cela nous a permis de pointer le télescope au bon endroit pour imager directement les planètes que l'on avait déduites de la présence d'asymétries dans la poussière (Kalas et al. 2008, Lagrange et al. 2009, 2010). Depuis quelques années, et principalement depuis l'arrivée d'ALMA (e.g. Kospal et al. 2013, Dent et al. 2014, Greaves et al. 2016, Cataldi et al. 2018, Kral et al. 2019, 2020a), nous détectons du gaz dans les systèmes avec des ceintures de planétésimaux (dans ~25 systèmes, Kral et al. 2017b). Ceci est surprenant car on pensait que ces systèmes matures (>10 millions d'années) n'avaient pas de gaz, mais il semble au contraire que ce paradigme ait été bouleversé dans les dernières années (grâce à l'arrivée d'ALMA notamment) et qu'avoir du gaz dans les disques de débris soit plutôt la règle que l'exception (Moor et al. 2017). Le gaz dans les disques de débris est en train de devenir un nouveau champ de recherche, en plein bouillonnement, notamment car cela permet de sonder les systèmes planétaires encore plus en profondeur (e.g. Wyatt et al. 2015). Par exemple, ce gaz donne accès pour la première fois à la composition des planétésimaux desquels le gaz est relâché (et donc à la composition des corps qui ont pu former des planètes dans ces systèmes). Cela donne aussi la possibilité de détecter des planètes plus proches de leurs étoiles qu'en utilisant la poussière (qui orbite typiquement à plus de 20 ua, Thebault et al. 2012) mais plus loin que par les méthodes traditionnelles comme la vélocimétrie radiale ou la méthode des transits (qui sondent des planètes < 1 ua typiquement). Ceci est possible car le gaz est plus proche de l'étoile centrale (et parfois peut même potentiellement accréter sur cette dernière, Kral et al. 2016), et une planète (de type terrestre ou géante) orbitant à quelques ua créerait un gros trou dans ce disque de gaz que l'on peut observer à haute résolution (Kral et al. 2020b). Une planète produirait aussi des déviations locales à la vitesse Képlerienne du gaz qui pourraient être observées à la Pinte et al. 2018, ou Teague et al. 2018. Ces nouvelles techniques prometteuses pourraient être testées pour la première fois par le candidat de cette thèse grâce à la très haute sensibilité et résolution offertes par ALMA. De plus, environ la moitié des disques de gaz que nous détectons sont étonnement très massifs et ont des masses en CO proches de celles de leurs plus jeunes cousins disques protoplanétaires (e.g. Lieman-Sifry et al. 2016, Moor et al. 2011, 2015, 2017). Kral et al. (2019) ont prouvé que ces disques massifs pouvaient aussi avoir la même origine que les disques moins massifs et provenir du gaz relâché par les planétésimaux orbitant dans les ceintures. Kral et al. (2019) remettent donc en question la théorie selon laquelle ces disques seraient les restes des disques protoplanétaires qui ne se seraient pas dissipés, comme cela avait été proposé dans la littérature. Ce nouveau changement de paradigme sera testé plus en profondeur par le candidat en travaillant de front sur l'amélioration des modèles existants et en proposant de nouvelles observations. En plus de cela, le candidat explorera en profondeur les conséquences importantes qui découlent de la présence de ces disques de gaz dans les systèmes extrasolaires pendant plusieurs dizaines de millions d'années. En effet, cette composante gazeuse va être accretée par les planètes du système (qui sont deja formées dans ces systèmes >10 millions d'années), ce qui va affecter la composition des atmosphères des planètes de type terrestre et peut en principe faire revivre des planètes qui avaient perdu leurs atmosphères durant les phases précoces de formation (Kral et al. 2020b), ce qui pourrait alors favoriser l'émergence de la vie sur ces planètes. Une première partie du travail a été effectué dans Kral et al. (2020b) qui montrent qu'en effet l'accretion est non-négligeable et