Thèse en cours

La distinction de la propriété et de la souveraineté à l'époque moderne

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Auteur / Autrice : Gregory Szuter
Direction : Alexandre Deroche
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Sciences juridiques
Date : Inscription en doctorat le 29/08/2022
Etablissement(s) : Tours
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences de la Société : Territoires, Économie et Droit (Centre-Val de Loire ; 2018-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Institut de Recherche juridique interdisciplinaire François Rabelais

Mots clés

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Résumé

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L'institution de la propriété privée telle que nous la connaissons aujourd'hui a été consacrée dans la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, mais est issue des réflexions d'un certain nombre d'auteurs antérieurs. Alors que sous la période féodale, et jusqu'à la fin du XIe siècle, moment de la redécouverte des compilations de droit romain, la propriété se résume à une simple question de possession et ne se distingue guère de la notion de souveraineté, on observe dès la fin du XVIe siècle que les deux notions sont désormais bien distinctes et établies dans l'esprit des juristes tels que Jean Bodin (Les Six Livres de la République, 1576) et Charles Loyseau (Le Traité des Seigneuries, 1607). Entre le XIe siècle et la fin du XVIe, il semble qu'en dehors de la question des droits de l'empereur Frédéric Barberousse posée aux ''Quatre Docteurs'' de Bologne (surtout en raison des divergences entre Martinus et Bulgarius, au XIIe siècle), du débat ecclésiastique sur la pauvreté franciscaine (début XIVe siècle) et les réflexions philosophico-théologiques nées de la colonisation hispano-portugaise de l'Amérique du sud (XVIe siècle), on ne trouve guère de trace doctrinale, théorique sur le sujet de la propriété et de la souveraineté en tant qu'institutions. En revanche, ainsi que les auteurs du XVIe et XVIIe siècle en témoignent eux-mêmes dans leurs écrits, de très nombreuses réflexions ressortent de la production des parlements et des juridictions. On peut dès lors se demander dans quelle mesure leurs écrits, souvent considérés comme fondateurs, ne sont pas en réalité simplement le constat et la formalisation d'une pratique juridique alors largement répandue mais méconnue du fait de la moins grande familiarité avec les sources issues des juridictions et parlements. La recherche que je me propose de mener dans le cadre d'une thèse d'Histoire du Droit vise à démontrer comment le processus de distinction entre propriété et souveraineté s'est réalisé, vraisemblablement au cours de la période allant de la fin du XVe siècle au début du XVIIe siècle, en étudiant l'articulation dialectique entre grands traités de Droit, et décisions jurisprudentielles et pratique juridique locale. La recherche se focalisera sur plusieurs points (liste non exclusive): - La souveraineté royale dans les seigneuries et sur les alleux - L'appropriation individuelle des espaces ''communs'' sous juridiction seigneuriale ou royale - Les contestations locales de la souveraineté royale, avant et pendant les Guerres de Religion - Les usurpations de titres et leurs conséquences sur les offices et les domaines - L'articulation de la pensée jusnaturaliste avec la pensée absolutiste et les critiques monarchomaques de celle-ci - etc. Pour ce faire, l'essentiel du travail de recherches portera sur les sources de l'époque, issues des coutumiers, des registres des arrêts des Parlements et autres juridictions, des grandes compilations des commentateurs comme Charondas (Louis le Caron) ou encore Pierre Bardet, ainsi que bien sûr, les ouvrages des auteurs cités en introduction. A ma connaissance, ce travail d'exploration de ce type de ressources a toujours été limité à une ou quelques provinces, sans être porté plus avant, en particulier sur les questions auxquelles je me propose de répondre. De par l'ampleur et l'ambition de ce travail exploratoire, heureusement facilité par les précédentes recherches documentaires menées dans le cadre universitaire pour des articles et autres publications dans un champ plus focalisé, il sera nécessaire d'établir un inventaire précis des documents encore existants et accessibles, qui facilitera d'éventuelles recherches ultérieures sur ce thème ou sur d'autres. Cet outil documentaire semble d'autant plus nécessaire que les auteurs considérés comme majeurs font souvent référence à des affaires particulières dans leurs écrits (notamment Jean Bodin), mais qui ne sont pas précisément identifiées et donc étudiées, laissant ainsi tout le bénéfice du doute à l'auteur qui pourrait ne pas tout à fait rapporter les faits et les dires tels qu'ils l'ont été. En incluant dans cet inventaire un index des citations opérées chez les auteurs ou chez les praticiens du droit dans leurs plaidoiries et décisions, il sera beaucoup plus clair d'identifier qui s'inspire de qui et de valider ou d'infirmer l'hypothèse selon laquelle les grands traités juridiques de cette période se sont bâtis sur la pratique juridique locale plutôt que l'inverse. Cette recherche permettra également de comprendre pourquoi dans le mouvement absolutiste où le pouvoir royal s'est considérablement renforcé en termes de juridiction, il s'est en contrepartie considérablement limité en termes de possibilités d'influer sur la propriété tant publique que privée, relativisant largement le terme d'absolutisme tel qu'on le comprend couramment. La compréhension de ce mécanisme de distinction n'intéresse pas que l'histoire du droit, mais également le droit international actuel, puisque ce débat ancien semble trouver des échos dans le débat qui anime certaines organisations internationales sur la question de la propriété privée et de la propriété dans l'espace extra-atmosphérique, et notamment sur le régime de l'appropriation des ressources matérielles disponibles sur les corps célestes tels que la Lune ou certains astéroïdes.