que des atmosphères de la masse de la Terre ou beaucoup plus massives peuvent se créer autour des planètes de type terrestre qui orbitent dans ces disques de gaz tardifs. Ce modèle peut être raffiné, notamment en développant un vrai modèle numérique (pour le moment c'est très analytique), en intégrant plusieurs planètes et en testant ce modèle par exemple sur le Système Solaire pour voir si l'on pourrait expliquer les atmosphères des planètes terrestres et les anomalies dans les géantes de notre Système Solaire. Il faut aussi faire plus de prédictions concernant les mesures futures que le JWST va permettre pour tester notre nouveau modèle de formation d'atmosphères. Le candidat explorera en détail les effets suivants du gaz : 1) Il/Elle quantifiera combien de gaz peut être accrété sur une planète de type terrestre orbitant dans un tel disque tardif en développant un nouveau modèle numérique. Nous explorerons aussi la possibilité que ce nouveau matériel accrété sur la planète puisse favoriser l'émergence des briques initiales de la vie. En effet, les planètes vont accréter du CO dans les disques massifs, qui pourra ensuite réagir avec l'eau présente sur la planète pour former du CO2 et du H2, i.e. l'atmosphère deviendrait très réductrice, ce qui pourrait favoriser l'émergence, très tôt, de chimie complexe propice à la vie (Genda et al. 2017). Idéalement, le candidat répondra à la question suivante : Est-ce mieux pour une planète de naître dans ces cocons de gaz tardifs pour le développement de la vie ultérieure ou non ? 2) Le candidat adaptera le modèle d'accrétion à plusieurs planètes et testera ce modèle sur le Système Solaire. Il fera aussi des prédictions sur le type d'atmosphères attendu quand elles sont créées à partir de ces disques tardifs (en terme de métallicité, rapport C/O, ...) afin de comparer aux résultats du JWST qui arrivent sous peu. Enfin, suivant la rapidité d'évolution du projet, le doctorant pourrait être amené à faire tourner des simulations hydrodynamiques de planètes dans du gaz (par exemple avec Fargo) afin de comprendre les détails hydrodynamiques sous-jacents à l'accrétion. 3) Le candidat utilisera de nouvelles méthodes de détection pour rechercher des planètes à plusieurs UA dans ces disques tardifs. 4) Quelques disques de débris avec plusieurs anneaux ont été observés récemment en lumière diffusée grâce à l'HST et SPHERE (e.g. Konishi et al. 2016, Bonnefoy et al. 2017, Feldt et al. 2017). La plupart de ces systèmes possèdent un disque de gaz massif. Le candidat étudiera si la seule force de friction du gaz sur la poussière peut expliquer ces systèmes à anneaux (voir Takeuchi & Artymowicz 2001 pour le détail du mécanisme), comme cela est suggéré dans Kral et al. (2019). Pour ce faire, il/elle fera tourner des simulations N-corps de grains de poussières évoluant sous l'effet du gaz et de la pression de rayonnement (Thebault & Augereau 2005) pour essayer de reproduire les observations en lumière diffusée. Ainsi, la présence de ces anneaux seraient des indicateurs de la présence de gaz, ce qui permettrait d'avoir plus d'informations sur la localisation du gaz et sa masse totale. On pourra ensuite utiliser ce travail pour trouver plus de systèmes avec du gaz, ce qui serait très bénéfique. De plus, récemment, Lieman-Sifry et al. (2016) ont observé grâce à ALMA que les disques de gaz massifs étaient ceux qui possédaient les plus petits grains de poussière (en moyenne). Ce fait pourrait aussi être expliqué par la présence du gaz car les plus petits grains sont poussés vers l'extérieur par le gaz, i.e. ils sont déplacés plus loin dans le disque, dans des parties moins collisionnelles et ils peuvent survivre plus longtemps que dans les disques sans gaz. Le candidat développera un modèle semi-analytique pour prédire le changement de la distribution en taille de la poussière dans les systèmes riches en gaz afin de comparer aux observations.